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légataire de Prosper Mérimée conjointement avec sa sœur, Miss Lydan, prétend qu'ayant, en cette qualité, la propriété des œuvres de Mérimée, elle était seule en droit d'autoriser la publication de lettres inédites de cet écrivain, conformément aux articles 1 et 2 de la loi du 19 juillet 1793, complétée par la loi du 14 juillet 1866; et qu'elle a assigné Chambon, comme ayant fait la publication ci-dessus au mépris desdits droits, en paiement d'une somme de 5.000 francs à titre de dommages-intérêts;

Attendu que Chambon résiste à cette demande en prétendant: 1o que Mérimée, d'une façon générale, a fait abandon de ses droits de propriété littéraire sur sa correspondance, et qu'en tout cas il n'a pas réservé expressément ses droits; 2o qu'en ce qui concerne diverses lettres dont les originaux ont été déposés par les destinataires dans les bibliothèques publiques, le droit de reproduction en appartient à l'État seul en vertu du décret du 20 février 1809, lequel décide que les manuscrits déposés dans les bibliothèques et archives publiques deviennent la propriété de l'État et ne peuvent être publiés sans son autorisation et qu'il en a eu l'autorisation;

En ce qui concerne la correspondance en général (sans intérêt direct au point de vue administratif);

En ce qui concerne les lettres déposées dans les bibliothèques publiques :

Attendu que si, aux termes du décret du 20 février 1809, les manuscrits des bibliothèques nationales, départementales et communales sont la propriété de l'État et ne peuvent être imprimés et publiés sans autorisation, il n'en résulte nullement que tout dépôt d'un manuscrit, d'un ouvrage dans ces bibliothèques ait pour effet d'en enlever la propriété à l'auteur; que ce décret, qui a été inspiré, ainsi qu'on le voit d'après les travaux préparatoires, par une idée de censure préventive et en vue de la conservation des secrets de l'État, ne s'applique en effet qu'aux écrits faits pour l'État par les fonctionnaires de l'État ou ses agents dans l'exercice de leurs fonctions ou de leur mandat; qu'en conséquence, l'autorisation donnée à Chambon de puiser dans les bibliothèques publiques les lettres de Mérimée qu'il a incorporées dans son livre ne saurait suffire dans le cas où les droits de Mérimée ou de ses représentants subsisteraient sur ces lettres;

Mais, attendu que, par les mêmes motifs que ci-dessus, Mérimée doit être considéré comme ayant abandonné sur ses lettres déposées dans les bibliothèques, comme sur toute sa correspondance, son droit de propriété littéraire;

Attendu qu'en conséquence de tout ce qui vient d'être dit, la dame Hémon, qui n'a pas plus de droits que son auteur, ne peut réclamer des dommages-intérêts à raison d'une publication pour laquelle Chambon n'avait pas à lui demander son autorisation;

Par ces motifs,

Donne acte à la dame Hémon de ce qu'elle ne prétend aucun droit sur

les rapports écrits par Mérimée en sa qualité d'inspecteur des monuments historiques;

La déclare non recevable, en tout cas mal fondée en sa demande; l'en déboute et la condamne aux dépens.

On trouvera le texte intégral de ce jugement dans le numéro du 1er juillet 1908 de la Gazette des Tribunaux, qui avait antérieurement publié les conclusions du ministère public (numéro du 22 juin précédent).

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Si, aux termes de l'article 378 du Code pénal, les personnes dépositaires par état ou profession des secrets qu'on leur confie doivent se refuser à les révéler, et si certaines professions sont sans difficulté comprises parmi celles visées par cette disposition, il n'est pas possible, sous peine de donner à la loi une portée extensive contraire à l'intérêt de la justice, d'y trouver une sanction contre les fonctionnaires administratifs qui, manquant à leur devoir, révèlent les faits qu'ils ont connus à l'occasion de leurs fonctions.

Il y a lieu de remarquer, d'ailleurs, que l'article 378 du Code pénal est placé sous la rubrique générale des délits contre particuliers, ce qui indique bien que l'intention du législateur n'était pas de réprimer des faits qui constitueraient des délits contre l'État.

Voici en quels termes est conçu le jugement dont l'analyse précède :

Le Tribunal,

Attendu que T..., ancien directeur des douanes à Paris, a été cité comme témoin devant la cour d'assises du département de la Seine, à la requête d'un accusé, vérificateur des douanes, poursuivi pour faux en écriture et usage de faux commis par un fonctionnaire public; que ce témoin, après avoir fait sa déposition, fut interrogé, à la demande du défenseur de l'accusé, sur le point de savoir si, comme directeur des douanes, il n'avait pas eu connaissance de fautes beaucoup plus graves que celles dont la cour était saisie et si l'administration ne s'était pas montrée plus indulgente; que T... répondit, en donnant des chiffres et des noms, qu'il avait été amené à connaître d'une transaction qu'il avait réprouvée avec énergie, et que l'administration avait consentie dans une importante affaire de fraude; qu'il ajouta que, par une lettre immédia

tement expédiée, le ministre de l'intérieur fut informé de cette décision qui paraissait désirée;

Attendu qu'en réponse à une observation qui lui fut faite par le président de la cour, T... déclara qu'il ne croyait pas qu'il fût tenu au secret professionnel; que le prévenu est poursuivi à raison de ces faits, sous prévention d'avoir révélé en justice un ensemble de faits confidentiels par leur nature, qui ne lui avaient été confiés et dont il n'avait eu connaissance qu'à raison de son ancienne qualité;

Qu'il convient de rechercher si T... devait se conformer aux prescriptions de l'article 80 du Code d'instruction criminelle, ou s'il devait se refuser à témoigner;

Qu'il faut écarter des débats le fait de la communication de la lettre de l'administration des douanes, relative à la transaction, l'information n'ayant pas établi que cette communication ait été faite par le prévenu; Qu'il n'y a pas intérêt à savoir si la déposition de T... a été précédée ou suivie d'observations concernant le secret professionnel; que l'interdiction imposée par l'article 378 du Code pénal est d'ordre public, et que les médecins, chirurgiens, pharmaciens, sages-femmes et autres personnes dépositaires par état ou profession des secrets qu'on leur confie, ne peuvent être relevés de la défense qui leur est faite de faire connaître ces secrets; que si certaines professions sont assimilées sans difficultés à celles qui sont énumérées dans l'article 378 du Code pénal, pareil accord ne se reproduit pas même à l'égard des greffiers, avoués, notaires et autres officiers ministériels;

Que les fonctionnaires manquent à leurs devoirs s'ils révèlent sans nécessité des faits qu'ils n'ont connus qu'à raison de leurs fonctions, comme l'employé qui ferait connaître la situation commerciale ou les procédés de fabrication de celui qui l'occupe; que les administrations ont intérêt, comme le commerçant ou le chef d'industrie, à ce que certains faits de leur gestion ne soient pas portés à la connaissance du public; mais que l'obligation pour les fonctionnaires de ne pas manquer à ces devoirs et de ne pas troubler par leurs indiscrétions les services publics dont ils sont chargés doit céder devant un intérêt supérieur et d'ordre public qui veut que la justice ne statue, surtout en matière criminelle, que lorsque tous les faits qui peuvent l'éclairer se sont librement manifestés devant elle; qu'on ne saurait admettre que les fonctionnaires ne pussent déposer sur les faits relatifs à leur service qu'avec l'autorisation de leurs chefs; que cette pratique pourrait avoir les résultats les plus fâcheux; qu'à défaut d'un texte précis, il ne faut pas multiplier le nombre de ceux qui sont autorisés à ne pas déposer en justice;

Que la disposition exceptionnelle de l'article 378 du Code pénal n'a été inscrite dans nos lois qu'à une époque relativement récente, et dans le but de donner la certitude aux particuliers que les secrets qu'ils seraient obligés de confier à certaines personnes qui ne peuvent être vraiment utiles qu'en connaissant toute la vérité, ne seraient jamais divulgués; que ce serait donner à cet article une portée qu'il n'a pas, que de vouloir y trou

ver une sanction pénale contre les fonctionnaires qui manquent à leurs devoirs administratifs;

Que le fait que le législateur de 1810 a fait figurer cette disposition nouvelle à la suite des délits commis contre les particuliers indique bien que son intention n'était pas de réprimer des faits qui constitueraient des délits contre l'État;

Qu'il n'y a pas lieu, dans ces conditions, de rechercher si T..., en déposant devant la cour d'assises, a eu une intention frauduleuse, si les faits qu'il a indiqués avaient encore un caractère secret, ou si ses révélations ont pu porter atteinte à des intérêts privés;

Attendu que le prévenu, en livrant à la justice des faits dont il avait eu connaissance dans son service, n'a pas révélé un secret qui lui aurait été confié par un particulier à raison de sa fonction; qu'il n'a pas commis le délit prévu par l'article 378 du Code pénal;

Par ces motifs,

Renvoie T... des fins de la poursuite.

CHRONIQUE

CHRONIQUE D'ALLEMAGNE

I. L'assurance contre le chômage. II. Les régies communales et les travailleurs

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municipaux.

Allemagne

I. L'assurance contre le chômage. Parmi les questions que soulève la condition des travailleurs, l'une des plus graves est celle du chômage et des moyens de protection contre les misères qu'il produit. En première ligne figure l'assurance; malheureusement ce système est peu pratique, l'administration d'une compagnie d'assurance contre le chômage exige un personnel considérable, pour contrôler les assurés dont le manque de travail est souvent dû à leur propre faute et qui recourent parfois à tous les moyens pour rester le plus longtemps possible en chômage du moment. où l'assurance pourvoit à leur subsistance. C'est ce qui explique pourquoi, alors que les compagnies d'assurance qui se sont établies pour couvrir à peu près tous les risques de l'existence humaine, ont en général rejeté de leurs opérations le risque du chômage.

En dehors de ce système, on a eu recours à divers procédés en vue de remédier au chômage des ouvriers.

Le premier qui ait existé dans un certain nombre d'États, c'est l'association mutuelle. Elle présente un avantage particulier en ce sens que la surveillance des mutualistes qui chôment est facile, et que, comme l'association poursuit d'autres buts, les frais d'administration sont moins coûteux. En Autriche, pendant l'année 1907, les associations ouvrières ont distribué en secours de chômage: 1.147.535 couronnes. Dans la Grande-Bretagne, cent associations de même nature ont réparti entre leurs membres 8.425.840 shillings. Le système s'est développé également en Allemagne. En 1907, 67 associations de travailleurs, renfermant plus de 1.800.000 membres,

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