Page images
PDF
EPUB

monde. Dans cet état nouveau des mœurs peut-on donner aux mots « chef de famille » l'acception qu'ils avaient dans l'ancienne Rome ou même dans l'ancienne France? Le Conseil d'État ne l'a pas pensé, avec raison selon nous. Il résulte de son arrêt du 5 août 1908 qu'au sens de la loi du 19 avril 1901 la famille comprend seulement le père, la mère et les enfants, excluant l'aïeul et les frères et sœurs euxmêmes mariés et ayant des enfants. Chaque groupe composé du père, de la mère et de leurs enfants non mariés constitue ainsi une famille distincte, dont le chef a droit à une part d'affouage réparti par feu.

Mais il n'y a là encore qu'une indication pour les cas non visés par l'arrêt et qui ne cessent pas d'être embarrassants. Supposons l'inverse: Le père et la mère (1) vivent chez leurs enfants mariés et y prennent leur nourriture; le père sera-t-il chef de famille, cette qualité étant aujourd'hui reconnue au fils marié ou au gendre? En d'autres termes, la famille comprend-elle nécessairement des enfants non mariés et vivant avec leurs parents? Et par conséquent la qualité de chef de famille sera-t-elle reconnue au fils marié, non veuf ni divorcé, mais sans enfants, qui habite ou prend sa nourriture chez son père? Sera-t-elle reconnue à la fille veuve, mais ayant des enfants, non mariés dans les mêmes conditions?

Ce sont là des questions qui ne pourront être résolues que par des décisions d'espèces intervenant sur de nouveaux pourvois. Il nous semble toutefois que logiquement la jurisprudence du Conseil d'État doit les résoudre dans le sens de l'existence d'une famille distincte toutes les fois qu'il y a mariage des enfants, même sans postérité actuelle, car s'il manque au ménage marié des enfants, qui semblent bien, dans la conception actuelle, former l'élément essentiel de la famille, on peut dire que cet élément existe virtuellement ou en puissance. Mais on voit la difficulté d'arriver à une solution précise pour des cas nombreux que le législateur n'a pas explicitement prévus.

Ajoutons que, si l'arrêt du 5 août 1908 ne parle pour l'interprétation de l'article 105 du Code forestier que de la loi du 19 avril 1901 sans mentionner la loi récente du 26 mars 1908, c'est que cette der

(1) Pour le père ou la mère veufs et vivant seuls, le cas ne se pose pas; ils ne sont pas chefs de famille et ne peuvent qu'être chefs de ménage.

nière n'était pas encore promulguée à l'époque où a été formée la réclamation primitive. On sait d'ailleurs que la loi du 26 mars 1908 n'a modifié la rédaction de l'article 105, faite par la loi du 19 avril 1901, qu'en ce qui touche la durée de temps nécessaire pour acquérir dans la commune le domicile affouager, question étrangère à celles que soulevait le pourvoi de la commune de Montenoison et qui ont été résolues par l'arrêt du 5 août 1908.

SECTIONNEMENTS ÉLECTORAUX.

AGGLOMÉRATION DISTINCTE

ET SÉ-
LÉGA-

PARÉE. USINE COMPRENANT UNE ÉGLISE ET DES MAGASINS.
LITÉ DU SECTIONNEMENT.

(20 novembre 1908).

Un hameau situé à 3 kilomètres du chef-lieu, comptant 1.050 habitants et pourvu d'une église et de magasins divers, qui, bien que situés dans des bâtiments dépendants de l'usine, sont tenus par des commerçants travaillant pour leur compte, constitue une agglomération distincte et séparée au sens de l'article 11 de la loi du 5 avril 1884.

Les sieurs Pavin de Lafarge et autres, électeurs de la commune de Viviers, ont formé un recours contentieux devant le Conseil d'État contre une délibération, en date du 25 septembre 1907, par laquelle le conseil général de l'Ardèche a divisé en deux sections électorales la commune de Viviers. Ils soutenaient que les sections instituées sont séparées par des limites arbitraires; que, d'autre part, la section de Lafarge ne comprend que des habitations isolées et une usine, qui, quelque peuplée qu'elle soit, ne saurait constituer à elle seule une agglomération.

Dans ses observations le ministre de l'intérieur avait conclu au rejet de la requête par les motifs que la ligne divisoire suit bien des limites naturelles que le hameau de Lafarge, situé à 3 kilomètres de Viviers, a 1.050 habitants, est pourvu d'une église et de magasins divers, qui, bien que situés dans des bâtiments dépendant de l'usine, sont tenus par des commerçants travaillant pour leur compte, et qu'ainsi le hameau de Lafarge forme bien une agglomération distincte.

Les sieurs Pavin de Lafarge et autres ont répondu que l'établissement de Lafarge ne comprend que l'usine et ses dépendances, à l'exclusion de toute habitation et de tout commerce autonome;

REVUE D'ADMIN. TOME XCVI.

SEPTEMBRE 1909

5

qu'il y a 439 habitants seulement, la section entière ne comptant que 133 électeurs; qu'enfin ceux-ci seront obligés, nonobstant le sectionnement, d'aller voter à Viviers, puisque la section ne comprend aucun local où il soit possible d'installer un bureau de vote. Le Conseil d'État a rejeté la requête par une décision ainsi motivée :

Vu la loi du 5 avril 1884;

Vu la loi du 24 mai 1872;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment des plans joints au dossier, que la commune de Viviers, qui compte moins de 10.000 habitants, se compose de deux agglomérations distinctes et séparées, et que, d'autre part, les deux sections entre lesquelles elle a été divisée sont formées de territoires contigus; que, dès lors, les sieurs Pavin de Lafarge et autres ne sont pas fondés à soutenir que le sectionnement a été établi en violation des dispositions de l'article 11 de la loi du 5 avril 1884,

Décide :

ART. 1. La requête susvisée des sieurs Pavin de Lafarge et autres est rejetée.

Bien que cet arrêt soit surtout une décision d'espèce, il n'en présente pas moins un intérêt général à raison des circonstances de l'affaire.

La jurisprudence du Conseil d'État est assez rigoureuse en ce qui concerne la reconnaissance des agglomérations distinctes et séparées, qui, seules, justifient l'établissement d'un sectionnement électoral dans les communes dont la population ne dépasse pas 10.000 habitants. Elle exige qu'il y ait bien un centre de vie locale indépendant du chef-lieu, et non pas des habitations éparses, alors même que leur population réunie atteindrait un chiffre d'habitants relativement élevé. Ainsi le Conseil d'État a refusé de reconnaitre le caractère d'agglomération distincte et séparée à des réunions d'habitants comptant plus de 600 personnes et ayant même des édifices distincts tels qu'école et église (25 mars 1904, Hazebrouck et Merville); à des établissements importants situés sur le territoire d'une commune, où ils forment une sorte de colonie, tels qu'un séminaire renfermant un certain nombre d'électeurs (14 novembre

1884, Saint-Dizier), à une colonie agricole dont le personnel d'aumôniers, de frères et de gens de service compte 37 électeurs, ou encore à un château habité par 34 personnes (12 novembre 1887, Castries), à un établissement industriel tel que le familistère de Guise, composé d'ateliers, d'usines, d'écoles, mais contigu à l'agglomération principale (17 novembre 1899, Guise).

Cependant, par sa décision du 20 novembre 1908, le Conseil d'État a reconnu le caractère d'agglomération distincte et séparée à un hameau composé de quelques feux, mais où se trouve une usine qui présente les mêmes caractères que le familistère de Guise; cette usine est un véritable centre de population, qui renferme, outre les ateliers, une église et des magasins tenus par des commerçants travaillant à leur compte. La raison de la différence d'appréciation entre le familistère de Guise et l'usine de Lafarge dans la commune de Viviers, nous paraît provenir de l'éloignement du cheflieu, qui est situé à 3 kilomètres de Viviers, alors que le familistère de Guise est contigu à l'agglomération principale, avec laquelle il fait corps en réalité.

[merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small]

Lorsque, après deux convocations successives restées sans résultat, le conseil municipal se réunit le 11 sur une convocation faite le 8 du même mois, 'a réunion est irrégulière et justifie l'annulation des délibérations prises dans cette séance, alors même que le délai aurait été abrégé par le sous-préfet et que la majorité du conseil municipal aurait assisté à la réunion.

Le sieur Allay (Joseph), agissant tant en qualité de maire de la commune de Doingt-Flamicourt qu'en sa qualité de conseiller municipal et de contribuable de ladite commune, et les sieurs Catherine, Laveuve, Hurriès, Demoulin et Duflot, conseillers municipaux et contribuables de la même commune, ont formé un recours contentieux devant le Conseil d'État contre un arrêté, en date du 17 avril 1906, par lequel le préfet de la Somme a déclaré nulles de droit les délibérations prises par le conseil municipal de Doingt-Flamicourt dans sa séance du 11 février 1996.

Les requérants exposaient que le conseil municipal, après deux convocations successives pour le 4 et le 8 février 1906, s'était réuni le 11 février sur une convocation adressée aux conseillers municipaux le 8 février au soir; or, le préfet de la Somme avait, par l'arrêté attaqué, annulé les décisions prises par le conseil municipal dans la séance du 11 février, en motivant son arrêté sur ce que la séance du conseil municipal avait été tenue en dehors des prescriptions de la loi du 5 avril 1884. Mais, disaient les requérants, la loi n'exige aucun intervalle entre la troisième convocation et la séance du conseil municipal; d'ailleurs, les délais pour la convocation du conseil municipal peuvent être et ont été en l'espèce abrégés par le sous-préfet; en tout cas, aucune condition n'est exigée en ce qui concerne les délais, lorsque la majorité des conseillers municipauxce qui, en l'espèce, a été le cas, assistent à la séance; dans ces conditions, les requérants se prétendaient fondés à soutenir que la séance du 11 février avait été tenue régulièrement et que c'est à tort que le préfet de la Somme avait annulé, comme nulles de droit, les décisions prises par le conseil municipal dans cette séance. Le Conseil d'État a rejeté cette requête par l'arrêt suivant :

Vu l'arrêté attaqué;

Vu les observations présentées par le ministre de l'intérieur, en réponse à la communication qui lui a été donnée du pourvoi, et tendant au rejet de la requête par le motif que le délai de trois jours entre une séance du conseil municipal et la convocation qui la précède doit toujours être observé, lorsque cette convocation a été précédée de deux autres convocations restées sans résultat, et qu'il ne peut être abrégé par le sous-préfet; que la circonstance que la majorité du conseil municipal assiste à la séance ne saurait couvrir l'illégalité qui résulte de l'abréviation des délais de convocation; que, dès lors, c'est avec raison que le préfet a déclaré nulle de droit la délibération dont s'agit;

Vu la loi du 5 avril 1884;

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 48 de la loi du 5 avril 1884, toute convocation doit être adressée par écrit et à domicile aux conseillers municipaux trois jours francs au moins avant le jour de la réunion;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 50 de la loi cidessus visée du 5 avril 1884, le conseil municipal ne peut délibérer que lorsque la majorité des membres en exercice assistent à la séance; que c'est seulement lorsque, après deux convocations successives à trois jours au moins d'intervalle dûment constatées, le conseil municipal ne s'est pas

« PreviousContinue »