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et profondes recherches sur ce point, il a le premier découvert, que tout corps sonore, lorsqu'on le frappe, rend aussitôt naturellement, par l'émission d'un seul son, les trois notes de l'accord parfait, et dans cet ordre: la tonique, la douzième et la dix-septième majeures, c'est ce que Rameau appelle la trinité musicale (a).

D'Alembert prétend qu'il doit y avoir dans une république plus d'orateurs (b), d'historiens et

(a) Rameau n'a pas étendu cette comparaison, à laquelle nous allons donner un développement qui nous paroît offrir quelque chose de neuf et de curieux : 1o, il est singulier qu'avant la découverte de Rameau, tous les musiciens se soient accordés à appeler cet accord de la nature, cette trinité musicale, accord parfait; et 2°, qu'il y eût aussi une convention universelle de commencer et de finir toute composition musicale, par ce même accord. Je suis l'alpha et l'oméga; 3°, enfin, par une règle aussi antique qu'invariable, toute dissonance en musique seroit un crime irrémissible, c'est-à-dire une faute intolérable, si l'accord parfait ne la sauvoit pas le mot sauver est dans ce cas en musique le mot technique; observons encore que la musique n'étant créée que pour célébrer les louanges de Dieu, cet accord parfait de la nature est toujours majeur, parce que ce ton triomphant est le seul qui puisse chanter la gloire et exprimer les transports de la joie. L'homme dans son triste exil inventa le lugubre ton mineur.

(b) Oui, on en convient, surtout si cette république a une chambre de députés, et si l'on appelle orateurs un prodigieux nombre de personnes, autorisées à dire tous les

de philosophes, et dans une monarchie, plus de poëtes, de théologiens et de géomètres. L'auteur fait, dans ce singulier jugement, l'aveu indirect qu'il préfère les républiques aux monarchies, puisqu'il assure qu'il s'y trouve plus de philosophes, et comme il méprise les théologiens qui, selon lui, sont en grand nombre dans les monarchies, il doit haïr cette forme de gouvernement. Cependant il nous apprend qu'on y trouve aussi plus de géomètres, ce qui doit tempérer son aversion; il auroit bien dû nous dire pourquoi les géomètres fuient les républiques pour se réfugier dans les monarchies; c'est une chose qu'il est difficile de comprendre sans explication.

jours en public, tout ce qui se présente à leur imagination. On vivoit dans une monarchie sous Louis XIV, et l'on y vit de véritables orateurs : Bossuet (que d'Alembert veut bien, dans ce même discours, placer à côté de Démosthène), Fénélon, Bourdaloue, Nicole, Massillon, sur la fin du même temps; non-seulement ils prêchèrent la Religion avec une éloquence admirable; mais ils épuisèrent tous les sujets les plus utiles sur la morale; ils osèrent parler avec énergie contre les conquêtes et la guerre, et sous un roi conquérant; ils parlèrent avec la même force, sur les devoirs des souverains, sur ceux des pères, des enfans, des époux, etc. Enfin, ils n'employèrent leurs rares talens et leur génie, qu'à maintenir l'ordre, la paix, et à faire fleurir la vertu.

Le ton hypocrite et la profonde duplicité qui règnent dans tout ce discours, suffiroient pour le rendre odieux à toutes les personnes qui ont de la droiture; nous n'en citerons que quelques traits : « Quelqu'absurde (dit l'auteur) qu'une religion puisse être, (reproche que l'impiété » seule peut faire à la nôtre) (a) ce ne sont ja» mais les philosophes qui la détruisent (b).

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(a) Il n'étoit pas nécessaire qu'un philosophe prît la peine de nous apprendre dans cette prudente parenthèse que l'impiété seule peut dire des blasphêmes.

(b) Ils n'oseroient! Ils sont pour cela trop amis de l'ordre, de la paix et de la morale; et les événemens dont nous avons été témoins, prouvent assez combien les philosophes respectent la Religion; et qui ne sait pas qu'ils sont incapables de l'attaquer dans leurs écrits!... Cependant il est de fait que les philosophes, dans l'antiquité même, furent souvent regardés comme très-dangereux, et qu'ils furent chassés de Rome, sous le gouvernement doux et modéré de Vespasien; ils furent les seuls, remarque un écrivain moderne (M. Crévier), qui le contraignirent d'user à leur égard d'une sévérité opposée à son inclination; il y a plus : les empereurs, en chassant les philosophes, ne faisoient, dit Suétone, que se conformer à d'anciennes lois portées contre eux. En effet, dès l'an 160, avant l'ère vulgaire, ils avoient été bannis de Rome par un décret du sénat, parce qu'on les regardoit comme des discoureurs dangereux, capables par leurs sophismes de répandre parmi la jeunesse des opinions funestes à la patrie. Ce fut sur les mêmes principes que le vieux Caton fit congédier promptement trois

L'auteur proteste que les encyclopédistes << sans cabale et sans intrigue, n'attendent d'au>>tre récompense de leurs soins et de leurs ef>> forts que la satisfaction d'avoir bien mérité de » la patrie (a). »

D'Alembert termine son discours en formant le souhait que cet ouvrage (l'Encyclopédie) puisse étendre sur les cœurs l'empire de la vertu! (6)... Dans un supplément à ce discours, dans la préface du troisième volume, d'Alembert, après avoir prodigué de pompeux éloges à tous ses associés, ajoute modestement: « Nous croyons » pouvoir nous appliquer ce mot de Crémutius » Cordus: Non-seulement on se souviendra de » Brutus et de Cassius, on se souviendra encore » de nous. » Il faut savoir, pour sentir la beauté de cette citation, que, par un ordre du sénat romain, les ouvrages de ce même Crémutius Cordus, furent brûlés: Ainsi nous conviendrons que l'ap

ambassadeurs philosophes, etc. (Voy. sur le même sujet le chapitre suivant.)

(a) Ils en attendoient aussi ce qu'ils ont obtenu, le plaisir de faire beaucoup de bruit, celui de produire une grande révolution, et enfin l'avantage plus solide de gagner beau-coup d'argent.

(6) On sait combien les articles Population, Aristippe, Abbé, Pythonisse, Genève, etc., et tant d'autres, sont faits pour étendre l'empire de la vertu !.....

plication de ce mot aux philosophes modernes est parfaite, car il est certain que l'on se souviendra toujours des principaux encyclopédistes, ainsi que de Roberspierre et de Marat.

L'indignation générale, après la publication du second volume, retarda de deux ans la publication du troisième. Les encyclopédistes promirent d'être plus sages à l'avenir, et le Gou- * vernement eut la foiblesse de permettre la continuation de cette pernicieuse compilation! D'Alembert, dans la préface dont nous venons de parler, assure le lecteur, que les éditeurs ne reprennent cette entreprise que parce que la nation a usé du droit qu'elle avoit de l'exiger. Comme la nation n'avoit point alors de représentans, comment s'y prit-elle pour exiger ce prétendu droit? L'auteur ajoute dans cette même préface, cette phrase si humble nous n'aspirions point au succès, nous ne demandions que de l'indulgence.

Tout le monde sait, à quel point les encyclopédistes méprisoient les succès et la gloire ellemême; cette phrase s'accorde mal avec la citation de Crémutius Cordus, mais ces petites inconséquences de la philosophie ne sont que des bagatelles aux yeux de ses admirateurs.

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