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nouvelles instances. C'est alors qu'il dit avec autant d'esprit que de sentiment: Il n'y a donc point de père parmi les Messieurs du Tiers - Etat!

Après une perte si sensible, il aurait pu trouver sa consolation dans un second fils qu'il avait, et qui prit le nom de Dauphin; mais il eut bientôt la douleur de voir ce fils ehéri partager avec lui tous les malheurs où l'avait entraîné la révolution; et tout ce qu'il put faire, ce fut de chercher à lui en adoucir l'amertume. Mais revenons aux événemens qui précédèrent sa chute. Les massacres et les insurrections inondaient le Midi. L'insubordination germait dans toutes les troupes; on accusait la Reine de chercher à soulever toutes les puissances de l'Europe contre la France. Louis, forcé d'éloigner ses Chapelains et les Grands-Officiers attachés de tout temps à sa personne, n'ayant plus de part à la confection des lois, ne nommant aucun des Magistrats qui rendaient la justice en son nom, privé de la prérogative de faire et de commuer les peines, exclu du droit de commander l'armée, gèné dans celui de déclarer la guerre et de faire la paix, privé du soin de recouvrer les impositions, de les répartir, de récompenser

les services publics, d'organiser le ministère, Louis reconnut qu'il n'était plus possible de gouverner un Etat d'une aussi grande étendue. que la France avec des moyens aussi faibles que ceux qu'on avait laissés à sa disposition; il crut pouvoir se soustraire à tant de persécu tions et sauver sa famille de tout outrage. Dans la nuit du 20 au 21 juin 1791, il s'évada des Tuileries, et laissa à l'Assemblée une déclaration dont les motifs de plainte étaient fondés, Reconnu à Varennes, eraignant que sa délivrance ne coûtât la vie à quelques-uns de ses défenseurs, il ne voulut point employer la force, et revint à Paris, conduit prisonnier, lui et sa famille, dans le château dont il était sorti.

Dans cette crise importante, l'Assemblée constituante, où régnait encore tant d'esprits sages et amis de l'ordre, fit place à l'Assemblée législative. Celle-ci présenta beaucoup de férocité et peu de génie. Les prêtres assermentés ou non furent bannis, les émigrés frappés de mort. La guerre fut déclarée à toutes les puissances de l'Europe. On la voulut pour faire redouter des trahisons et en accuser le Monarque. Alors éclata la fameuse journée du 20 juin 1792. Trente mille hommes et femmes forcent les portes de l'Assemblée et celles de

l'intérieur des Tuileries, pénètrent dans le château. Un canon, démonté de son affût fut porté, à force de bras, dans la salle des gardes. La porte de l'œil de bœuf était fermée; on la secoue, elle allait être brisée; c'en était fait de la famille royale. Un homme, un seul homme arrêta, désarma ces tigres altérés de sang; cet homme, ce fut Louis XVI. Il court à la porte et crie aux Suisses qui la gardaient: Ouvrez, ouvrez, je ne dois rien avoir à craindre des Français. Cette fermeté suspend toute furie.

Louis se retire au fond de la chambre. Les forcenés s'élancent en criant: Où est-il, où est-il, que nous l'égorgions? Les Suisses de la garde tirent leur épée. Non, non, leur dit tranquillement le Roi; remettez vos épées dans le fourreau, je vous l'ordonne. Un furieux se place devant lui pour offrir sans cesse à ses regards ces mots, la mort, écrits sur ses vêtemens. Un autre lui présente une bouteille, et lui ordonne de boire à la santé de la nation; un autre tenant d'une main un long pistolet armé d'un dard et de l'autre un sabre, criait à bas le veto. Un autre portait au haut d'une fourche un poumon de veau, et montrait cette inscription au-dessous : Caur

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des aristocrates. Un autre enfin s'approche, et place sur la tête de Louis un bonnet rouge. Gependant le danger continuait. Louis était environné d'assassins, et entendait proférer à tout moment les menaces les plus effrayantes. Lorsque Péthion, Maire de Paris, monta sur un tabouret et lui dit : «< Sire, vous n'avez » rien à craindre. » << Rien à craindre, répondit le Roi avec émotion! L'homme de bien qui a la conscience pure ne tremble » jamais; il n'y a que ceux qui ont quelque >> chose à se reprocher qui doivent avoir peur.>> Tiêns, ajouta-t-il en prenant la main d'un grenadier qui était à côté de lui, donne-moi ta main, mets la sur mon cœur, et dis à cet homme s'il bat plus vite qu'à l'ordinaire. Péthion confus ne répliqua rien, et les spectateurs étonnés sentirent que rien n'est plus propre à rassurer au milieu du danger què le témoignage d'une bonne conscience.

Hélas! cette journée devait faire.pressentir à l'infortuné Monarque sa fin prochaine. Dès ce moment il s'attendit à périr, et ne cessa de chercher à résigner sa famille à souffrir de nouveaux malheurs.

Le dix août suivant, le tocsin sonne; des phalanges de Marseillais, unies au peuple des

faubourgs, couvrent la place du Carousel, investissent les Tuileries et tournent leurs canons contre la demeure du Roi; un Conseil particulier détermine Louis XVI à se rendre à l'assemblée avec sa famille et à mettre ses jours sous sa sauve-garde. « Allons, dit-il, en levant la main droite, donnons, puisqu'il le faut encore, cette dernière marque de dévouement.» Lorsque Louis XVI fut entré avec sa famille dans l'intérieur de l'assemblée, les hostilités recommencèrent, l'effroi gagna les députés et ils sollicitèrent du Monarque l'ordre d'arrêter l'effusion du sang. A peine l'eut-il signé, que le peuple massacra, sans pitié, les Suisses qui ne pouvaient plus, sans manquer à la discipline militaire, opposer une vigoureuse résistance, et donna, dans cette affreuse journée, les marques d'une férocité sans exemple.

Plein de confiance en ses ennemis qui avaient résolu sa perte, Louis crut trouver au sein de l'assemblée cet intérêt que ses vertus et sa bonté avaient droit d'exiger de ceux en qui il avait remis le salut de l'Etat. Il eut la douloureuse certitude de voir combien il s'était trompé, et entendit prononcer la suspension de son pouvoir et l'ordre de le ren

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