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II. Cadastre à faire. L'introduction de plusieurs taxes foncières dans la loi de finances amène l'État anglais à entreprendre l'évaluation des terres.

Dans le projet de loi originaire, cette évaluation des terres imposables devait être faite par les propriétaires eux-mêmes, ce qui avait paru particulièrement vexatoire. Le fisc sera désormais chargé de cette tâche.

Les commissaires experts devront estimer la valeur totale de tous les terrains de la Grande-Bretagne, leur valeur particulière suivant l'endroit qu'ils occupent, et enfin leur valeur au point de vue de la richesse minérale.

Les frais d'établissement de ce cadastre s'élèveront à environ 50 millions de francs.

L'opération prendra de trois à quatre ans. Le pays sera divisé en cent vingt sections, qui auront chacune un expert en chef, et deux adjoints ou plus. Le travail sera contrôlé et coordonné par douze inspecteurs ambulants.

III. Défense de l'Empire.

L'imperialisme, tel que l'a conçu M. Chamberlain pour la Grande-Bretagne et ses colonies, a pour caractéristiques l'union douanière et la coordination des forces militaires et navales. L'avènement des libéraux au pouvoir a mis hors de question la réalisation de la partie protectionniste de cette conception. La défense homogène de l'Empire au contraire s'est imposée à tous les esprits, de telle sorte que les échanges de vues de 1903, de 1907 et de cette année même, entre les représentants des colonies ou dominions et ceux de la métropole ont abouti à des solutions dignes d'être notées.

Le ministre de la guerre, M. Haldane, qui a tant fait pour réveiller l'esprit militaire en Angleterre et développer l'armée de la métropole, semble avoir obtenu la création dans toutes les grandes possessions britanniques de troupes interchangeables avec celles de la métropole, rattachées au même état-major général, entraînées et instruites de la même façon, armées et équipées de la même manière. Séparées ordinairement par des océans, ces forces similaires, armée canadienne, armée australienne, armée anglaise, etc., pourront se souder sans difficulté éventuellement les unes aux autres sur n'importe quel champ de bataille d'un continent ou d'un autre. Cette

conception est d'une ampleur bien remarquable. Lord Kitchener en Australie et en Nouvelle-Zélande, le général French au Canada, sont chargés d'en assurer la mise à exécution.

Quant aux forces navales, elles seront organisées aussi, tout en respectant le self government des colonies, de manière à pouvoir utilement coopérer ensemble.

Le Canada et l'Australie auront. leurs flottes particulières. Le Canada aura l'administration et la responsabilité des ports militaires de son territoire. Son intention est de construire de grands docks et de posséder sur le Pacifique et sur l'Atlantique des forces considérables.

L'Australie et la Nouvelle-Zélande fourniront, non pas des Dreadnought comme elles l'avaient d'abord offert, mais de forts croiseurs du type Indomitable, qui seront stationnés non loin de leurs ports d'origine dans les eaux chinoises, australiennes, ou néo-zélandaises.

Ainsi la défense de l'Empire, sous réserve de l'approbation des différents Parlements, a été solutionnée par un compromis entre deux propositions assez difficiles à concilier. Les partisans de la centralisation auraient pu demander que la métropole levât simplement des subsides sur les autres contrées, et les employât ensuite comme elle le jugerait bon, au mieux des intérêts de l'ensemble de l'Empire. D'autre part, le vif désir d'autonomie, qui s'allie très bien avec le loyalisme chez les grandes républiques américaines ou océaniennes, faisait envisager aux particularistes la création d'armées et surtout de flottes locales servant presque exclusivement à la défense d'un certain territoire ou de certaines côtes, et qui eussent été de peu d'utilité pour les autres parties de l'Empire.

Depuis longtemps, les hommes d'État anglais se sont rendu compte qu'ils ne conserveraient leurs possessions d'outre-mer que s'ils leur accordaient la liberté. Pour répondre à ce besoin jaloux d'indépendance, il semble avoir été entendu que le Commonwealth australien conserverait la direction de sa marine. De son côté, le Canada se refuse formellement à fournir des subsides; il aura une flotte canadienne.

Somme toute, l'union de la métropole et des colonies ne peut être consolidée qu'avec une extrême prudence et, quand M. Haldane parlait récemment à Liverpool d'Empire « un et indivisible », ces

paroles ne concordaient pas très bien avec ce que l'on peut trouver dans tel journal colonial : « Il faut que nous soyons toujours libres de donner ou de refuser notre appui. »

Il n'en est pas moins vrai que c'est déjà une grande chose d'avoir pu élaborer dans une conférence un plan d'ensemble de défense militaire et navale pour l'énorme empire; il n'est pas indifférent qu'au Canada, comme en Australie, en Nouvelle-Zélande, ou dans la métropole, et bientôt aussi sans doute dans l'Afrique du Sud, dont la constitution vient d'être approuvée sans modification par le parlement anglais, des forces similaires soient entretenues en même temps, toutes prêtes à coopérer si elles le désirent. A un point de vue plus large encore que celui de l'impérialisme, les forces autonomes, dont l'organisation dépasse pourtant le territoire de recrutement et ses frontières, caractérisent peut-être le début d'une ère nouvelle dans le cycle de l'humanité.

IV. L'assurance ouvrière franco-anglaise.

Un accord

vient d'étendre à la Grande-Bretagne la convention sur l'assurance ouvrière en vigueur entre la France et l'Italie. La convention a été signée le 3 juillet 1909 par MM. Stephen Pichon et sir Francis Bertie. Désormais les ouvriers anglais bénéficieront, pendant leur séjour en France, de la loi française d'assurance contre les accidents, et réciproquement, les ouvriers français pourront se réclamer en Angleterre du Workmen Compensation act.

Pour permettre aux ouvriers français d'échapper aux traquenards de la jurisprudence anglaise et pour les défendre contre les manœuvres des compagnies d'assurances, il a été décidé que le montant des indemnités serait fixé chaque fois par un arrêt d'une cour de comté; de plus, au cas où cette indemnité serait assez forte pour permettre à l'ouvrier français d'acheter une rente de 100 francs par an, la somme sera versée à la Caisse nationale française des retraites pour la vieillesse. Ce sont là de réels avantages. L'opinion anglaise ne les regrette pas et se contente de souhaiter la création en Angleterre d'une caisse analogue à la nôtre.

Cet accord constitue, au point de vue anglais, un progrès social sérieux. Jusqu'à présent la Grande-Bretagne a montré peu d'empressement à se lier en matière sociale par des accords internationaux. Ses délégués par exemple firent longtemps opposition à ceux

de la France et de l'Allemagne, qui demandaient la suppression du phosphore blanc dans l'industrie des allumettes.

Dans les congrès ouvriers internationaux, les délégués ouvriers britanniques se font aussi souvent remarquer par leur particularisme.

Fort heureusement, l'idée commence à se répandre en Angleterre que les réformes sociales ne cessent de grever les industries que si un accord international les étend à d'autres pays et rétablit l'équilibre de la concurrence. On peut attendre du courant d'opinion actuel les meilleurs résultats économiques.

V.

-Routes pour automobiles.

La Chambre des communes a voté en seconde lecture, au commencement de septembre, un projet de loi (Development bill) ayant pour objet l'amélioration des routes, forêts, etc.; ce projet de loi, qui sera vraisemblablement adopté en troisième et définitive lecture au cours de l'interminable session législative en cours, intéresse particulièrement les automobilistes.

La création de routes spéciales pour automobiles (motor roads) est un des principaux objets du bill. A cet effet, l'État achèterait à travers tout le pays des bandes de terrain larges de 400 mètres. Un emprunt de 4 millions de livres doit couvrir les frais de l'opération.

Se serait-on attendu à ce que ce nouveau projet de M. Lloyd George eût pour ardents adversaires les automobilistes eux-mêmes, leurs clubs et leurs journaux industriels et sportifs? Le fait est qu'ils combattent les routes projetées avec la plus grande vigueur.

Une préoccupation servirait à expliquer leur attitude. Ils ne doivent pas se tromper de beaucoup en prévoyant que, sous une forme ou sous une autre, l'État fera appel à leur bourse pour payer les frais de construction et d'entretien des voies automobiles. Il serait assez logique, en effet, que l'usure résultant indiscutablement du passage des automobilistes soit réparée à leurs frais.

Mais on comprend qu'ils ne s'en tiennent pas à cet argument; ils donnent de leur mécontentement des raisons variées.

Ces routes spéciales, dit une feuille, ne feront que multiplier les ennemis de l'automobile, car l'immense majorité des électeurs n'aura pas le droit de s'en servir. Elles sont inutiles, écrit une autre, tout le monde sait que sur les routes actuelles les autos sont moins dangereuses que les chevaux; le jour viendra d'ailleurs où il n'y

aura plus que des autos sur les routes et où les voitures attelées seront reléguées dans les musées; quant à la question de vitesse, elle est fort secondaire : dès maintenant on va bien assez vite pour le plaisir de la promenade.

Et tous en chœur de demander qu'au lieu de créer ces routes spéciales, on améliore plutôt les routes existantes.

Louis M.

CHRONIQUE DE BELGIQUE

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I. Le voyage du prince Albert au Congo. · II. La situation financière de la Belgique. III. Une circulaire du ministre de l'intérieur,

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Anvers,

I. Le voyage du prince Albert au Congo. Bruxelles et la Belgique tout entière viennent de faire une réception enthousiaste au prince Albert, récemment rentré en Europe, après un long voyage d'études au Congo. Héritier du trône, le prince a pensé qu'il se devait à lui-même et à son pays, d'aller visiter l'immense empire colonial, de la gestion duquel il doit être un jour responsable. Bien que ce voyage dans la brousse n'offrit pas dedangers sérieux, en raison des précautions de toutes sortes qui avaient été prises pour faciliter la marche du royal explorateur, les Belges ont été reconnaissants au prince héritier d'un acte qui dénote, de sa part, un sincère désir d'exercer consciencieusement, par la suite, son métier de roi.

En fait, le prince Albert paraît avoir eu à cœur de bannir tout apparat inutile et de donner strictement à son voyage le caractère d'une tournée d'inspection et d'études. Partie de Southampton au mois d'avril dernier, la caravane princière s'est d'abord dirigée vers Capetown, d'où elle a atteint le Congo en traversant le Cap, l'Orange, le Transvaal et la Rhodesia. Parcourant alors tout le Katanga, le prince et sa suite ont gagné la Loualaba dont ils ont descendu le cours; de là, ils se sont rendus à Stanleyville par la voie ferrée.

La dernière partie du voyage a été consacrée à la descente du Congo et à la visite des centres de Bumba, Nouvelle-Anvers, Léopoldville, Boma et Banane, où le prince s'est embarqué pour l'Europe, après avoir parcouru dans sa plus grande largeur, soit plus de 4.000 kilomètres, la nouvelle colonie belge.

En débarquant à Anvers, le prince n'a pu se soustraire à la curio

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