Denison 3-30-3 35848 JOURNAL ABRÉGÉ Des événemens qui ont amené en France le changement du Gouvernement, et le retour au trône de la maison de Bourbon. LA France, grande, forte, puissante, respectée au dehors, tranquille dans son intérieur, jouissait depuis quelques mois des douceurs d'une paix que lui avaient conquise la valeur de ses guerriers; tout semblait lui promettre, après les violentes secousses qu'elle avait éprouvées et les luttes sanglantes qu'elle avait soutenues plusieurs fois, et dont toujours elle était sortie victorieuse, des années de calme et des jours sereins, lorsque, dans un moment fatal, son souverain conçut le projet de déclarer la guerre à celui de la Russie, sous le prétexte que ce dernier, en introduisant les vaisseaux anglais dans ses ports, violait le traité de Tilsitt. Il fit d'immenses préparatifs pour assurer la réussite de cette guerre, et partit de sa capitale au milieu de l'année 1812, pour se mettre à la tête de la plus formidable armée qui eût jamais existé. Toute l'Europe s'arma d'abord pour le soutenir. Les succès les plus brillans durent faire espérer la plus heureuse issue de cette campagne. Au bout de trois mois, toute la partie de la Pologne appartenant à la Russie, toute la Lithuanie, étaient conquises. Les aigles françaises plaǹaient sur les tours de l'antique Smolensk. Les légions russes fuyaient devant les bataillons français avec la même précipitation qu'elles fuyaient en 1700 devant les troupes suédoises: mais le même projet qui perdit Charles XII, perdit aussi Napoléon. Il se flatta de l'orgueilleuse idée de paralyser la puissance russe dans sa capitale même, et de dicter la paix au Czar dans Moscou, et dans le palais du Kremlin. Méprisant donc toute autre considération, il s'avança témérairement vers cette ville. Le Czar ne pouvant la défendre, la fit brûler à l'approche des Français, qui y entrèrent après la célèbre bataille de la Moskwa. La prudence eût exigé du moins de ne pas s'arrêter dans une ville qui, presque toute réduite en cendres, ne présentait plus aucune ressource, soit pour la subsistance, soit pour l'entretien de nos troupes; de se replier sur la Pologne, ou au moins sur Smolensk et la Lithuanie, pour s'y cantonner et y passer l'hiver, et de ne pas exposer ainsi l'armée, sans avoir aucun moyen pour l'en garantir, au froid rigoureux de la Russie, dans le cœur même de cet empire. Rien de tout cela ne fut fait. L'empereur des Français s'obstina, malgré les avis et les représentations de ses généraux, à rester un mois dans Moscou. Pensait-il donc que les élémens le respecteraient et seconderaient ses vues ambitieuses! Il fut cruellement puni de sa faute. Dans la trop mémorable nuit du 9 au 10 novembre, cette armée françaișe si belle, si puissante, fut anéantie. Un froid affreux détruisit toute notre cavalerie, l'élite de notre infanterie; la faim acheva ceux que le froid avait épargnés. Ce qui échappa à la mort fut fait prisonnier; et un nombre immense des vainqueurs d'Austerlitz, de Friedland, de Wagram et de la Moskwa, se vit condamné à l'exploitation des mines de la Sibérie.. Dès ce moment, l'issue de la campagne ne fut plus douteuse. Napoléon ne dut son salut qu'à la fuite la plus prompte, car il avait également à redouter alors, et la poursuite de l'ennemi, et la vengeance de ses propres troupes, qui maudissaient un Prince si prodigue de leur vie et si peu jaloux de leur conservation; en moins de quatre mois, le théâtre de la guerre fut transféré des rives du Dnieper et de la Duna sur celles de l'Elbe et de l'Oder. Une catastrophe aussi terrible aurait dû, ce semble, ouvrir les yeux au chef de la France, lui faire reconnaître le doigt de Dieu dans ces événemens, et lui faire désirer la paix. Il n'en fut malheureusement pas ainsi; ne pouvant supporter l'idée de recevoir la paix, après l'avoir si souvent dictée, résolut de tenter encore le sort des armes, sans considérer qu'il épuisait par là ses états. Des levées considérables d'hommes, des impôts excessifs furent décrétés en France; et au commencement de 1813 une nouvelle armée, presque aussi belle que la première, remplaça dans la Saxe et la Bohême ces nombreux bataillons qui avaient été anéantis dans les déserts de la Russie. Les journées de Lutzen, de Bautzen et de Walcheren, furent aussi glorieuses cette fois pour les armées françaises, que l'avait été l'année précédente celles de la Moskwa. Napoléon triomphait, mais le même Dieu qui la campagne précédente lui avait si bien prouvé sa toute-puissance, voulant abattre enfin ce colosse de grandeur, lui ménageait de nou veaux revers. Dès le commencement de l'année la Prusse, qui ne l'avait jusqu'alors soutenu que malgré elle, avait saisi l'instant favorable, et s'était jetée du côté de la Russie. Au mois de juin, l'Autriche, après avoir fait de vains efforts auprès du monarque français pour l'engager à la paix, se joignit aux autres puissances alliées déjà contre lui, pour l'y forcer. Tel était l'état des choses, lorsque se livra la fameuse bataille de Leipsik, si funeste à la France. La défection subite de toutes les troupes de la confédération du Rhin, qui combattaient dans les rangs français; et qui au fort de l'action tournèrent contre nous leurs armes et leurs efforts; l'arrivée imprévue des troupes suédoises, qui menaçaient fortement l'armée française sur ses derrières, forcèrent nos troupes à une entière déroute. L'empereur Napoléon, poursuivi vivement, commandait l'avant-garde de l'armée ; pour échapper à l'ennemi, il n'hésita pas, sitôt qu'il l'eût traversé, à faire sauter le pont de Leipsik, sans s'inquiéter du sort de plus de 150 mille Français qui se trouvaient encore sur l'autre rive, et qui tombèrent au pouvoir de l'ennemi, avec toute l'artillerie, les bagages, le trésor, etc. La capitale de la Saxe tomba au pouvoir des vainqueurs, qui, après avoir rapidement traversé tous les états des princes de la Confédération, parurent enfin en décembre 1813 sur les frontières de France, sur les rives du Rhin. Avant d'en forcer le passage, elles firent de nouvelles propositions de paix à Napoléon; un congrès même eut lieu à Manheim; mais les mêmes raisons qui précédemment avaient fait échouer les négociations de Prague, empêchèrent tout le fruit de celles-ci. Conservant encore l'espoir de réduire ses nombreux ennemis, Napoléon épuisa, pour y réussir, les dernières ressources de la France; les contributions furent doublées, l'élite des citoyens français fut désignée par lui pour aller combattre sous ses drapeaux. Cependant le commerce était anéanti, l'agriculture languissait faute de bras; des larmes coulaient de tous les yeux, toutes les familles étaient dans la désolation, et cette France, jadis si florissante, ne présentait plus que l'aspect déchirant de la misère et du deuil. Et quel était l'auteur de tant de maux? Je laisse à l'histoire et à la postérité le soin de le juger.......... Tels sont, en abrégé, les événemens qui ont précédé et amené ceux dont la France entière vient d'être témoin. Puissent-ils servir de leçon aux souverains et les guérir pour jamais de la folie des conquêtes! Les Puissances alliées jugeant cependant, d'après l'obstination de l'empereur des Français à refuser la paix, que l'Europe ne pourrait jouir d'un véritable état de repos tant qu'il serait au nombre des têtes couronnées, résolurent dès-lors de renverser ce superbe dominateur des nations, et ce fut avec cette intention qu'elles pénétrèrent en France. Les premières troupes qui arrivèrent sur notre territoire furent les troupes autrichiennes, qui, après avoir franchi le pays des Suisses, se présentèrent devant Genève le 27 décembre 1813. Les Genevois, jaloux de secouer le joug de Napoléon, forcèrent la garnison de leur ville à s'éloigner, et ouvrirent leurs portes aux vainqueurs le 29 décembre. Des que cet événement fut connu à Lyon, la consternation y devint générale, cette ville se trouvant sans armes, sans troupes, sans munitions, et sans aucun moyen de défense. Dès ce moment jusqu'au 12 janvier, cette grande cité, ordinairement si tranquille, ne présenta que le spectacle du plus étrange bouleversement. Les divers magasins furent vidés en peu de jours; un nombre infini de marchandises en tout genre fut caché; nombre de personnes s'expatrièrent, tous les ateliers furent fermés; on ne voyait dans les rues et sur les places que des groupes d'ouvriers sans travail, dont le désœuvrement effrayant devenait journellement dangereux, et pouvait porter une atteinte profonde à la sureté publique. L'on ne peut donner assez de louanges à la Garde nationale, qui a fait dans ces circonstances difficiles, pour le maintien de l'ordre public, tout ce qu'on devait attendre de bons citoyens. Le 12 janvier au matin, l'on apprit que l'ennemi était à Meximieux et Montluel, et que ses avant-postes étaient à Mi e ribel. A cette nouvelle le général Musnier, commandant de la garnison, qui était au plus de 5 à 600 conscrits nouvellement levés, se réfugia à Tassin avec l'état-major de la place. Le maréchal Augereau, qui était venu de Paris pour prendre le commandement de l'armée de Lyon, qu'on lui avait dit être de 30 mille hommes, et qui à son graud étonnement n'avait trouvé personne, partit pour Valence; le sénateur Chaptal, commissaire de Napoléon dans la 19. division militaire, nous fit de suite placarder une longue affiche, où il insistait sur la nécessité de tous nous armer pour repousser l'ennemi; mais il nous invitait en même temps à nous procurer des armes et des munitions; et tout en nous assurant que pour peu que les Lyonnais montrassent de l'énergie, la ville ne serait point la proie de l'ennemi, il montait dans sa voiture, se dirigeant sur Clermont, où il allait sans doute annoncer aussi la prochaine arrivée de l'ennemi, et remplir par là sa singulière mission. Le 17 janvier, un parlementaire Autrichien fut introduit dans nos murs, et somma la ville de se rendre; mais attendu le petit nombre des ennemis, car ils n'étaient pas au-delà de 15 à 1800 hommes, l'entrée de la ville leur fut refusée. Ils se contentèrent donc pour cette fois de piller tous nos environs, de nous braver jusque sur les hauteurs de Montessuy et de la Boucle, de dévaster le château de Lapape, et de rendre visite au poste de la garde nationale placé aux portes de la Croix-Rousse. Ils se replièrent de-là sur Montluel, qu'ils accablèrent de réquisitions en tous genres, ainsi que tous les pays qu'ils occupaient. Le maréchal Augereau revint à Lyon quelques jours après, amenant avec lui quelques troupes qui étaient à Valence, et qui furent reçues par les Lyonnais avec les plus vives démonstrations de joie. Des ordres furent donnés au maréchal Suchet d'envoyer à Lyon une partie de son armée. L'ennemi cependant occupait toute la Bresse, la Franche-Comté et la Bourgogne; et depuis la fin de janvier jusqu'à la fin de février, il tint Lyon dans de continuelles alarmes, et dans la crainte journalière d'être envahie. Dix à quinze mille hommes nous arrivė, rent enfin d'Espagne, et joints à quelques cents de conscrits, de gardes nationales, ils formèrent un corps d'environ 20 mille hommes. Ils eurent d'abord débarrassé nos environs de l'ennemi. Meximieux, Bourg, Mâcon furent délivrés. Les Autri |