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opposé l'exception de chose jugée. Il prétendait, en effet, qu'il ne s'agissait, en réalité, que de la publication d'un journal paraissant quotidiennement, laquelle constituait un ensemble de faits matériellement distincts, il est vrai, mais reliés entre eux par une continuité morale qui en faisait un seul et même délit.

COUR D'APPEL DE RENNES

(6 janvier 1909)

MÉDECINE.

EXERCICE ILLÉGAL.

MAGNÉTISME.

Le magnétisme est un véritable agent thérapeutique. Dès lors, celui qui, sans diplôme, l'emploie comme moyen curatif appliqué à des malades, commet le délit d'exercice illégal de la médecine.

On objecterait vainement que le rapporteur de la loi du 30 novembre 1892 aurait déclaré que les articles punissant l'exercice illégal de la médecine ne pourraient être appliqués aux magnétiseurs que le jour où ils sortiraient de leurs pratiques habituelles et prescriraient des médicaments, une déclaration du rapporteur ne pouvant être substitué aux termes clairs et formels d'une loi.

Les faits de la cause sont exposés dans l'arrêt suivant, rendu sur les réquisitions de M. Martin, avocat général :

La Cour,

Considérant qu'il résulte de la procédure, des débats et des aveux du prévenu Lefur, qu'il a, à Saint-Nazaire, au cours des années 1907 et 1908, reçu chez lui ou visité chez eux un très grand nombre de malades et que, sans leur prescrire aucun médicament, il a pratiqué, sur leurs personnes, par-dessus leurs vêtements, des passes magnétiques, en leur faisant espérer la guérison ou le soulagement de leurs maux; qu'en agissant ainsi, et en répétant pendant des semaines et quelquefois des mois sur le malade ses passes magnétiques, il avait nécessairement pour but, à moins d'être un vulgaire charlatan, ou un véritable escroc, d'atténuer ou de guérir les maladies dont ils souffraient;

Considérant que le treizième congrès international de médecine légale a déclaré que le magnétisme est un véritable agent thérapeutique; qu'il suit de là, qu'en l'employant, comme il vient d'être dit, l'inculpé Lefur, dépourvu de tout titre l'autorisant à exercer la médecine, s'est livré au traitement des malades;

Considérant que la cour n'a pas à rechercher quelle peut être la valeur du moyen curatif employé; qu'elle doit se borner à constater qu'il en a été habituellement fait usage; que cet usage constitue un traitement et que l'inculpé n'est pas muni d'un titre lui permettant d'exercer la

médecine; que, ces constatations une fois faites, l'existence du délit est certaine;

Considérant qu'on objecte vainement, en ce qui concerne le traitement par le magnétisme, que le rapporteur de la loi de 1892 a déclaré que jamais l'intention de la commission n'avait été de frapper les magnétiseurs et que, par suite, les articles punissant l'exercice illégal de la médecine ne pourraient leur être appliqués que le jour où ils sortiraient de leurs pratiques habituelles et, sous le couvert de leurs procédés, prescriraient des médicaments; qu'il est en effet impossible de substituer, aux termes très clairs et très formels d'une loi, une déclaration faite au cours de la discussion par le rapporteur, alors surtout qu'on chercherait en vain à concilier cette déclaration avec le texte adopté et promulgué et qu'il faut nécessairement choisir entre les deux;

Par ces motifs,

Et adoptant, en outre, ceux des premiers juges non contraires, confirme.

Consultez C. d'Angers, 23 juillet 1897 sur pourvoi, Cass. crim., 29 décembre 1900; et, sur renvoi : C. de Rennes, 6 mars 1901.

COUR D'APPEL DE RIOM

CULTE.

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ÉGLISE.

(1er mars 1909)

AFFECTATION AU CULTE CATHOLIQUE.

PRÊTRE RÉVOQUÉ. REFUS DE REMETTRE LES CLEFS DE L'ÉGLISE AU DESSERVANT. RÉFÉRÉ.

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L'article 5 de la loi du 2 janvier 1907 disposant que les édifices affectés à l'exercice du culte continueront à être laissés à la disposition des fidèles et des ministres du culte pour la pratique de leur religion, la religion dont s'agit est celle qui y était pratiquée et les termes employés impliquent la continuité de la situation antérieure. Les ministres du culte qui ont le droit d'agir, s'il s'agit de la religion catholique, sont ceux qui font partie intégrale de la hiérarchie de cette religion. Dès lors, le desservant, régulièrement nommé, d'une église catholique, est fondé à demander en référé que le précédent desservant, révoqué de ses fonctions, lui remette les clefs de l'église

Ces solutions résultent de l'arrêt suivant, rendu conformément aux conclusions de M. Vibert, avocat général :

La Cour,

Attendu que l'article 5-§ 1 de la loi du 2 janvier 1907 dispose que les édifices affectés à l'exercice du culte, ainsi que les meubles les garnissant, continueront à être laissés à la disposition des fidèles et des ministres du culte, pour la pratique de leur religion; que la religion dont s'agit est celle qui y était pratiquée lors de la promulgation de la loi et que cette inter

prétation découle des termes employés qui impliquent la continuité de la situation antérieure.

Attendu que la sanction de ces règles est le recours des intéressés aux tribunaux; que les intéressés sont, soit les ministres du culte, soit les simples fidèles; et que les ministres qui ont le droit d'agir, s'il s'agit de la religion catholique, sont ceux qui reconnaissent la hiérarchie catholique et qui font partie intégrante de cette hiérarchie;

Attendu que l'église d'Apchon, antérieurement à la loi précitée, était affectée à l'exercice du culte catholique;

Attendu que l'abbé Esdoluc avait été nommé curé de cette commune en mars 1907, mais qu'à la suite de difficultés avec ses supérieurs hiérarchiques, il a été révoqué de ses fonctions le 5 septembre suivant ;

Attendu que l'abbé Journiac a été nommé curé de cette paroisse le 20 mars 1908;

Attendu qu'il a mis son prédécesseur en demeure de lui remettre les clefs de l'église et de lui en délaisser la possession; mais que celui-ci s'y est refusé; qu'il l'a alors assigné devant la juridiction civile statuant en référé; mais que, le tribunal de Mauriac ayant rejeté sa demande, il a déféré à la cour sa décision;

Attendu qu'il a qualité d'agir, puisqu'il est ministre du culte dans la paroisse d'Apchon et que son action est fondée, parce qu'il fait partie de la hiérarchie catholique, tandis que l'abbé Esdoluc a cessé de reconnaître cette hiérarchie;

Attendu que celui-ci soutient vainement que sa révocation et la nomination de son successeur sont en opposition aux prescriptions édictées par le droit canon; qu'il n'appartient pas à la cour de rechercher si les dispositions prises par les chefs hiérarchiques des abbés Esdoluc et Journiac sont conformes aux règles canoniques et de les apprécier;

Attendu que le maire de la commune d'Apchon, appelé dans l'instance, s'en remet à droit;

Par ces motifs,

Dit mal jugé, bien appelé; émendant, donne acte au maire de la commune d'Apchon de ce qu'il s'en remet à droit; dit que l'abbé Esdoluc devra remettre au maire de la commune d'Apchon, lequel est tenu de les remettre à l'abbé Journiac, les clés de l'église paroissiale de cette commune; dit qu'il devra délaisser à l'appelant la libre possession de ladite église et des objets cultuels qu'elle renferme; dit qu'à défaut par M. Esdoluc et le maire de la commune d'Apchon, dans les quinze jours du présent arrêt, d'obtempérer à cette injonction, l'abbé Journiac sera autorisé à se mettre en possession de l'église d'Apchon même avec l'assistance de la force publique; condamne l'abbé Esdoluc aux dépens de première instance et d'appel, y compris ceux nécessités par la mise en cause du maire de la commune.

Rapprochez: C. d'Ét., 8 février 1908.

INSTITUTEUR.
ÉPINEUX.

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ABSENCE DE QUASI-DÉLIT. IMMEUBLE DESTINÉ A UN
AMÉNAGEMENT. COMPÉTENCE.

SERVICE PUBLIC.

L'État, substitué à l'instituteur en vertu de la loi du 20 juillet 1899, ne saurait être rendu responsable d'un accident survenu à un élève alors que ce dernier est tombé, en jouant, sur des buissons épineux, entraînant dans sa chute un de ses camarades qui courait derrière lui, la chute du premier des enfants étant seule la véritable cause, impossible à prévoir ou à empêcher, de l'accident.

Si la présence du buisson épineux, dont l'installation a été faite par la municipalité et acceptée par l'autorité académique, pout être de nature à engager la responsabilité de la Ville ou de l'État, les tribunaux civils ne sont pas compétents pour apprécier cette installation, qui constitue un travail fait à un immeuble aménagé en vue d'un service public et appartenant à une administration publique.

M. Beltramé, dont le fils a perdu l'œil droit en faisant une chute sur un buisson épineux, dans la cour de l'école maternelle de Bouhoure, a assigné en dommages-intérêts la directrice de cette école, Mile Dencausse.

Par jugement du 13 décembre 1906, le tribunal de Toulouse a décidé qu'aucune faute personnelle ne pouvant être relevée à l'égard de l'institutrice, c'est contre l'État que l'action devait être dirigée, en vertu de la loi du 20 juillet 1899.

M. Beltramé actionna alors l'État en dommages-intérêts, mais il fut débouté de sa demande par jugement du tribunal civil de Toulouse, en date du 30 janvier 1908.

En appel, la cour, sur conclusions de M. Reverdin, avocat général, a rendu l'arrêt confirmatif suivant :

La Cour,

Attendu que, par un précédent jugement qui a acquis l'autorité de la chose jugée, le tribunal civil de Toulouse a décidé que la demoiselle. Dencausse, directrice de l'école maternelle de Bouhoure, n'a commis aucune faute personnelle engageant sa responsabilité suivant les termes de l'article 1382 du Code civil; qu'il s'agit aujourd'hui, dans le jugement dont est appel, de rechercher si la responsabilité civile de l'État est en gagée en vertu de la disposition finale de l'article 1384;

Attendu, en effet, qu'aux termes de cet article, texte ancien, l'instituteur était civilement responsable du dommage causé par les élèves placés sous sa surveillance et que la loi du 20 juillet 1899 a substitué la responsabilité civile de l'État à celle du maître d'école;

Qu'il s'agit donc de savoir si le jeune Beltramé a été blessé par le fait d'un de ses camarades;

Attendu que, des renseignements fournis par l'inspection académique, il résulte que, le jeudi 15 juin 1905, le jeune Fernand Beltramé jouait aux chevaux dans la cour de l'école; qu'il tomba sur les buissons épineux qui protégeaient un jeune arbre et qu'en même temps son camarade qui courait derrière lui fut entraîné dans sa chute, de telle sorte qu'ils roulèrent tous les deux sur le buisson;

Attendu que, si le poids du corps du second enfant a pu rendre la chute du premier plus dangereuse, il n'en est pas moins vrai que c'est le jeune Beltramé qui a provoqué, en tombant, la chute de son camarade;

Attendu que, dans ces conditions, aucun fait quasi délictueux ne peut être reproché au second enfant, d'où il suit que l'État ne saurait être recherché comme responsable d'une faute qui n'a pas été commise;

Attendu, il est vrai, que l'appelant conclut à ce qu'il soit procédé à une enquête, mais que les faits articulés ne sont pas pertinents; qu'au surplus, il convient de remarquer que l'accident remonte à plus de trois ans; qu'il s'est produit dans la cour de l'école en présence de tout jeunes enfants dont les déclarations n'offriraient pas des garanties suffisantes et d'une surveillante qui a déjà fait connaître ce qu'elle savait, ainsi qu'en témoigne le rapport de M. l'inspecteur d'académie.

Attendu, enfin, que, dans le mémoire qu'il adressait à M. le préfet, le sieur Beltramé père indiquait que l'accident était arrivé parce que l'on avait eu le tort de mettre des buissons autour des arbres dans le lieu où. les enfants s'amusaient; que, de son côté, dans son rapport du 1er mars 1907, M. l'inspecteur d'académie déclarait que, dès qu'il avait eu connaissance des faits, il avait invité la directrice à demander à la municipalité de faire disparaître les buissons qui entouraient les arbres et qui pouvaient être particulièrement dangereux dans une école maternelle; de telle sorte que le plaignant et l'autorité académique paraissent d'accord pour reconnaître que c'est la présence des buissons qui a été la cause véritable de l'accident;

Attendu que cette installation a été faite par la municipalité et acceptée par l'autorité académique et qu'on pourrait se demander si la ville et l'État n'ont pas encouru une responsabilité de ce chef;

Mais attendu qu'il s'agit dans l'espèce d'apprécier un travail fait à un immeuble aménagé en vue d'un service public et appartenant à une administration publique, et que le juge civil est incompétent, comme l'a dit avec raison le tribunal;

Par ces motifs et ceux donnés par les premiers juges;

Rejette comme inutile et non pertinente l'offre en preuve articulée; ce faisant, confirme le jugement dont est appel avec amende et dépens.

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