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religion, le duc de Vauguyon lui inspira, par son exemple, l'exercice de la probité, de la franchise, de la piété, et de toutes les vertus qui font l'honnête homme.

Louis profita parfaitement de leurs leçons. Que je serais content, dit-il un jour, si je pouvais savoir quelque chose que mon père ne sút point! Le duc de Bourgogne, son frère aîné, mourut en 1760, à l'âge de neuf ans, et lui ouvrit le chemin pénible du trône. En 1765, Louis perdit son père qui fut généralement regretté de toute la France. La Dauphine, n'ayant pu survivre à la perte qu'elle venait de faire, rejoignit peu de temps après son illustre époux. La douleur de Louis ne peut s'exprimer, et ce Prince resta long-temps sans vouloir sortir. Lorsqu'en traversant les appartemens il entendit dire, pour la première fois : Place à M. le Dauphin, il ne put retenir ses larmes et s'évanouit. Les deux traits suivans annoncèrent dès-lors sa justice et sa bonté. Des courtisans, qui voulaient sonder sa façon de penser lorsqu'il fut Dauphin, lui ayant demandé quel surnom il prendrait à son avénement au trône? Celui de Louis-leSévère, leur répondit-il. Se trouvant à la chasse avec ses frères, ces deux jeunes Princes

entendant sonner la mort du cerf, avaient dit au cocher de se hâter; et pour obéir à leurs ordres, le cocher allait traverser un champ de blé; mais le Dauphin lui cria de prendre la route ordinaire, en ajoutant: Ce blé ne nous appartient pas; pourquoi nos plaisirs feraient-ils tort au pauvre?

La Cour, voulant prévenir les guerres qui avaient si long-temps désolé la France et l'Autriche, projeta une alliance entre ces deux Etats, et l'union du Dauphin avec Marie-Antoinette d'Autriche, fille de l'Impératrice Marie-Thérèse, en cimenta le rapprochement. Elle fut cependant célébrée sous de bien funestes auspices. La fète, que la ville de Paris donna à cette occasion, fit périr un nombre considérable de personnes, par le défaut d'ordre et de précaution qui y régna. La place de Louis XIV, encombrée de morts et de blessés, présenta l'affreux tableau d'un désordre jusqu'alors inconnu, et offrit l'horrible présage que l'héritier du trône devait aussi y périr luimême. Le Dauphin, vivement affligé de cet événement, écrivit au Lieutenant de police; « Je suis pénétré de tant de malheurs; on » m'apporte en ce moment ce que le Roi me » donne tous les mois; je ne puis disposer que

» de cela, et je vous l'envoie. Hâtez-vous » de secourir les plus malheureux. » Cessant toutes dépenses superflues, il continua à envoyer sa rente pendant plusieurs mois, et n'en détourna quelques sommes, que pour les porter secrètement dans les réduits du pauvre, Lorsque ces actes de bienfaisance étaient aperçus, il disait agréablement : « Il est bien » singulier que je ne puisse aller en bonne » fortune sans qu'on le sache. Ses actions ne démentirent jamais ses paroles, et il aima mieux s'exposer à déplaire à son aïeul, que de manquer à ce qu'il devait aux mœurs et aux

convenances.

Quelque temps après son mariage, Madame Dubarri avait sollicité l'honneur de souper avec Madame la Dauphine. Le Daur phin se rendit chez le Roi, et avec une noble et respectueuse fermeté, il lui dit : « Sire, je » suis disposé à donner personnellement à » Votre Majesté toutes les marques possibles » de tendresse, de soumission et de respect; » mais il est de mon intérêt, ainsi que de mon > devoir, de ne laisser approcher de Madame » la Dauphine aucun scandale.» Cette fermeté ne déplut point à Lois XV, parce qu'il sentit qu'elle n'avait d'autres principes que le respect

que son petit-fils avait pour les mœurs. Ce respect était porté à un tel point, qu'un jeune homme d'une famille des plus distinguées, mais qui avait des mœurs dépravées, sollicitant une des premières places dans sa maison, s'il l'obtient, dit le Dauphin, qu'il n'approche pas de ma personne, je le dispense de son service. Tant de fermeté jointe à tant de bonté annonçait le plus heureux règne pour son peuple et pour lui: la France n'en a pas compté de plus sinistre. Lorsqu'on lui annonça, en 1774, la mort de son aïeul, qui l'appelait à la royauté, il parut effrayé de son nouveau pouvoir, et s'écria : 0 mon Dieu! quel malheur pour moi !

A cette époque, les finances se trouvaient épuisées, le commerce sans vigueur, la marine anéantie, Louis XVI appela au ministère ceux que l'opinion publique lui désigna comme les plus propres à réparer les maux du royaume, et si quelques-uns parurent au-dessous de leur renommée, du moins le Monarque n'avait-il cherché, en les plaçant auprès de lui, qu'à leur fournir l'occasion de la justifier. Le premier édit de son règne fut un bienfait; il dispensa les peuples du payement du droit connu sous le nom de joyeux événement, et s'énonça

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ainsi dans cet édit : « Il est des dépenses qui >> tiennent à notre personne et au faste de notre Cour. Sur celles-là nous pourrons > suivre plus promptement les mouvemens de >> notre cœur, et nous nous occupons déjà de » les réduire à des bornes convenables. De >> tels sacrifices ne nous coûteront rien, dès qu'ils pourront tourner au soulagement de >> nos sujets; leur bonheur fera notre gloire, » et le bien que nous pourrons leur faire, sera » la plus douce récompense de nos travaux. » Le second fut un acte de justice; il promit d'acquitter la dette publique, et rassura les créanciers de l'Etat. Il rappela les membres du parlement qui avaient été exilés, et les rendit à leurs fonctions. Il avait promis, et il tint parole: par son ordre on remboursa vingtquatre millions de la dette exigible, cinquante de la dette constituée, et vingt-huit des anticipations. Le crédit national commença à

renaître. Portant ses vues sur toutes les branches d'économie possibles, il supprima les pensions que la faveur avait obtenues, et diminua celles qui étaient peu méritées.

L'écomie du Monarque servit d'exemple et devint extrême. On lui représenta qu'il la pous sait trop loin. Que m'importe l'éclat et le luxe,

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