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Parfaits dans les textes, les moyens employés contre les inconvénients des crédits supplémentaires sont done, dans la pratique, complètement insuffisants. Et cependant, grand besoin serait de s'opposer aux ravages qu'ils commettent dans nos finarces.

On a vu des exercices pendant lesquels les recettes se sont comportées admirablement; et, malgré cela, le résultat final fut un désastre. En 1882, les plus-values furent de 127 millions; mais, comme l'excédent des dépenses fut de 169 millions, il fallut finalement constater un déficit de 42 millions. En 1892, même remarque: on part d'une plus-value de 119 millions; on enregistre un accroissement de dépenses de 129 millions; on aboutit à un déficit de 10 millions. En 1896, un excédent de recettes de 4 millions fut métamorphosé en un excédent de dépenses de 9 millions.

Quoi qu'il en soit, les crédits supplémentaires amcndrissent toujours les excédents que la bonne tenue des rentrées aurait pu entrainer, ou aggravent les déficits que créent les moins-valees. Le tableau suivant permet de s'en rendre compte :

1897 Plus-value de recettes (1): 70 millions. Excédent final: 4 millions 1898

1899

140
113

92

67

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De 1896 à 1905, les excédents de dépenses occasionnés par les crédits supplémentaires ont ramené à 215 millions, c'est-à-dire à 40 % de sa valeur, une plus-value de 520 millions. Et si l'on remarque que ces deux chiffres contiennent l'un et l'autre 269 millions de ressources exceptionnelles, on peut dire qu'une plus-value de

(1) Ces plus ou moins-values sont calculées sur l'ensemble des prévisions de recettes, tant supplémentaires que primitives. La différence entre les plus ou moins-values et les excédents ou déficits représentent donc la partie des crédits supplémentaires non gagés par une ressource correspondante. Ce sont les seuls à incriminer ici.

251 millions fut transformée par les crédits supplémentaires en un déficit de 54 millions.

Ces transformations ne sont pas les seules. Quelquefois, au cours des débats généraux qui illustrent la loi de finances, on est frappé de l'augmentation constante des dépenses publiques; on recherche des économies, à tel point que parfois le total des autorisations accordées à un budget est inférieur à la somme des crédits alloués à son prédécesseur. En règlement, la différence.entre les résultats des deux budgets est renversée : c'est une augmentation qu'il faut enregistrer. Les crédits supplémentaires favorisent donc clandestinement la progression des dépenses publiques. Les chiffres ci-dessous en fournissent la preuve :

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Plus-values amoindries; moins-values aggravées; dépenses publiques accrues clandestinement: tels semblent être les principaux griefs imputables aux crédits additionnels. Ceux-ci peuvent être considérés comme l'écueil contre lequel viennent se briser les efforts des budgets soucieux de leur équilibre.

Les crédits additionnels sont donc désastreux pour nos finances. D'une part, les dispositions qui les réglementent actuellement sont insuffisantes; d'autre part, on ne peut les supprimer complètement, puisque, malgré tout, il y aura toujours des faits nouveaux impossibles à prévoir au moment de la loi de finances.

Aussi, le gouvernement, « désireux de prévenir tout abus dans la gestion des crédits, d'enrayer autant que possible les crédits supplémentaires qu'on a si justement nommés la plaie des budgets », a proposé au Parlement les dispositions suivantes : « A la fin de chaque trimestre, les contrôleurs des dépenses engagées adressent au ministre des finances, en même temps que la situation des engagements, pour le dernier mois, un tableau des crédits supplémentaires

probables au titre de l'exercice en cours. Des copies de chaque tableau sont transmises aux ministres intéressés et au président du conseil. Aucune demande de crédits additionnels ne doit être soumise au ministre des finances sans être accompagnée de l'avis du contrôleur.» (Art. 59 de loi de finances du 26 décembre 1908). La mesure semble bonne : le contrôle des dépenses engagées, confié le plus souvent à d'anciens' inspecteurs des finances, a déjà été « très fécond en utiles résultats (1) ».

Mais, ce qui rend surtout les crédits additionnels dangereux pour l'équilibre du budget, c'est qu'ils sont votés sans qu'on se préoccupe suffisamment de la recette à l'aide de laquelle on paiera la nouvelle dépense qu'ils autorisent: l'indication des ressources générales du budget est illusoire; elle est ironique lorsque celles-ci présentent d'inquiétantes moins-values. 10 millions de crédits supplémentaires bien gagés par 10 millions de recettes nouvelles valent mieux pour l'équilibre budgétaire que 5 millions gagés sur une plus-value plus ou moins suffisante et probable.

Dès lors, pourquoi n'inscrit-on pas dans les autorisations budgétaires un crédit pour dépenses imprévues? Comme on ne consentirait jamais à voter un budget en déficit, les augmentations de dépenses se trouveraient couvertes avant d'apparaître; elles ne viendraient plus détruire en cours d'exercice l'équilibre primitif.

Objectera-t-on que le chiffre des crédits supplémentaires est susceptible de variations; qu'en 1903, il ne fut que de 15 millions, tandis qu'en 1900 il atteignit 112 millions; que, dès lors, l'apparition d'un chapitre pour dépenses imprévues ne ferait qu'augmenter d'une unité le nombre des chapitres susceptibles d'être bouleversés par les événements?

L'objection n'est pas irréfutable. De 1896 à 1905, il y eut 557 millions de crédits supplémentaires (fonds de concours déduits). Cela fait une moyenne d'environ 60 millions par an. On pourrait, chaque année, ouvrir au chapitre « dépenses imprévues » un crédit de 60 millions. Lorsque les besoins des faits nouveaux resteraient inférieurs à ce chiffre, la différence entre le crédit de la loi de finances et les augmentations de dépenses serait versée à l'État banquier,

(1) Exposé des motifs du projet de budget de 1909, page 13.

au Trésor, jusqu'au jour où les événements rendraient insuffisant le chiffre annuel de 60 millions.

On pourrait ainsi prévoir en bloc l'imprévu. Mais, le pas difficile serait d'augmenter les crédits budgétaires de 60 millions en une seule fois la queue est si longue et si pressante des crédits nouveaux qui sollicitent l'entrée de la loi de finances.

Louis GAUTIER.

JURISPRUDENCE

CULTES.

CONSEIL D'ÉTAT (AU CONTENTIEUX)

(15 janvier 1909.)

PRESBYTERES. - JOUISSANCE GRATUITE LAISSÉE A UN MINIS-
SUBVENTION POUR L'EXERCICE DU CULTE. NUL-

TRE DU CULTE.
LITÉ DE DROIT.

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La concession à un ministre du culte, par délibération d'un conseil municipal, de la jouissance gratuite du presbytère appartenant à la commune constitue une subvention pour l'exercice du culte, prohibée par les dispositions des lois du 9 décembre 1905 et du 2 janvier 1907; par suite, c'est avec raison que le préfet a, par application des articles 63 et 65 de la loi du 5 avril 1884, déclaré nulle de droit cette délibération.

La commune de Gaudonville a déféré au Conseil d'État un arrêté du préfet du Gers, en date du 18 janvier 1908, déclarant nulle de droit une délibération du conseil municipal du 1er décembre 1907, qui avait concédé au ministre du culte la jouissance gratuite du presbytère.

Le Conseil d'État a rendu l'arrêt suivant :

Le Conseil d'État,

Considérant que l'article 2 de la loi du 9 décembre 1905 dispose que la République ne reconnaît, ne salarie, ni ne subventionne aucun culte : qu'en conséquence, seront supprimées des budgets de l'État, des départements et des communes, toutes dépenses relatives à l'exercice des cultes; que si l'article 1 de la loi du 2 janvier 1907 porte que les communes recouvreront à titre définitif la libre disposition des presbytères leur appartenant et dont la jouissance n'a pas été réclamée par une association cultuelle constituée dans l'année qui a suivi la promulgation de la loi du 9 décembre 1905, il soumet à l'approbation préfectorale la location de ces presbytères;

Considérant que la concession au ministre du culte, par délibération du conseil municipal du 1er décembre 1907, de la jouissance gratuite du presbytère appartenant à la commune de Gaudonville, constituait une subvention pour l'exercice d'un culte, prohibée par les dispositions pré

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