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chiens fuyaient à la vue de ces braves grenadiers du 7. régiment de ligne, qui marchaient contre eux, la bayonnette en avant, avec une ardeur qui n'appartient qu'aux soldats de notre nation.

La Franche-Comté était présque toute au pouvoir des Français; Augereau avait, au bout de peu de jours, son quartiergénéral à Lons-le-Saulnier; le fort de l'Ecluse, Carrouge étaient repris; Genève était assiégée, lorsque le Maréchal apprit qu'une division ennemie, qu'on lui évalua être de 20 à 24 mille hommes, était rentrée dans Mâcon, se portait sur Villefranche, et menaçait Lyon. Abandonnant de suite, à cette nouvelle, toutes ses conquêtes, il rentra dans Lyon avec ses troupes, le 9 mars, et partit le surlendemain pour Villefranche. Son armée eut d'abord rencontré l'ennemi ; une affaire trèschaude eut lieu à la Maison-Blanche; nos troupes y firent des prodiges de valeur ; les cuirassiers du 13. régiment firent beaucoup de mal à l'ennemi ; il fallut cependant céder à la supériorité du nombre. Villefranche, qui fut défendue jusque dans ses rues, fut prise et livrée au pillage; les Français prirent position sur les hauteurs de Limonest, qu'ils défendirent jusqu'à la fin avec un courage digne des plus grands éloges. Le samedi, 19 ils étaient encore maîtres de ces hauteurs; rien n'annon çait encore la prise prochaine de Lyon; ce ne fut que le lendemain dimanche, 20 mars, que le sort de cette ville fut décidé.

mars,

L'ennemi attaqua nos troupes vers le milieu du jour; sa supériorité numérique était trop forte pour qu'il fût possible de pouvoir lui résister. Les Français se replièrent en combattant sur les hauteurs de Balmont, et s'y battirent toute l'après-midi. Le canon s'entendit à Lyon à 2 heures, et gronda d'une manière effrayante jusqu'à 6 heures du soir.

Témoin oculaire du combat qui eut lieu à Balmont, je puis attester que si les Autrichiens n'eussent été qu'en nombre double des Français, ces derniers les eussent fait reculer.

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500 grenadiers du 7.o régiment ont contenu, et ont soutenu le choc de près de 1500 Autrichiens. Quel fléau, grand Dieu, que la guerre ! Qui n'eût pas frémi à la vue de cette terrible fusillade, qui mit 10 mille hommes hors de combat, tant Autrichiens que Français! (sur ces 10 mille hommes, il y en a eu au moins 7 mille d'Autrichiens). Qui n'eût pas frémi en voyant ces horribles bouches à feu, qui, à chaque décharge, renver

saient 15 à 20 hommes! Quel spectacle déchirant que celui qu'offraient ces malheureuses campagnes où se passait l'action, et dont les tristes habitans se réfugiaient en foule dans Lyon, avec ce qu'ils avaient pu sauver de plus précieux !

. L'alarme cependant était à son comble dans la ville; le bruit du canon qui se rapprochait toujours, portait l'épouvante jusque dans l'ame des plus intrépides. Lyon se crut perdu, et l'eût été sans la sage conduite du maréchal Augereau.

. Ce brave général, voyant que l'ennemi débouchait de tous côtés, car l'on se battait aussi à Dardilly et aux roches d'Ecully ( ce dernier endroit a été abîmé, on y a enterré plus de 4000 hommes, et huit jours après la terre y était encore teinte de sang), jugea qu'une plus longue résistance entraînerait infailliblement la perte de Lyon; il se contenta donc de contenir l'ennemi jusqu'à la nuit, afin qu'on n'entrat dans la ville que le lendemain, et qu'il eût par-là le temps de faire évacuer tous les effets militaires, et il effectua sa retraite súr Vienne dans la nuit du dimanche au lundi.

Les Lyonnais n'oublieront jamais ce qu'ils doivent au maréchal Augereau; il a acquis des droits éternels à notre reconpaissance, car il eût pu se défendre encore dans la ville, qui eût alors indubitablement été livrée au sac et au pillage; et il eût en cela suivi les intentions de Napoléon, à qui il importait bien peu que ses villes fussent saccagées, pouvu que l'ennemi éprouvât à s'en emparer une grande résistance.

Le lundi 21 mars, à 5 heures du matin, le maire de Lyon se rendit au quartier-général ennemi pour présenter au chef de l'armée les clefs de la ville, et lui demander protection pour la cité: elle lui fut accordée. L'armée entra par le faubourg de Vaize, à 10 heures du matin ; elle était forte d'au moius 60,000, hommes, et commandée par S. A. S. le prince héréditaire de Hesse-Hombourg. Une foule immense se portait sur son passage, et ne pouvait se lasser d'admirer la belle tenue de ces troupes, notamment de la cavalerie..

Les environs de la ville ont été ruinés et pillés, mais Lyon a'a pas eu à se plaindre de la conduite de l'armée alliée; le comte de Salins commandait la place au nom de S. M. I. R. A. l'empereur d'Autriche.

Pendant que ces événemens se passaient à Lyon, les armées Russe et Prussienne avaient de leur côté passé le Rhiu dès le

mois de février, et s'étaient avancées successivement jusqu'aux portes de Paris. L'empereur, après plusieurs affaires sanglantes, était parvenu à les repousser de 20 à 30 lieues de la capitale.

Nous étions cependant privés, depuis l'entrée des Autrichiens dans nos murs, de toutes nouvelles de nos armées, lorsque les autorités autrichiennes nous annoncèrent la prise de Bordeaux par les Anglais, et la déclaration de cette ville pour la maison

de Bourbon.

On doutait encore à Lyon de la vérité de cette nouvelle, lorsqu'une autre affiche nous apprit, le 7 avril, que les armées des Puissances alliées étaient entrées dans Paris le 31 mars, ayant à leur tête les souverains de Russie et de Prusse, le grand duc Constantin et le prince de Schwartzenberg; que ces mêmes souverains avaient eu les plus grands égards pour Paris, mais qu'ils déclaraient ne vouloir plus traiter avec Napoléon et sa famille; qu'ensuite de cette déclaration le sénat avait, le 2 avril, prononcé la déchéance de Napoléon Buonaparte ; qu'il reconnaissait pour le légitime monarque de la France LouisSTANISLAS-XAVIER, frère du vertueux Louis XVI, et procédait à la nomination d'un gouvernement provisoire.

A peine cette nouvelle fut-elle répandue dans Lyon, que, d'après l'invitation de l'autorité, nombre d'habitans prirent la cocarde blanche, couleur distinctive de la maison de Bourbon. Le Roi fut solennellement proclamé le vendredi 8 avril, à 3 heures de l'après-midi, sur la place de Louis-le-Grand, et des cris unanimes de vive le Roi se firent entendre. De brillantes illuminations eurent lieu pendant trois jours; et le dimanche, 17 avril, un Te Deum solennel fut chanté dans l'église métropolitaine pour remercier Dieu d'un si heureux événement.

La satisfaction publique était à son comble, sur-tout quand on sut que ce changement s'était opéré sans effusion de sang, et était l'ouvrage de ces magnanimes souverains, qui avaient pourtant de si justes sujets de vengeance contre la France.

Napoléon se trouvait, au moment de la prise de Paris, à Fontainebleau avec son armée, qui l'abandonna, ainsi que tous ses généraux, dès qu'ils eurent connaissance de la délibération du sénat; et, chose remarquable, ce superbe potentat se vit arrêté et renfermé à Fontainebleau, dans ce même palais où, pendant si long-temps, il a retenu prisonnier le chef suprême de l'église.

Le 11 avril il signa son abdication, pour lui et ses héritiers, aux trônes de France et d'Italie, et maintenant dévore dans l'ile d'Elbe son impuissante rage.

Qui eût pu prévoir un pareil changement? Bénissons et remercions le Dieu qui a daigné jeter un coup-d'œil de miséricorde sur la France, en la délivrant d'un tel fléau, pour la rémettre sous la domination bienfaisante de ses princes légitimes. Oui, nous sommes délivrés de cet homme qui a inondé l'Europe de sang, et abreuvé la France de larmes ; de cet homme qui n'a pas craint de se souiller du meurtre d'un prince vertueux, à qui il ne pouvait reprocher que la noblesse du sang qui coulait dans ses veines; de cet homme qui, pendant 6 ans, a retenu captif et accablé des plus indécens outrages, après lui avoir enlevé ses états, le pontife respectable à qui il devait l'affermissement de sa puissance; de cet homme enfin qui, par un procédé inoui et vraiment digne de lui, après avoir arraché à l'Espagne ses légitimes souverains, a porté pendant sept ans dans cette péninsule malheureuse tous les fléaux de la guerre, pour la forcer à reconnaître une dynastie qu'elle ne pouvait qu'abhorrer, puisqu'elle portait son nom.

Lorsqu'il s'empara, il y a onze ans, des rênes du gouvernement, il nous délivra de la tyrannie du directoire, il releva nos autels, il rendit la paix à la France; mais il ne nous a délivrés de la tyrannie du directoire, que pour nous accabler d'un joug plus insupportable encore; mais il ne nous a rendu le culte de nos pères, que pour le persécuter avec la plus grande fureur; mais il a détruit notre commerce, perdu nos colonies, immolé à son ambition cinq millions d'hommes; mais il a rendu le nom français en exécration à l'univers entier, ila porté la dévastation et le feu dans les contrées les plus éloignées, il a enfin armé l'Europe entière contre la France, et a livré ensuite cette France à l'invasion. Le Très-Haut a cu pitié de nous; Dieu l'a frappé ! il a succombé! Sa chute rapide é! est le résultat de ses projets ambitieux et gigantesques; la génération la plus reculée ne prononcera son nom qu'avec horreur; la France est enfin délivrée de son odieuse présence.

Puisse-t-il, dans le lieu de sa retraite, puisse-t-il frémir à la vue des maux de tout genre dont il a accablé la brave et malheureuse nation qui lui avait confié le soin de la rendre heureuse et puisse le repentir pénétrer son cœur, si toutefois il

est capable de remords! C'est le dernier vœu que nous puissions former pour lui.

Il nous est enfin rendu après 21 ans d'absence, ce prince si digne de notre amour, si respectable par ses longs malheurs, cet illustre rejeton d'une race auguste qui a fait notre bonheur pendant huit siècles, le descendant de Henri-le-Grand, enfin le frère de Louis XVI; il revient au milieu de nous, ce bon Roi, il nous apporte la paix, la tranquillité et le bonheur.

Déjà nous ressentons les bienfaits de ce nouveau gouverne ment; déjà il est mis en liberté et rentré dans ses états ce Pon tife courageux, ce digne successeur de Pierre, qui a donné à l'univers de si grands exemples de fermeté, de patience et de résignation, et que les ressentimens odieux de la plus barbare tyrannie n'ont pu faire manquer un instant à ce qu'il doit à l'église, dont il est le chef.

Déjà elle est renvoyée sous le toit paternel, cette jeunesse qu'une loi inouie, et digne enfin de Buonaparte, appelait aux armes avant d'avoir la force de les porter, et condamnait à la mort avant d'avoir goûté aucune des douceurs de la vie : espérons tout de ce nouvel ordre de choses. Notre Souverain est Français, il est le fils d'Henri IV, il est le frère de ce roi qui, en mourant victime de la fureur d'un peuple égaré, faisait des vœux pour le bonheur de ce peuple; comme Français, il aimera les Français; comme fils d'Henri IV, il s'occupera de leur félicité. Les plaies de la France sont profondes, mais notre Roi n'a-t-il pas dans son cœur, dans celui de tout son peuple, des trésors inépuisables ?

Oui, Français, nous serons heureux sous l'heureux empire des lis. Que toutes les opinions se confondent donc maintenant ; jetons un voile sur le passé, ne songeons qu'à l'avenir; il se présente à nous sous un aspect si riant! Confondons-nous tous dans notre amour pour notre Roi, et réunissons-nous tous pour faire retentir les airs, à l'envi, de ce chant vraiment national, de ce refrein vraiment Français :

VIVE LE ROI! VIVENT LES BOURBONS !

P... R...

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