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Si la responsabilité pécuniaire d'une commune peut être engagée envers les tiers, à raison d'agissements ou de négligences commis dans la gestion de son mandat par le maire, il n'en peut être ainsi lorsque le maire n'a pas fait usage suffisant de ses pouvoirs de polire, car c'est en qualité de délégué de la puissance publique et de magistrat de l'ordre administratif qu'il a, dans ce cas, négligé de prendre certaines mesure.

Spécialement, l'adjudicataire des droits de place d'une ville est mal fondé à actionner en dommages-intérêts le maire d'une commune voisine, motif pris de ce qu'il tolérerait sur le territoire de sa commune, les jours de marché de la ville, de véri tables marchés, sur lesquels seraient vendues des denrées qui, n'entrant pas dans la ville, échapperaient au droit de place.

Il a été statué en ce sens par l'arrêt suivant :

La Cour.

Attendu que le sieu C..., adjudicataire des droits de place de la commune de Tarbes, a actionné en dommages-intérêts le sieur D..., pris en sa qualité de maire de la commune d'Aureilhan, motif pris de ce qu'il organiserait ou tolérerait illégalement sur le territoire de ladite commune et, notamment, au lieu dit « le Bout-du-Pont, les jours de marché à Tarbes, de véritables marchés sur lesquels seraient vendues des denrées qui, n'entrant as dans la ville dont il est le fermier, échapperaient au droit de place, d'où un préjudice dont il lui est dû réparation;

Mais attendu que si la responsabilité pécuniaire d'une commune peut être engagée envers les tiers, à raison d'agissements ou de négligences commis dans la gestion de son mandat par le maire, son représentant légal, et ce, conformément au droit commun, il n'en peut être ainsi lorsque, omme dans l'espèce, il est prétendu que le maire n'a pas fait un usage suffisant de ses pouvoirs de police; que c'est, en effet, en qualité de délégué de la puissance p blique et de magistrat de l'ordre administratif qu'il aurait, dans ce cas, négligé de prendre des mesures telles que celles dont l'omission est reproché au sieur D...; que celui-ci n'a donc pu engager la responsabilité pécuniaire de la commune d'Aureilhan; qu'il a été, dans l'espèce, pris à tort omme son représentant; que ce défaut de qualité doit faire rejeter comme irrecevable la demande formée par le sieur C..., et qu'il y a lieu, en conséquence, de maintenir la décision entreprise;

Par ces motifs,

Reçoit en la forme l'appel du sieur C... envers le jugement rendu, le 14 OCTOBRE 1909

REVUE D'ADMIN. TOME XCVI.

16 juillet 1906, par le tribunal civil de Tarbes, mais, statuant au fond, et sans s'arrêter audit appel;

Renvoie le sieur D... en la qualité qu'il est pris des fins de la demande; Confirme le jugement susénoncé, etc.

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Une société qui a été formée pour un temps déterminé peut être reconstituée ou prorogée, à l'expiration de ce temps, même quand son objet est de plus de 150 francs, sans nouvel acte écrit; mais la preuve de l'existence de cette nouvelle société doit être faite par écrit ou par commencement de preuve par écrit (art. 1834 et 1866 du Code civil).

Une société de chasse constitue une personne civile, ayant un patrimoine et des intérêts distincts de ceux de ses membres, et peut être représentée en justice par ses mandataires statutaires, en l'espèce son président.

Ainsi décidé sur les conclusions de M. Jean Marquet, avocat général, par la réformation d'un jugement du tribunal civil de Poitiers du 4 mai 1908. On trouvera dans la Gazette des Tribunaux du 4 février le texte des deux décisions.

COUR D'APPEL DE RIOM

(13 janvier 1909.)

CULTE. SÉPARATION DES ÉGLISES ET DE L'ÉTAT.
PRÉTENDU DÉTOURNEMENT.

CHASSE.

Le paragraphe 3 de l'article 400 du Code pénal, qui prévoit le cas où le saisi a détourné des objets saisis sur lui ou confiés à sa garde, ne peut être invoqué que contre le saisi lui-même ou contre ceux à l'encontre desquels le séquestre a été ordonné.

On prétendrait en vain que le séquestre des biens d'une fabrique d'église a été prononcé à l'encontre du desservant de la paroisse, lequel ne représente à aucun titre, depuis la promulgation de la loi sur la séparation des Églises et de l'État, l'ancienne fabrique.

Le délit d'abus de confiance, portant sur un objet d'une valeur de plus de 150 francs, est subordonné à la preuve par écrit de la préexistence d'un contrat de dépôt ou de prêt à usage.

Cette preuve ne saurait résulter, contre un desservant, ni de l'arrêté préfectoral qui a ordonné le séquestre des biens de la paroisse, puisque ces biens ont été confiés à l'administration des domaines, ni de l'article 5 de la loi du 2 janvier 1907, disposant que les meubles garnissant les églises continueront à être laissés à la dispo sition des fidèles et des ministres du culte, ce dernier texte, dans sa généralité, ne pouvant être assimilé au contrat de dépôt nécessaire dans les termes du droit

commun.

L'abbé Baneli, desservant de l'église de Lieutadès, a été poursuivi devant le tribunal correctionnel pour détournement d'une châsse faisant partie des objets mobiliers dépendant de l'église de cette localité, et Mlle de Venzac a été citée comme complice.

Les deux prévenus ayant été relaxés, le ministère public a interjeté appel. La cour, sur les réquisitions de M. Depeige, avocat général, a rendu l'arrêt confirmatif dont l'analyse précède; on en trouvera le texte dans la Gazette des Tribunaux du 9 février.

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Le mot domicile s'applique, non seulement à l'intérieur de la maison habitée, mais encore à toutes les dépendances de cette maison, surtout lorsqu'elles se trouvent réunies sous une même clôture.

Le presbytère, loué par la commune au desservant, constitue le domicile de ce dernier. Dès lors, se rend coupable de violation de domicile, le maire qui s'introduit dans le presbytère, malgré la protestation du desservant et, en vue de démolir un calvaire, exerce ou fait exercer des violences sur la personne du desservant. Le maire alléguerait en vain qu'il faisait exécuter une délibération du conseil municipal ayant prescrit la démolition dudit calvaire, cette délibération n'étant pas exécutoire contre les tiers, et, le maire, agissant en l'espèce comme administrateur du domaine de la commune, étant, à ce titre, assimilé à un propriétaire ordinaire, soumis à toutes les règles du droit commun.

Ainsi décidé par un arrêt rendu sur les réquisitions de M. Depeige, avocat général, et dont la Gazette des Tribunaux a reproduit les termes en son numéro du 11 février 1909.

TRIBUNAL CORRECTIONNEL DE COMPIÈGNE

(3 novembre 1908.)

CHASSE AU FAUCON.

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MOYEN COMPLET DE CHASSE PROHIBÉ.
ACCESSOIRE DE CHASSE.
CHASSE A COURRE.

La chasse au faucon est un moyen de chasse complet suffisant pour assurer la cap. ture du gibier.

L'article 9 de la loi du 3 mai 1844 n'autorise que deux modes de chasse, la chasse à tir et la chasse à courre, et une chasse spéciale pour le lapin.

La chasse au vol ne rentre pas dans la chasse à courre, le faucon n'étant pas un simple accessoire de chasse.

Les circonstances de la cause sont exposées dans le jugement ainsi conçu :

Le Tribunal,

Attendu qu'il résulte, tant d'un procès-verbal régulièrement dressé le 15 avril 1908 par B... et Th..., gardes champêtres de la commune de M.., que des dépositions de ces deux gardes à l'audience et des autres documents de la cause, que ledit jour, vers 2 heures de l'après-midi, au lieu dit le plateau de Margny, territoire de cette commune, deux voitures accompagnées de cavaliers et de cyclistes, se sont arrêtées sur un chemin de plaine; que l'une de ces voitures, une tapissière, dans laquelle se trouvaient F... et plusieurs autres jeunes gens, contenait quatre faucons ayant la tête couverte d'un chaperon; que F... saisit l'un de ces oiseaux, l'emporta à travers champs et, après avoir parcouru une centaine de mètres, le lâcha sur des corbeaux dans une terre ensemencée appartenant à B... et affermée à L...; qu'aussitôt R..., qui était à cheval, lança sa monture dans la direction du faucon en traversant, suivi d'un autre cavalier, plusieurs terres ensemencées appartenant à divers cultivateurs de Margny; qu'ayant rejoint F..., le garde Th... constata qu'il tenait en mains un corbeau mort et un pigeon vivant attaché par la patte à l'aide d'une corde et servant de leurre; que, R..., interpellé par les deux gardes, déclara que c'était lui qui dirigeait la chasse, et que F... n'était que son auxiliaire; que, les gardes lui ayant demandé de justifier du consentement des propriétaires des terres sur lesquelles il se livrait avec F... à la chasse au faucon, il leur présenta une autorisation de détruire les oiseaux nuisibles qui remontait à plus d'une année et lui avait été donnée par T..., cultivateur à la ferme de Sept-Voies, lequel ne possède aucune terre sur le territoire de Margny-lès-Compiègne:

Attendu qu'en raison des faits ainsi constatés à leur charge, le ministère public requiert contre les deux prévenus l'application de l'article 12§ 2 de la loi du 3 mai 1844, sur la police de la chasse, pour chasse par d'autres moyens que ceux qui sont autorisés par l'article 9, et celle de

l'article 11-§ 2 de la même loi pour chasse sur le terrain d'autrui sans le consentement du propriétaire, avec cette circonstance que le délit a été commis sur des terres non dépouillées de leurs fruits;

Attendu que R... demande son renvoi des fins de la poursuite en prétendant, d'une part, que la chasse au faucon est autorisée par la loi du 3 mai 1844 et, d'autre part, qu'il n'est pas établi qu'il ait fait acte de chasse sur le terrain d'autrui sans le consentement du propriétaire; Sur le premier chef de la prévention:

Attendu que la loi du 3 mai 1844, dans son article 9 complété par la loi du 22 janvier 1874, détermine les modes de chasse qui sont seuls autorisés; que cet article ne permet que la chasse à tir, à courre, à cor et à cris; qu'aux termes du paragraphe 2 du même article, tous les autres moyens de chasse, à l'exception des furets et des bourses destinées à prendre des lapins, sont formellement prohibés; qu'ainsi se trouve interdite la chasse au vol ou à l'oiseau, conséquemment la chasse au faucon; Attendu, il est vrai, que R... soutient que la chasse au vol n'est autre chose qu'une chasse à courre où l'oiseau de proie joue le rôle du chien, puis qu'il poursuit et force l'animal qui fuit; qu'elle rentre dès lors dans le cadre des modes de chasse autorisés par la loi;

Mais attendu que le mot « courre » ancien infinitif du verbe courir, a, dans la langue française, un sens bien déterminé; qu'en matière de chasse, il n'a trait qu'à la vénerie et ne sert qu'à désigner la chasse dans laquelle le gibier est poursuivi par des chiens courants ; qu'on ne saurait donc, sans le détourner de son sens, l'appliquer à une chasse dans laquelle l'animal employé à la poursuite du gibier est un oiseau;

Qu'il importe peu que certains procédés auxiliaires de la chasse à courre soient utilisés d'une façon plus ou moins efficace dans la chasse au vol; et, notamment, que, pour rappeler l'oiseau de vol, on se serve de la voix, d'une corne ou d'un sifflet; qu'on ait recours à un chien pour indiquer et faire lever la bête de chasse; que le vol de l'oiseau soit suivi par des cavaliers et par des chiens; qu'il s'agit là de moyens accessoires, dont l'emploi n'est pas indispensable pour procurer la prise de l'animal poursuivi par l'oiseau; qu'en leur absence, la chasse au vol conserve son caractère essentiel; qu'en effet, le seul usage d'un oiseau de proie constitue un moyen de chasse complet, car il suffit par luimême à assurer la capture de la bête, puisque celle-ci, une fois liée par l'oiseau, se trouve dans l'impossibilité d'échapper à la mainmise de l'homme;

Attendu que, si les auteurs de la loi sur la police de la chasse avaient entendu assimiler, sous la dénomination de chasse à courre, deux modes de chasse aussi dissemblables dans leurs moyens propres d'action que la chasse au chien et la chasse à l'oiseau, ils n'auraient pas manqué de le dire expressément; qu'il résulte, au contraire, des travaux préparatoires, notamment du rapport présenté à la Chambre des pairs par M. Franck-Carré, le 16 mai 1843, que, sauf l'exception relative au lapin, ils n'ont voulu autoriser comme modes de chasse réguliers que la chasse

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