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Après un certain nombre d'autres détails, concernant notamment les professions des prisonniers avant leur incarcération, le rapport passe à la criminalité juvénile; le nombre des jeunes délinquants (youthful offenders) au-dessous de quinze ans reçus en prison durant 1906 a été de 1.148 au lieu de 1.049 l'année précédente. Aux présidences de Madras, Bombay et aux Provinces unies reviennent environ 69% du nombre des jeunes gens envoyés en prison en 1906, la contribution de Madras seul étant de 42 °.

Le pourcentage des jeunes gens précédemment condamnés au total des prisonniers de cette classe a été de 14,8 en 1906 au lieu de 14,2 l'année précédente.

La reconnaissance du principe qu'une prison n'est pas un lieu approprié pour des adolescents (autres que de jeunes récidivistes, youthful habituals), ayant plus de quinze ans, et par suite ne pouvant être désignés pour être admis (ineligible for admissions) à la Reformatory School, a amené différents gouvernements locaux à examiner un projet qui consisterait à séparer des autres prisonniers les jeunes adultes compris entre les âges de seize à vingt-trois ans, d'après le système suivi dans la prison de Borstal près de Chatham. Un grand avantage signalé en faveur de ce système est qu'un métier utile est enseigné à chacun des jeunes condamnés, que de l'ouvrage leur est procuré au moment de leur libération et que, par suite, ils sont moins exposés à retomber dans la pratique du crime (into criminal habits). Des expériences en ce sens ont déjà été commencées à Bombay et dans le Panjab.

Une autre expérience a été entreprise dans la prison de Thana à Bombay, c'est le régime de séparation d'avec le reste des prisonniers pour les prisonniers qui n'en sont qu'à leur première condamnation, d'une bonne conduite reconnue (of approved good behaviour) et ayant accompli les deux tiers de leur peine. L'objet de cette mesure est de fournir un aiguillon de plus incitant à la bonne conduite (1) et d'introduire une influence réformatrice (reforming) plus forte dans la discipline des prisons. Pour atteindre ces fins, les prisonniers choisis jouissent d'un certain nombre de privilèges qui ne sont pas le partage des autres pensionnaires (inmates) de l'établissement, tels qu'une liberté plus grande dans les relations entre

(1) An additional incentive to good conduct.

eux et avec leurs amis, une nourriture meilleure, ainsi que la liberté d'acheter une petite quantité de tabac et de sucreries, et celle de porter des vêtements ordinaires. La classe séparée ainsi formée est signalée comme ayant fonctionné dans d'excellentes conditions au cours de l'année,

VI

Historique

Situation actuelle

L'instruction publique
Enseignement supérieur, secondaire, moyen, primaire

Il est temps maintenant d'aborder la partie du sujet qui intéresse le plus directement l'avenir même de l'Inde, et celui de la politique anglaise dans ce pays, c'est-à-dire la partie qui concerne l'éducation, l'instruction publique. A cet égard, les mesures prises, le système suivi jusqu'ici par l'administration britannique ont été l'objet de critiques particulièrement vives. Les mots d'insuccès, d'échec même, ont été prononcés. Au cours d'une conférence donnée en février 1908 au Royal Colonial Institute à Londres, M. S. Thorburn, ancien membre du Civil service indien, a dit : « Le fait que le système britannique tend à produire de mauvais citoyens n'est pas à l'honneur de l'Angleterre; au point de vue de l'instruction, on a abouti à un échec; les lettrés sont peu nombreux et mécontents, et les masses sont encore illettrées. » Lord Ampthill, président de la réunion, a, il est vrai, répondu « qu'il ne croyait pas que la proportion de mauvais citoyens fùt plus élevée dans l'Inde qu'ailleurs (1) ».

Il n'en reste pas moins qu'il y a là un ensemble de questions qui appellent la sollicitude particulière de ceux à qui incombe la responsabilité des destinées de l'empire des Indes. Il n'en est que plus intéressant d'essayer de se rendre compte en quoi consiste exactement la situation actuelle.

Toutefois, avant d'entreprendre l'étude de l'état de choses aujourd'hui existant, il parait indispensable de rappeler, ne fût-ce que de façon sommaire et rapide, les phases antérieures, d'indiquer comment s'est posé et a évolué, au cours du dix-neuvième siècle,

(1) Dépêche coloniale, 17 février 1908.

le problème de l'instruction publique aux Indes. D'ailleurs, dans son remarquable ouvrage : l'Expansion de l'Angleterre, J.-R. Seeley a tracé de main de maître les principaux traits de ce développement, et l'on ne saurait souhaiter ici de meilleur guide.

Tout d'abord, dit cet éminent historien (1), on n'admit pas « que l'Angleterre dût prendre le rôle de Rome envers son Empire; au contraire, elle devait mettre de côté sa civilisation et gouverner d'après les idées indiennes... Je n'ai que le temps, dans cette lecture, d'indiquer comment nous en sommes arrivés graduellement à renoncer à cette manière de voir et à nous poser hardiment en instructeurs ou civilisateurs. Le changement commença en 1813, lorsqu'au renouvellement de la charte de la Compagnie, on attribua une certaine somme à la rénovation des études et à l'introduction des arts et des sciences utiles. Un comité d'éducation discuta cet acte pendant vingt années. Devions-nous agir d'après notre propre jugement, ou bien devions-nous comprendre l'éducation et la science dans le sens oriental? Devions-nous enseigner le sanscrit et l'arabe, ou l'anglais ?

<< Jamais, sur cette terre, décision plus grosse de conséquences ne fut discutée. En 1835, sous le gouvernement de Lord Bentinck, une résolution fut prise. Ce fut le mémoire présenté par Macaulay qui résolut la question en faveur de l'anglais. C'est dans ce mémoire même ou dans l'ouvrage de Sir C. Trevelyan (2) que vous pourrez l'étudier. Remarquez seulement qu'on commit un étrange oubli. La question fut posée comme si le choix devait se restreindre entre le sanscrit et l'arabe d'une part, et l'anglais d'autre part. Or ces trois langues sont également, pour la masse de la population, des langues inconnues. L'arabe et l'anglais sont des langues étrangères; le sanscrit est pour les Hindous ce qu'est le latin pour les peuples de l'Europe... >>

Seeley dit encore : « Macaulay a-t-il vraiment pu croire à la possibilité d'enseigner l'anglais à 250 millions d'Asiatiques? Probablement non; il n'a pensé sans doute qu'à créer une petite classe de lettrés... Mais si l'Inde peut être réellement éclairée, évidemment, ce n'est ni à l'aide du sanscrit, ni de l'anglais, mais bien des patois,

(1) Traduction de A. RAMBAUD. (A. Colin, éditeur. 1896.)

(2) Beau-frère de Macaulay, auteur d'une remarquable biographie de l'illustre écrivain.

l'hindoustani, l'hindi, le bengali, etc. Sous cette vague impression qu'ils sont trop grossiers pour devenir des véhicules de la science ou de la philosophie, Macaulay refuse presque d'en tenir compte; pourtant ses arguments en faveur de l'anglais perdaient toute leur force contre eux.

«Si ce grand oubli a été commis alors, il a été aperçu depuis, et, grâce aux instructions de Sir Charles Wood sur l'éducation en 1854, réparé dans une certaine mesure. La décision que fit adopter le mémoire de Macaulay n'en reste pas moins le point culminant dans l'histoire de notre Empire, considéré comme institution de civilisation. Elle marque le moment où délibérément nous reconnûmes que nous avons à remplir en Asie une fonction semblable à celle que Rome a remplie en Europe, la plus grande fonction qu'un gouvernement puisse jamais être appelé à remplir. >>

Dans un livre récent (1), M. E. Piriou se montre sévère non seulement pour le système de Macaulay, mais même pour le régime institué en 1854, ne le jugeant que d'après les résultats immédiatement obtenus, et sans tenir assez compte, semble-t-il, des possibilités de l'avenir pas plus que des conditions dans lesquelles se présentait le problème à l'origine, alors que les données expérimentales faisaient pour ainsi dire totalement défaut. De toutes façons, ici encore quelques citations paraissent nécessaires. Voici notamment comment s'exprime M. Piriou :

« En 1854, enfin, apparut la nécessité de l'enseignement primaire. Vingt ans s'étaient passés depuis le coup de barre de Macaulay. Lord Halifax dessina un plan grandiose. Il ne s'agissait de rien moins que de doter l'Inde d'un enseignement complet, savamment gradué, qui pût répondre aux besoins des différentes classes; enseignement supérieur, secondaire et moyen, primaire supérieur, primaire élémentaire, rien n'y manque. Les villes présidentielles seront pourvues chacune d'une université; on accroîtra le nombre des écoles normales, des collèges, des écoles moyennes. Jusqu'ici, c'est le programme de Macaulay un peu élargi. Mais voici la nouveauté : on créera des écoles primaires. Dès lors, le caractère de l'enseignement est modifié. Enseigner l'anglais aux paysans serait une chimère on le sait de reste, et c'est pourquoi l'école primaire donnera

(1) L'Inde contemporaine, Alcan, 1905.

modestement, dans le dialecte local, des leçons de lecture, d'écriture, un peu d'arithmétique et de géographie. A la bonne heure! Ne pouvait-on commencer par là, quitte à élargir, au fur et à mesure des besoins, le cadre de ces études primaires?... Mais je crains que les visées ambitieuses n'aient tout gâté....

« A quoi aboutit ce beau programme? à un avortement. Certes, il y eut de louables efforts. Le chiffre de la population rendait la tâche difficile. Pourtant, tout n'était pas à créer les gros villages dans certaines provinces avaient tous leur école indigène. C'était le cas du Bengale et de Madras...

:

« Les universités annoncées par le programme de Lord Halifax furent créées en 1857, dans les villes présidentielles à Calcutta, Madras et Bombay. Lahore eut la sienne en 1882, Allahabad en 1887, et le collège musulman d'Aligarh demande aujourd'hui son élévation au rang d'université... »

Baines, dans son rapport sur le recensement de 1891, fait observer que durant les cinq années 1886-1891, les universités délivrérent 4.885 diplômes de B. A. (baccalauréat) et 347 M. A. (maître ès arts). La proportion, dit-il, est infinitésimale. Et si l'on ajoute que les brahmanes sont la majorité des gradués, que conclure sinon que l'enseignement européen a manqué son vrai but? L'instruction demeure le monopole d'une caste fermée, comme auparavant. Rien n'est changé. La grande majorité des Hindous ne recueille pas les bénéfices de l'enseignement civilisateur. La faillite de l'enseignement secondaire est aussi complète que celle de l'enseignement primaire. La raison? Je l'ai dite. On demande à l'écolier hindou d'apprendre à fond, et avant toute autre chose, une langue qui lui est étrangère, une langue contraire à son génie, une langue dont la seule acquisition exige le plus clair de ses efforts... » Et plus loin : « Une poignée de mandarins en haut, et, en bas, une masse compacte d'ignorants, voilà l'œuvre de l'Angleterre. Les seuls Indiens cultivés reçoivent une éducation qui convenait parfaitement aux Anglais du Moyen Age. Les artisans ont été oubliés. Leur habileté n'est niée de personne... Aujourd'hui, les immenses ressources industrielles de l'Inde sont exploitées par des étrangers... Les indigènes, soigneusement entretenus dans l'ignorance, sont coolies et hommes de peine et gagnent 5 sous par jour! Les filatures de Bombay sont une exception à la règle...

REVUE D'ADMIN. TOME XCVI.

SEPTEMBRE 1909

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