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L'action britannique travaille efficacement à conserver et à maintenir, après l'avoir établi, un état de choses permettant à chaque région, à chaque groupe de population de suivre son développement normal, dans les conditions requises par ses intérêts particuliers et le progrès de ses relations avec ses voisins et le reste du monde. Telle n'est-elle pas la pensée directrice le leit motiv en quelque sorte, - qui a inspiré et, selon toute. vraisemblance continuera d'inspirer la politique de la Grande-Bretagne à l'égard de l'Inde? Dès qu'un État indigène s'en montre digne, l'autonomie lui est rendue ou, plutôt, est instituée, suscitée, pour ainsi dire, en sa faveur. Depuis cinquante ans, comme l'ont fait justement ressortir sir John Strachey et M. Chailley-Bert, entre autres, le domaine de l'administration directe a considérablement diminué dans la Péninsule.

Même dans un lointain avenir, le cri équivoque de Bande Mataram ne servira sans doute de ralliement qu'à un nombre relativement restreint d'Hindous, en général résidant au Bengale, ou originaires de cette province (1).

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Édouard CLAVERY,

Consul de France en mission.

(1) Trois Bengalis suspects ont été arrêtés a Tuticorin où doit s'embarquer Sir Andrew Fraser, retournant en Angleterre. » (Siècle, 4 décembre 1908.)

Tuticorin, vers l'extrémité sud de la côte est de l'Inde, est à plus de 2.000 kilomètres de Calcutta.

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Il résulte de l'article 105 du Code forestier, modifié par la loi du 19 avril 1901, que les mêmes droits sont reconnus, en cas de partage par feu, d'une part à celui qui a un ménage distinct, d'autre part à celui qui a effectivement la charge et la direction d'une famille.

Par famille il faut entendre le père, la mère et leurs enfants, qui forment une famille distincte, alors même qu'elle a une habitation commune avec l'aïeul et l'aïeule, chez qui le gendre et la fille prennent leur nourriture.

La commune de Montenoison, représentée par son maire en exercice, dûment autorisé par délibération du conseil municipal, a demandé au Conseil d'État d'annuler un arrêté, en date du 8 mai 1906, par lequel le conseil de préfecture de la Nièvre avait reconnu l'aptitude du sieur Geoffroy (Alexis) à être inscrit sur la liste des affouagistes de la section de Noison pour l'année 1905 et condamné la commune à lui délivrer un lot d'affouage ou sa valeur en argent. La commune requérante alléguait que, bien que le sieur Geoffroy ait des intérêts distincts, il ne saurait avoir droit à une part d'affouage; en effet, disait-elle, la loi du 19 avril 1901 exige que l'intéressé assume effectivement la charge d'une famille, sans pouvoir vivre avec d'autres à une table commune et sous le même toit; or, en fait, le sieur Geoffroy loge chez ses beaux-parents et y prend ses

repas;

Le Conseil d'État a rejeté cette requête par un arrêt ainsi conçu :

Vu l'article 105 du Code forestier, modifié par la loi du 19 avril 1901;

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Considérant que, d'après l'article 105 du Code forestier modifié par la loi du 19 avril 1901 « sera seul considéré comme chef de famille ou de mé

nage l'individu ayant réellement et effectivement la charge et la direction d'une famille ou possédant un ménage distinct, où il demeure et où il prépare et prend sa nourriture »; qu'il résulte de ce texte de loi que les mêmes droits sont reconnus, d'une part, à celui qui a un ménage distinct, d'autre part à celui qui a effectivement la charge et la direction d'une famille;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le sieur Geoffroy (Alexis) est marié et a deux enfants; qu'il a réellement et effectivement la charge et la direction de sa famille; qu'ainsi, bien qu'il demeure chez ses beauxparents et prenne ses repas avec eux, il doit être regardé comme un chef de famille dans le sens de l'article de loi ci-dessus rappelé; que, dès lors, la commune de Montenoison n'est pas fondée à se plaindre de ce que le conseil de préfecture a reconnu l'aptitude du sieur Geoffroy (Alexis) à être inscrit sur la liste des affouagistes de la section de Noison pour l'année 1905,

Décide :

ART. 1. La requête susvisée de la commune de Montenoison est rejetée.

L'intérêt de cet arrêt consiste en ce qu'il permet de préciser mieux que ne l'avait fait la jurisprudence antérieure ce qu'il faut entendre par l'expression « chef de famille. >>

Ainsi que nous le faisions observer précédemment, à propos d'un arrêt du Conseil d'État du 1er février 1907 (commune de SaintBauzille, Revue, 1908, t. I, p. 54), la loi du 19 avril 1901 a établi une distinction, sinon très nette dans ses termes, du moins clairement établie aujourd'hui par la jurisprudence, entre le chef de famille et le chef de ménage, qu'elle met sur le même pied pour l'aptitude à la jouissance par feu du droit d'affouage. Le chef de ménage se reconnaît à un signe matériel et tangible; il doit posséder «< un ménage distinct, où il demeure et où il prépare et prend sa nourriture ». Le chef de ménage peut être isolé, une personne seule formant un ménage; il suffit que cette personne ait une habitation séparée et qu'elle y prenne ses repas préparés par elle ou par ses soins exclusifs. Ainsi un célibataire, un veuf ou une veuve, vivant à l'hôtel ou en pension, a bien une habitation séparée, mais il n'est pas chef de ménage dans le sens de la loi du 19 avril 1901, parce que ses repas sont préparés en commun avec ceux des autres pensionnaires ou des personnes qui vivent au même hôtel. Ici l'hôtel forme le ménage commun

Il faut, pour avoir droit à l'affouage, que le chef de ménage prélui-même ses repas ou les fasse préparer par un serviteur qui lui soit propre.

pare

Pour le chef de famille, la distinction est plus délicate, car l'article 105 du Code forestier n'exige que des conditions d'ordre moral, moins faciles à reconnaître. Ces conditions sont la charge réelle et effective et la direction d'une famille. Par les mots : charge d'une famille, il faut évidemment entendre l'obligation de pourvoir à ses besoins matériels, tandis que la direction consiste dans les soins moraux à lui donner. Mais les besoins matériels d'une famille sont en premier lieu la nourriture et le logement de ses membres; aussi M. L. Germain, dans un commentaire estimé de la loi du 19 avril 1901, pense-t-il que, si cette loi n'a pas explicitement imposé au chef de famille l'obligation de prendre ou de préparer sa nourriture à part, cette obligation est implicitement attachée à sa situation de chef de famille.

L'arrêt du 5 août 1908 montre que cette interprétation n'est pas exacte. Il faut reconnaître, en effet, que, si le Conseil d'État l'eût adoptée, il n'y aurait eu en réalité aucune différence entre le chef de famille et le chef de ménage, l'un et l'autre étant assujettis, d'après l'interprétation de M. Germain, aux mêmes obligations, alors que la loi du 19 avril 1901 a fait une distinction très nette entre ces deux situations. On peut donc être chef de famille sans être chef de ménage, et, par suite, sans remplir les conditions imposées à ce dernier, c'est-à-dire sans avoir une habitation distincte où l'on prépare et prend sa nourriture. Mais à quels signes reconnaître alors celui qui a la charge et la direction réelles et effectives d'une famille?

Prenons des exemples: un père ou une mère vont prendre leurs repas chez leurs enfants mariés, ou au contraire le fils ou la fille mariés vont prendre leurs repas chez leurs parents; y a-t-il une ou deux familles ayant chacune leur chef, distinct du chef de ménage, lequel est bien certainement celui chez qui sont pris les repas?

Dans l'arrêt du 1er février 1907 le Conseil d'État n'avait pas résolu ces questions, car il s'agissait alors d'un fils non marié, qui prenait sa nourriture chez son père; ce fils ne pouvait être ni chef de ménage ni chef de famille. L'espèce de l'arrêt du 5 août 1908 a permis de donner une solution plus précise: il s'agissait d'un gendre

et d'une fille ayant deux enfants, qui habitaient chez leurs parents et beaux-parents où ils prenaient leur nourriture. Le gendre qui, dans ces conditions, n'était pas chef de ménage, était-il chef de famille? Le Conseil d'État a répondu affirmativement et sa décision précise bien ce qu'il faut entendre par « famille » pour l'application de l'article 105 du Code forestier.,

Ce mot a eu selon les époques des sens très divers : il vient du mot latin familia, qui a la même étymologie que le mot famulus, serviteur, et désignait chez les Romains l'ensemble des esclaves attachés à une maison. Mais en droit romain les enfants n'avaient pas une condition civile très différente de celle des esclaves : comme ceux-ci ils étaient in manu patris, soumis à une puissance paternelle qui allait jusqu'au droit de vie et de mort. Hommes libres dans la cité et pouvant même être revêtus des plus hautes magistratures, comme l'esclave ils ne possédaient en propre que ce que leur abandonnait la volonté du père, le pécule. En droit, tout ce qu'ils acquéraient par leur travail ou autrement appartenait au paterfamilias. Aussi confondait-on dans l'expression générale de famille la femme, les enfants et les esclaves, tous placés in manu du père de famille. En y ajoutant les affranchis, les clients et les membres des familles issus de la même souche, on avait la gens, c'est-à-dire le régime patriarcal qui a régi l'humanité primitive et qui, sous les noms de tribu ou de clan, régit encore certaines races, spécialement les Arabes nomades. Les progrès de la civilisation ont toujours tendu vers l'individualisation, c'est-à-dire vers l'affranchissement du lien de l'individu. Le régime patriarcal, subsistant même dans la cité politique, s'est peu à peu distendu par la suppression de l'esclavage, du servage, sa forme adoucie, et par la diminution de l'autorité paternelle, qui cesse aujourd'hui à la majorité. Chez les peuples et dans les pays isolés, à traditions fortes, le régime patriarcal a laissé plus de traces qu'ailleurs; les liens de famille sont plus étroits, et même mariés et pères à leur tour, les fils reconnaissent plus longtemps l'autorité morale de l'aïeul, le cousinage est presque aussi étroit que la fraternité, comme l'attestent les expressions : « Oncle ou tante à la mode de Bretagne. » En revanche, dans les villes et dans les pays neufs, tels que l'Amérique, les enfants s'émancipent plus tôt, fondent eux-mêmes des familles sans liens moraux avec la vieille souche et qui s'éparpillent dans les diverses contrées du

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