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citées des lois du 9 décembre 1905 et du 2 janvier 1907; que, par suite, c'est avec raison que le préfet a, par application des articles 63 et 65 de la loi du 5 avril 1884, déclaré nulle de droit cette délibération;

Décide :

La requête de la commune de Gaudonville est rejetée.

L'article 14 de la loi du 9 décembre 1905 sur la séparation des Églises et de l'État portait dans son texte primitif que les presbytères, avant de revenir à la libre disposition des communes, seraient laissés gratuitement pendant cinq ans aux associations cultuelles pour y loger les ministres du culte. Les associations cultuelles ne s'étant pas formées pour le culte catholique, la loi du 2 janvier 1907 rendit immédiatement aux communes la libre disposition des presbytères leur appartenant, à la condition que les délibérations prises par les conseils municipaux pour la location des presbytères seraient soumises à l'approbation préfectorale. C'était là une exception à la règle générale de la loi du 5 avril 1884, qui ne soumet à l'approbation de l'autorité supérieure que les baux dont la durée excède dix-huit ans. Mais il y aurait eu à craindre autrement, ainsi que l'événement l'a montré, que des conseils municipaux ou ne laissassent gratuitement leurs presbytères à la disposition des desservants, ou ne leur imposassent qu'un prix de location infime, ou même simplement nominal, faisant ainsi échec à la loi du 9 décembre 1905, dont l'article 2 dispose que toutes dépenses relatives à l'exercice des cultes sont supprimées des budgets de l'État, des départements et des communes, la République ne salariant, ni ne subventionnant plus aucun culte.

On sait la résistance qui a été opposée à l'exécution de ces dispositions dans un certain nombre de communes. Cette résistance pouvait être simplement passive, le conseil municipal ne prenant aucune délibération et laissant simplement le desservant en possession du presbytère qu'il occupait sans lui imposer de loyer. En ce cas, il a été prescrit à l'administration de faire expulser au besoin par la force les occupants pour assurer l'exécution de la loi. Le plus souvent, les assemblées communales n'ont imposé aux desservants que des loyers minimes, très au-dessous de la valeur locative réelle des presbytères. Les préfets ont dû, en ce cas, refuser d'approuver leurs délibérations, en usant pour les amener à élever le prix de

location des moyens coercitifs énumérés par diverses circulaires du ministre des cultes. Enfin, quelques conseils municipaux ont concédé expressément aux ministres du culte la jouissance gratuite des presbytères. Tel est le cas du conseil municipal de Gaudonville, dont la délibération a été déclarée nulle de droit par le préfet du Gers, comme prise en violation de l'article 2 de la loi du 9 décembre 1905 (L. 5 avril 1884, art. 63).

Le maire, au nom de la commune de Gaudonville, ayant attaqué cette délibération devant le Conseil d'État au contentieux en vertu de l'article 67 de la loi du 5 avril 1884, la haute assemblée a rejeté sa requête par l'arrêt ci-dessus reproduit. Aucun doute d'ailleurs ne pouvait s'élever sur le sort réservé à ce recours du moment où la loi interdit aux communes de salarier ou de subventionner les ministres du culte, il est évident que la concession gratuite du presbytère à un desservant tombait sous le coup de cette interdiction; car une concession gratuite de logement est un mode de rémunération déguisée, qui a évidemment pour but de faire échec aux dispositions de l'article 2 de la loi du 9 décembre 1905.

COMMUNES.

JOUISSANCE GRATUITE DU PRESBYTERE LAISSÉE A UN MI-
SUBVENTION POUR L'EXERCICE DU CULTE.
DÉLIBÉRATION ILLÉGALE.

NISTRE DU CULTE.

ANNULATION.

REFERENDUM.

AN

NULATION.

(15 janvier 1909.)

La concession au ministre du culte de la jouissance gratuite du presbytère communal constitue une subvention pour l'exercice du culte, prohibée par les dispositions de l'article 2 de la loi du 9 décembre 1905 et de l'article 1 de la loi du 2 janvier 1907.

Le conseil municipal, aux termes de l'article 60 de la loi du 5 avril 1884, règle par ses délibérations les affaires de la commune; il ne peut, par suite, sans violer la disposition précitée, substituer à la décision qu'il lui appartient de prendre luimême, pour le règlement d'une affaire d'intérêt communal, la décision des habi

tants.

Le conseil municipal de Brugnens a déféré au Conseil d'État un arrêté du préfet du Gers qui avait déclaré nulle de droit la délibération dudit conseil en date du 17 novembre 1907, décidant de laisser jusqu'à nouvel ordre au ministre du culte la jouissance gratuite du presbytère appartenant à la commune et de demander à la population, par voie de referendum, de se prononcer sur l'usage définitif qui serait fait du presbytère.

Le Conseil d'État a statué ainsi qu'il suit :

Le Conseil d'État,

Considérant que, par sa délibération du 17 novembre 1907, le conseil municipal de Brugnens a décidé de laisser jusqu'à nouvel ordre au ministre du culte la jouissance gratuite du presbytère appartenant à la commune et de demander à la population, par voie de referendum, de se prononcer sur l'usage définitif qui sera fait du presbytère;

Considérant, d'une part, que la concession au ministre du culte de la jouissance gratuite du presbytère communal constituait une subvention pour l'exercice du culte, prohibée par les dispositions de l'article 2 de la loi du 9 décembre 1907 et de l'article 1 de la loi du 2 janvier 1907; d'autre part, qu'aux termes de l'article 61 de la loi du 5 avril 1884, c'est le conseil municipal qui règle par ses délibérations les affaires de la commune; que, par suite, en substituant à la décision qu'il lui appartenait de prendre lui-même, pour le règlement d'une affaire d'intérêt communal, la décision des habitants, le conseil municipal a violé la disposition précitée de l'article 61; qu'ainsi, c'est avec raison que le préfet a, par application des articles 63 et 65 de la loi du 5 avril 1884, déclaré nulle de droit la décision du 17 novembre 1907;

Décide :

La requête de la commune de Brugnens est rejetée.

Cet arrêt comporte la solution de deux questions. La première est la même que celle qui a été tranchée par la décision du même jour (15 janvier 1909) que nous avons reproduite plus haut, à savoir qu'il est interdit aux conseils municipaux de laisser aux ministres du culte la jouissance gratuite des presbytères communaux; nous n'y reviendrons point.

La seconde question portait sur la légalité d'une consultation adressée à la population d'une commune par voie de referendum sur un point d'administration communale. Le conseil municipal de Brugnens avait décidé de laisser jusqu'à nouvel ordre au ministre du culte la jouissance gratuite du presbytère et de demander à la population de se prononcer directement sur l'usage qui serait fait ultérieurement de cet immeuble. Le préfet du Gers ayant annulé cette délibération, le maire, au nom de la commune, forma contre la déclaration préfectorale de nullité un recours que le Conseil d'État a rejeté. Il a déclaré, d'une part, que la jouissance gratuite du presbytère constituait une subvention prohibée pour l'exer

cice du culte, et, d'autre part, qu'en substituant à la décision qu'il lui appartenait de prendre lui-même pour le règlement d'une affaire d'intérêt communal la décision des habitants, le conseil municipal avait violé la loi du 5 avril 1884.

C'est la reproduction sur ce dernier point, dans les mêmes termes, d'un arrêt antérieur du 7 avril 1905 (commune d'Aigre) par lequel le Conseil d'État avait condamné comme illégale la pratique du referendum municipal. En commentant ici même (Revue, 1905, t. III, p. 155) l'arrêt du 7 avril 1905 nous avons exposé ce qu'il faut entendre par referendum, fait l'historique de cette institution dans divers pays, et montré que le referendum est l'application du gouvernement direct par le peuple, contraire à nos institutions représentatives actuelles.

Toutes nos lois politiques et administratives n'accordent le pouvoir de décision qu'aux représentants de la nation, du département ou de la commune, désignés à cet effet par l'élection avec le mandat général de gérer les affaires publiques. En d'autres termes, les électeurs désignent des mandataires pour gérer les intérêts collectifs dans toute l'étendue de leurs attributions légales. Pendant l'exercice de leur mandat, ces gérants peuvent bien consulter leurs électeurs, mais seulement d'une manière officieuse, par exemple dans des réunions publiques ou privées; mais ils ne peuvent pas leur remettre la décision à prendre et, comme le disait le ministre de l'intérieur dans les considérants d'un décret du 27 novembre 1892 annulant une délibération du Conseil municipal de Paris, « se décharger sur les mandants d'une responsabilité qui incombe légalement aux mandataires ». C'est ce que le Conseil d'État répète en d'autres termes, dans ses arrêts des 7 avril 1905 et 15 janvier 1909, en disant qu'un conseil municipal viole la loi du 5 avril 1884 en «< substituant à la décision qu'il lui appartient de prendre luimême pour la décision d'une affaire d'intérêt communal la décision des habitants » par l'organisation d'un referendum.

Ainsi que nous le faisions remarquer précédemment, les conseillers municipaux ne peuvent actuellement remettre aux électeurs la décision à prendre sur une affaire que d'une manière indirecte, en donnant collectivement ou partiellement leur démission. La réponse du corps électoral est en ce cas suffisamment nette pour éclairer les élus sur son sentiment.

D'autre part, pour certaines affaires spéciales, il est procédé à une enquête, qui permet aux intéressés de faire connaître leurs observations et leurs objections au projet. Mais cette enquête est purement consultative et ne sert qu'à éclairer l'autorité qui a le pouvoir de décision, sans remettre cette décision aux électeurs eux-mêmes.

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Une grève générale des états-majors des compagnies de navigation, alors qu'il n'est nullement établi qu'elle ait été favorisée par les compagnies, constitue un cas de force majeure de nature à constituer un obstacle insurmontable à l'exécution des obligations concernant les services maritimes postaux. (Premier arrêt.) Il en est différemment pour les compagnies auxquelles l'État a offert le concours des officiers de la marine nationale; si les compagnies croient devoir refuser ce concours à raison de la gêne et des responsabilités éventuelles qui peuvent en résulter pour elles, c'est à leurs risques et périls. (Deuxième arrêt.)

La Compagnie des Messageries maritimes, la Compagnie transatlantique et la Compagnie de Navigation mixte ont déféré au Conseil d'État des décisions du ministre du commerce des 28 et 29 août 1904, mettant à leur charge diverses amendes à raison des retards apportés, à la suite de la grève générale des états-majors, au départ des paquebots chargés des services maritimes postaux.

Après le rapport présenté par M. le conseiller d'État Romieu et les plaidoiries, M. Tardieu, commissaire du gouvernement, a conclu en ces termes :

a) Par deux conventions en date des 30 juin 1886 et 1er novembre 1894, approuvées par les lois des 7 juillet 1887 et 9 juillet 1895, la Compagnie des Messageries maritimes est concessionnaire des services maritimes postaux de la Méditerranée, des mers des Indes, de Chine et du Japon, d'Australie et de Nouvelle-Calédonie, de la côte orientale d'Afrique et de l'océan Indien;

b) Par convention du 16 décembre 1896, approuvée par la loi du 11 janvier 1898, la Compagnie transatlantique, la Société générale des Transports maritimes à vapeur et la Compagnie de Navigation mixte sont concessionnaires du service des transports par paquebots à vapeur des dépêches, colis postaux, du personnel et du matériel de l'État, entre la France et l'Algérie, la Tunisie, la Tripolitaine et le Maroc.

Ces diverses compagnies touchent des subventions de l'État et sont

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