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tout, il est aussi des hommes qui ne craignent pas d'élever leur voix en faveur de l'innocence, malgré les dangers auxquels ils s'exposent.

<< Saisi d'horreur, je déclare, comme simple citoyen français, que dans mon » opinion, le jugement de la Convention > nationale, qui condamne à mort le ci>> devant Roi Louis XVI, est une infâme ini» quité. Je pense que la volonté publique a » pu me délier du serment qui m'attachait à » notre constitution; mais qu'un retour ré>>troactif contre mes sermens ne peut être » qu'un parjure. Je réclame contre l'impunité » des massacres du mois de septembre.

» Voilà ce que ma conscience me fait un >> devoir de publier, voilà ce que je voudrais » transmettre à tous mes contemporains, et » de génération en génération, à toute la » postérité.

"Fait à Paris, ce jeudi soir, 17 janvier » 1793. »

Signé François OURSDENESLE,
(de l'île de Rhé.)

Cette lettre fut envoyée à tous les journalistes, qui s'empressèrent de l'insérer dans

leurs feuilles. Mais, hélas! que pouvait la voix d'un citoyen, lorsque la pluralité des Français, qui partageaient ces mêmes sentimens, gardèrent un silence imprimé par la crainte et la terreur.

Passons maintenant aux divers évènemens de la détention de Louis XVI au Temple, avec sa famille. On y verra combien il fut grand dans les fers, et avec quel calme et quelle résignation il supporta les affreux oùtrages qu'on lui fit éprouver, et combien les sentimens religieux donnent de courage à l'innocence.

Le 2 septembre, il y eut beaucoup de fermentation autour du Temple. Le Roi et sa famille descendirent, comme à l'ordinaire, pour se promener dans le jardin. Un Municipal qui suivait le Roi, dit à un de ses collégues: « Nous avons mal fait de consentir à

les promener cette après-dinée. » Ils firent alors rentrer la famille royale avec précipitation mais à peine fut-elle réunie dans la chambre de la Reine, que deux Officiers municipaux, qui n'étaient point de service à la tour, entrèrent, et l'un d'eux, nommé Mathieu, ex-capucin, dit au Roi : « Vous

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ignorez, Monsieur, ce qui se passe : la

» Patrie est dans le plus grand danger; l'en» nemi est entré en Champagne, le Roi de » Prusse marche sur Châlons; vous répondez » de tout le mal qui peut en résulter. Nous » savons que nous, nos femmes, nos enfans » périrons; mais le peuple sera vengé, vous » mourrez avant nous. Cependant il en est temps encore, et vous pouvez..... » — J'ai >> tout fait pour le peuple, répondit le Roi,

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je n'ai rien à me reprocher. >>

Cependant les cris du dehors augmentaient; on entendit très-distinctement des injures contre la Reine, et un Municipal survint, suivi de quatre hommes, députés par le peuple, pour s'assurer si la famille royale était dans la tour. Un d'eux dit à la Reine, du ton le plus grossier: «On veut vous cacher la tête. » de la Lamballe, que l'on vous apportait, » pour vous faire voir comment le peuple se » venge de ses tyrans.» A ces mots la Reine tomba évanouie, ses enfans fondaient en larmes et cherchaient, par leurs caresses, à la ranimer. Cet homme ne s'éloignait point, le Roi lui dit, avec fermeté : « Nous nous atten» dons à tout, Monsieur; mais vous auriez >pu vous dispenser d'apprendre à la Reine ce >> malheur affreux.» Frappé de cette réponse,

ce monstre sortit avec ceux qui l'accompagnaient. Leur but était rempli.

Un jour le Roi prenant le Commissaire de garde pour celui de la veille, et lui témoignant avec intérêt qu'il était fâché qu'on eût oublié de le relever, ce municipal nommé Meunier, ne répondit à ce mouvement de sensibilité du Roi que par des injures. « Je » viens ici, lui dit-il, pour examiner votre » conduite, et non pour que vous vous oc» cupiez de la mienne»; et s'avançant près de Sa Majesté, le chapeau sur la tête, «per» sonne, et vous moins qu'un autre, n'a le » droit de s'en mêler. »

Un factionnaire de l'intérieur écrivit un jour sur la porte de la chambre du Roi et en dedans La guillotine est permanente et attend le tyran Louis XVI. Le Roi lut ces paroles, on voulut les effacer; Sa Majesté s'y

opposa.

Le 21 décembre, à quatre heures du soir le nommé Lubin, municipal, vint, entouré de gendarmes à cheval et d'une nombreuse populace, faire une proclamation devant la tour. Les trompettes sonnèrent et il se fit un grand silence. Ce Lubin avait une voix de stentor; la famille royale entendit distinctement la

proclamation de l'abolition de la royauté et de l'établissement d'une république. Hébert, si connu sous le nom du père Duchesne, et Destournelles, depuis Ministre des contributions publiques, se trouvaient de garde auprès de la famille Royale; ils étaient assis dans ce moment près de la porte, et fixaient le Roi avec un sourire perfide. Ce Prince s'en aperçut, il tenait un livre à la main et continua de lire; aucune altération ne parut sur son visage. La Reine montra la même fermeté; pas un mot, pas un mouvement qui pussent accroître la jouissance de ces deux hommes, et leur espoir fut trompé.

On ne finirait pas s'il fallait rapporter toutes les horreurs qu'on fit endurer à cette auguste famille. Chaque jour voyait se renouveler de pareilles atrocités. Quelques témoignages cecependant de fidélité ou d'attendrissement vinrent quelquefois adoucir l'affreux tourment de ces persécutions, et furent d'autant plus remarqués qu'ils étaient rares.

Un factionnaire montait la garde à la porte de la chambre de la Reine: c'était un habitant des faubourgs, vêtu avec propreté, quoiqu'en habit de paysan. Cléry seul, dans la première chambre, était occupé à lire, il le considérait

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