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ques, de laisser à leur suite cette idée, que chacun des actes qui réparent, est une justice qui accuse éloignons donc une prévention si funeste, et consacrons sans réserve à la garantie de l'avenir, tous les sentimens qui ne pourraient que s'égarer dangereusement sur le passé.

Le ciel semblait avoir pris une teinte conforme au deuil public; le jour était triste et sombre. Cette touchante cérémonie, qui n'appelait point les regards par son éclat, avait attiré plus de monde que les plus brillantes solennités. Dès le matin, une foule immense remplissait les rues qui conduisent à NotreDame, et les postes établis aux différentes portes de l'église furent souvent obligés de céder à l'empressement du peuple. Tous étaient animés par les mêmes sentimens; tous youlaient s'acquitter des mêmes devoirs.

Le portail de l'église était tendu, dans toute sa longueur, d'une draperie noire ornée des armes de France et du chiffre du Roi, et un drapeau blanc, armorié des mêmes armes, flottait au-dessus d'une des tours. Le bruit funèbre des cloches joint à celui des paroisses de Paris, qui toutes célébraient en même

temps un pareil service, répandait dans les ames une profonde tristesse.

La nef de Notre-Dame, entièrement tendue de noir et surmontée d'un drap noir qui en cachait totalement la voûte, était éclairée par une quantité immense de cierges et de lustres, et était ornée pareillement des armes de France et du chiffre du Roi. On avait pratiqué entre les piliers des tribunes de chaque côté, pour placer les personnes invitées à cette auguste cérémonie. On avait dressé en avant du chœur un autel surmonté d'un dais, et au milieu de la nef était placé le catafalque, modeste dans sa magnificence, et qui ne renfermait qu'un seul tombeau, sur lequel on voyait la couronne de France sous le crêpe. Ce catafalque, entouré de plus de cent cierges, avait aux quatre coins les emblèmes de la Foi, de l'Espérance, de la Charité et de l'Immortalité, représentées par des statues de grandeur naturelle. Le cénotaphe était couvert d'un poêle de velours noir extrêmement riche, orné des attributs de la royauté, et décoré des armes de France. Un magnifique baldaquin surmonté de panaches noirs et blancs et parsemé de fleurs de lys le couvrait entièrement.

Le Roi arriva à onze heures et demie; il

avait été précédé de Madame la Duchesse d'Angoulême, de M. le Comte d'Artois et du Duc de Berri. Le Roi se plaça dans une tribune à droite de l'autel, qui lui avait été préparée; les Princes sur des fauteuils placés en avant de la tribune du Roi, et Madame d'Angoulème dans une autre tribune à côté de celle du Roi.

Cette princesse était en grand deuil, avec un voile noir qui la couvrait presque toute entière. Les yeux se fixaient alternativement sur les princes et sur elle; mais d'autant plus particulièrement sur elle, qu'on avait plus de peine à la voir son habit la dérobait presque aux regards, en la confondant avec la tenture de sa tribune et de l'église. Quel tendre intérêt d'ailleurs n'excitait pas cette royale orpheline, au pied du mausolée de son auguste père, de sa mère; de son frère et de sa tante! elle en était plus voisine que le Roi et les princes; sans doute comme ayant une plus grande part dans la douleur commune.

M. l'abbé Legris Duval a prononcé l'oraison funèbre de Louis XVI. Ce discours a duré plus d'une heure et demie. Longue épreuve pour la sensibilité du Roi et des princes, dont il a fait souvent couler les larmes; et pour le cœur

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de cette princesse dont il rouvrait toutes les plaies, dont il ranimait tous les souvenirs, dont les pleurs n'ont pas tari pendant cette partie de la cérémonie.

Les personnes qui se trouvaient placées assez près de l'orateur ont pu seules l'entendre. La plupart des assistans étaient réduits à lire sur le visage du Roi, dans les yeux des princes, dans les mouvemens de la princesse, les différens effets du discours, et les endroits les plus pathétiques d'une oraison funèbre dont le sujet est le comble de l'intérèt.

Mais la plus belle des oraisons funèbres de Louis XVI sera toujours sans doute le testament même de ce Roi. C'est dans ce monument de douceur, de paix, de clémence, qu'on retrouvera toujours son ame, ses vertus, et les belles instructions qu'il a laissées à ses successeurs, avec les exemples de sa vie et de sa mort.

A la fin de cette cérémonie, à laquelle ont assisté les plus illustres étrangers, et les officiers les plus distingués des troupes alliées, tous les cœurs pénétrés de tristesse semblaient éprouver cette douce satisfaction, ce soulagement qui suivent toujours l'accomplissement d'un grand devoir..

Cet

Cet appareil funèbre, cette imposante réunion des personnages les plus augustes, cette voix de l'orateur chrétien se faisant entendre au milieu d'une foule immense qui gardait le silence le plus profond; tout donnait à cette cérémonie l'aspect le plus noble, et laissera de longs souvenirs. Nous pouvons répéter avec l'éloquent auteur du discours. « L'Eternel a » entendu nos prières, il a vu couler nos » larmes, elles ont fléchi sa colère, nos mal» heurs sont finis, et de nouveaux jours vont » luire sur notre patrie. »

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Nous avons peint ce Monarque comme Roi entouré de toute sa puissance, et comme simple particulier accablé sous le poids du malheur. Dans ces deux conditions, il ne démentit jamais les sentimens de son cœur.

Dans la première, son seul et unique but ne tendait qu'au bonheur du peuple. Son seul désir fut toujours de le rendre heureux, et si son règne n'eût daté par ses infortunes, il aurait toujours été cité par sa bienfaisance et sa sollicitude paternelle pour des sujets qui ne se montrèrent, hélas! que trop ingrats envers lui.

Aucun événement militaire, si ce n'est la guerre d'Amérique (guerre qui fut entreprise

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