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diction, puis le relevant et le serrant contre son sein, il lui dit : « Faites en part à toutes » les personnes qui me sont attachées; dites >> aussi à Turgi que je suis content de lui. » Rentrez, ajouta le Roi, ne donnez aucun » soupçons contre vous. » Puis le rappelant, il prit sur une table un papier qu'il y avait posé. << Tenez, voici une lettre que Pétion » m'a écrite lors de votre entrée au Temple, » elle pourra vous être utile pour rester ici, » Clairy saisit de nouveau sa main, la baisa et sortit. «Adieu, reprit encore le Roi, adieu !... » Cléry ayant rejoint le respectable confesseur. Quel Prince, dit cet Ecclésiastique, avec quelle résignation, quel courage il va à la » mort! Il est aussi tranquille que s'il venait » d'entendre la messe dans son palais et au >> milieu de sa Cour. >>

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A sept heures, le Roi sortit de son cabinet, appela Cléry, et le tirant dans l'embrasure d'une croisée, il lui dit : « Vous remettrez ce >> cachet à mon fils... Cet anneau à la Reine; » dites lui bien que je la quitte avec peine... » Ce petit paquet renferme des cheveux de >> toute ma famille; vous le lui remettrez » aussi. Dites à la Reine, à mes chers enfans, » à ma sœur, que je leur avais promis, de les

» voir ce matin, mais que j'ai voulu leur » épargner la douleur d'une séparation si » cruelle combien il m'en coûte de partir >> sans recevoir leurs derniers embrassemens...>> Il essuya quelques larmes, puis il ajouta avec l'accent le plus douloureux : « Je vous charge » de leur faire mes adieux. »

Paris était sous les armes depuis cinq heures du matin. On entendait battre la générale, le bruit des armes, le mouvement des chevaux, le transport des canons qu'on plaçait et replaçait sans cesse, tout retentissait dans la tour.

A neuf heures, le bruit augmente, les portes s'ouvrent avec fracas, Santerre accompagné de sept à huit municipaux, entre, à la tête de gendarmes, et les range sur deux lignes. A ce mouvement, le Roi sortit du cabinet. <<< Vous venez me chercher, dit-il à Santerre. Qui. Je vous demande une minute, » et il rentra dans son cabinet. Sa Majesté en ressortit sur-le-champ; son confesseur le suivait; le Roi tenait à la main son testament, et s'adressant au municipal, Jacques Roux, qui se trouvait le plus près en avant : « Je vous » prie de remettre ce papier à la Reine, à ma » femme. » — « Cela ne me regarde point, » répondit le municipal, en refusant de

» prendre l'écrit, je suis ici pour vous conduire » sur l'échafaud. » Sa Majesté s'adressant ensuite à Gobeau, autre municipal, « Remettez » ce papier, je vous prie, à ma femme; vous >> pouvez en prendre lecture, il y a des dispo»sitions que je désire que la Commune » connaisse.» Puis regardant Santerre, il lui dit d'une voix noble et ferme, marchons. S'adressant après à son valet-de-chambre « Vous avez tort, lui dit-il, Cléry, de vous affliger autant les gens qui veulent bien. » encore m'aimer, devraient au contraire se » réjouir de voir arriver le terme de mes

» maux. »

Il descendit d'un pas ferme les degrés de la tour, et traversa les cours, en tournant ses derniers regards vers le côté de la prison qui renfermait sa famille. C'est avec cette douce confiance, c'est avec ce calme inaltérable qu'il alla à la mort, fermant les yeux à tout ce qui aurait pu distraire sa piété, et ne s'occupant que des prières qui ouvrent le Ciel aux agonisans, jusqu'au moment où il fut arrivé au pied de l'échafaud. Il y monte, on lui coupe les cheveux, on le dépouille de ses vêtemens, on veut lui lier les mains il s'y refuse, en disant: Je suis sûr de moi. On insiste. L'aspect

des liens infâmes dont on voulait charger ses mains, parut altérer un moment la paix de son ame; mais à peine a-t-il entendu la voix de son confesseur qui lui dit : Encore cette conformité de souffrances avec celles de Jésus-Christ, que surmontant sa répugnance, il répond: Oui, mon Dieu! encore cet outrage... Vous l'avez voulu! Et il tend les mains avec docilité aux exécuteurs. S'avançant du côté gauche de l'estrade, il s'écrie d'une voix forte: « Français, je meurs innocent; je pardonne » à mes ennemis, et souhaite que ma mort. » soit utile au peuple. La France.... » Alors un roulement de tambours couvrit sa voix et l'empêcha de terminer. Son confesseur lui fait un dernier adieu, en lui adressant ces paroles sublimes et consolantes: Allez, fils de Saint Louis, montez au Ciel, et le fils de Saint Louis présenta sa tête aux bourreaux.

La terre, en effet, la terre inondée de tant de crimes, n'était pas digne d'une ame pure -et céleste comme la sienne; elle n'était faite que pour le ciel. Ainsi périt ce pieux Monarque qui eut toutes les vertus privées dont un homme peut s'honorer. Il fut bon époux, excellent père de famille; sans faste comme sans passions désordonnées. L'exercice de la

chasse et de quelques arts mécaniques fut son seul délassement, Il possédait parfaitement l'histoire, et était l'un des meilleurs géographes de France. Il parlait purement le latin, et savait très-bien l'anglais; ce Prince offre un nouvel exemple.que les vertus privées ne suffisent pas pour bien gouverner, et qu'au désir de faire le bien, il faut joindre la force de le faire exécuter; mais sa bonté, sa piété enhardirent les méchans, et il fut la victime infortunée de leurs affreux complots. Son testament, que nous allons rapporter, nous prouve combien, dans sa captivité, la religion soutint son courage, et le pardon qu'il accorda à ses ennemis, en priant pour eux, nous montre la bonté de son ame. Au sein de l'Eternel, il jouit en paix de ses glorieux sacrifices et du prix de sa résignation. Digne fils de Saint Louis, il a, par ses prières, appaisé le courroux céleste; que notre amour, notre vénération pour lui se reportent sur son digne successeur. Héritier de ses vertus et du trône, il réalisera tout le bien qu'a voulu faire l'infortuné Louis XVI. Déjà il nous prouve, par son avénement au trône, que la clémence divine daigne jeter un regard de bonté sur un peuple que des scélérats ont trop long-temps abusé.

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