: s'écria-t-il; de vaines dépenses ne sont pas le bonheur! Instruit de l'usure qui dévorait la capitale, il voulut en arrêter les cruels résultats, et établit un Mont-de-Piété, qui, pour un modique intérêt, présenta aux indigens des ressources qu'ils ne trouvaient qu'à force de sacrifices. Il créa une Caisse d'Escompte, afin de facilter les opérations du commerce; supprima le régime désastreux des corvées, qui arrachait l'agriculteur à ses importans travaux. La servitude personnelle dans les domaines. du Roi fut abolie. On adoucit le Code criminel la torture, née dans les cachots de l'inquisition, prodiguant les tourmens et la douleur, dans l'espoir de trouver des coupables, disparut de la législation criminelle et cessa de la déshonorer. L'affreux systême de punir de mort les déserteurs, répugnant à la bonté de son cœur, fit place à une peine moins rigide. En 1780, ayant fait un voyage à Cherbourg, pour visiter les travaux faits dans ce port, il recueillit le fruit de la reconnaissance publique, et reçut le prix de tant de bienfaits. Il parcourut la Normandie, et, par-tout sur son passage, les acclamations les plus vives et les plus sincères, lui prouvèrent combien il était aimé. Plein de reconnaissance pour un peuple . 1 qui savait si bien apprécier ses vertus, il écrivit à la Reine : L'amour de mon peuple a > retenti jusqu'au fond de mon cœur, jugez » si je ne suis pas le plus heureux Roi du » monde. » Flatté de l'accueil qu'il avait reçu, il voulut en conserver le souvenir, en donnant à son second fils, né quelque temps après, le titre de Duc de Normandie, afin qu'il se rappelât sans cesse une Province qui avait fait éprouver à son père les plus douces émotions. L'aurore d'un si beau règne allait être suivie d'une affreuse nuit. La guerre d'Amérique l'amena. Louis XVI fut presque le seul de sa Cour qui ne partagea point à ce sujet l'opinion de ceux qui l'entouraient. Ce ne fut qu'avec la plus grande répugnance, que, cédant au vœu de son conseil, pour l'indépendance américaine, il la reconnut. Ce fut vers ce temps que Louis eut le bonheur d'avoir son second fils. La ville de Paris célébra sa naissance par un bal que le Roi ouvrit, et où il combla les vœux des Parisiens, en dansant un menuet avec la femme du premier Echevin. Cette fète, cette union du Monarque à ses sujets, eurent lieu le 21 janvier, 1782, et onze ans après, le même jour et la même ville le virent conduire à la mort. Quel affreux rapprochement! La durée d'un hiver rigoureux, et le débordement des fleuves, avaient occasionné de grands dégâts dans les campagnes, les chemins étaient détruits, les arbres emportés, les maisons menaçaient ruine. Le Roi accorda une somme de trois millions pour être répartie sur les laboureurs les moins imposés, et trois autres millions pour distribuer des bestiaux, des denrées et des instrumens d'agriculture. Cette sollici tude paternelle, il la montra encore dans le rigoureux hiver de 1788, et le trait que je vais citer en est la preuve. M. Jacob, curé de la paroisse de Notre-Dame de Versailles, ayant épuisé tous les fonds destinés aux aumônes, et se voyant entouré, soir et matin, d'une multitude de pauvres qui lui demandaient du pain, prit le parti de recourir à la bonté du Roi, pour se procurer de quoi leur en donner: il alla donc au château, un jour de la semaine, pour assister au lever du Prince, quoique, selon l'usage, il ne dût y paraître que le dimanche. Le Roi fut surpris de le voir, et ne sachant la raison qui l'amenait : « Il faut, » lui dit-il, Monsieur le Curé, qu'il y ait quel>> que chose d'extraordinaire, car je n'ai pas >> coutume de vous voir à tel jour que celui-ci, Sire, répondit M. Jacob, ce sont les besoins »que aux Députés, un désir exagéré d'inno>>vations, se sont emparés des esprits, et fi»niraient par égarer totalement les opinions, » si on ne se hâtait de les fixer par une réu>nion d'avis sages et modérés. Tout ce qu'on >> peut demander à un Souverain, le premier >> ami de ses peuples, vous pouvez, vous de>> vez l'attendre de moi. » On ne pouvait s'exprimer avec plus de raison et dé bonté. Les Ordres s'étaient séparés, on persuada à Louis de favoriser la représentation du Tiers-Etat, en nombre égal des députés à celui des deux autres Ordres réunis. Afin d'obtenir les subsides nécessaires, Louis chercha à terminer cette scission. Lorsque M. de Luxembourg, au nom de la Chambre de la Noblesse, lui fit des objections contre la réunion, le Roilui répondit: << Toutes mes réflexions sont faites; » dites à la Noblesse que je la prie de se réu»nir: si ce n'est pas assez de ma prière, je lë lui ordonne. Quant à moi, je suis déter» miné à tous les sacrifices. A Dieu ne plaise « qu'un seul homme périsse jamais pour ma » querelle ! » Ce dernier mot devint la base continuelle de sa conduite, de sa généreuse faiblesse et de tous ses malheurs. On avait fait venir à Versailles quelques régimens. Aussitôt >> Aussitôt les Députés craignirent pour la sûreté de leurs personnes, et en demandèrent le renvoi. Des bruits exagérés s'étant répandus dans Paris, le peuple prit les armes, s'empara, le 14 juillet 1789, de la Bastille, et sacrifia à son ressentiment de fidèles serviteurs qui n'étaient coupables que de leur attachement à leurs devoirs. Louis, le lendemain, fatigué des mouvemens qui l'entouraient, des meurtres populaires dont la capitale venait d'être le théâtre, ne consultant que son cœur et son désir d'apaiser les esprits, se rendit à l'Assemblée, à pied, sans armes, et presque sans gardes. Là, au milieu de la salle, et debout, il conjura les Députés de ramener la tranquillité publique. « Je sais, leur dit-il, qu'on > cherche à élever contre moi d'injustes pré>ventions; je sais qu'on a osé publier que vos » personnes n'étaient pas en sûreté. Des récits > aussi coupables ne sont-ils pas démentis » d'avance par mon caractère connu? Eh » bien! c'est moi qui me fie à vous. » Cet abandon, cette grandeur d'ame ramenèrent tous les esprits, et firent taire pour le moment toutes les factions. L'enthousiasme du plus grand nombre des Députés fut extrême. Ils voulurent servir eux-mêmes de gardes au B |