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CHRONIQUE DE BELGIQUE

Les travaux parlementaires : I. La question militaire. II. La limitation de la durée du travail dans les mines. III. Loi sur l'acquisition et la perte de la nationalité.

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Rarement fin de session aura été marquée par des travaux aussi importants et aussi divers que ceux qui sollicitent actuellement l'attention du Parlement belge.

I. La question militaire. La crise du volontariat et la recherche des moyens de la résoudre continuent à tenir la première place dans les préoccupations de nos voisins. Mis en demeure par l'opinion publique de remédier à l'insuffisance trop certaine des effectifs actuels de l'armée belge, le ministère Schollaert a adopté une attitude assez singulière. Il n'est pas douteux qu'il aurait obtenu une forte majorité à la Chambre s'il avait consenti à se rallier à la proposition Bertrand, tendant à l'abolition du remplacement. Mais cette réforme est préconisée par les partis de gauche et c'est une raison suffisante pour que le gouvernement se refuse obstinément à en poursuivre la réalisation. A maintes reprises, le président du conseil a déclaré, en effet, qu'il entendait s'appuyer uniquement sur la droite. Répondant au comte Goblet d'Alviella qui, dans une pensée patriotique, lui offrait le concours du parti libéral, M. Schollaert n'a trouvé que cette phrase dédaigneuse : « Je recevrai vos voix, je n'en escompte aucune. »

Une politique aussi hautaine n'est pas sans danger. Les cléricaux disposent, sans doute, de la majorité à la Chambre; mais encore faut-il qu'aucune défection ne se produise dans leurs rangs. Or, le gouvernement est obligé de compter avec l'esprit indépendant des démocrates catholiques, et la plupart de ces derniers ne dissimulent pas leur hostilité contre le système actuel de remplacement.

Le ministère Schollaert sera-t-il assez habile pour vaincre leur répugnance et les amener à faire bloc avec l'ensemble des troupes gouvernementales? On peut en douter, à en juger par l'accueil très favorable que la proposition Bertrand a rencontré au sein des commissions de la Chambre, alors qu'au contraire de très vives critiques y ont été élevées contre le projet édulcoré que vient de présenter le gouvernement.

Timide remaniement de la loi de 1902, ce projet tient tout entier

dans la formule « un soldat par famille », c'est-à-dire que l'effectif de paix serait obtenu en tenant compte du nombre de jeunes gens atteignant chaque année vingt ans, à raison de un par famille. Mais le projet gouvernemental laisse subsister un si grand nombre d'exemptions fils uniques, instituteurs, membres du clergé, etc.

que les autorités militaires estiment que les effectifs nécessaires ne pourraient jamais être atteints. D'autre part, la pratique du remplacement serait maintenue et c'est sur ce terrain, ainsi que nous l'avons exposé, que paraît devoir être livrée la plus sérieuse bataille.

En tout état de cause, aucune solution définitive ne pourra intervenir avant la séparation des Chambres. Le gouvernement va ainsi gagner quelques mois. Peut-être n'avait-il, en réalité, d'autre objectif et, s'il en est ainsi, on doit reconnaître qu'il a fort habilement manœuvré. Reste à savoir s'il ne sera pas obligé, dès le mois d'octobre, de renoncer à cette tactique de temporisation, et de donner enfin une solution à une question qui préoccupe si gravement le pays tout entier.

II

Limitation de la durée du travail dans les mines. En attendant, les libéraux et les socialistes pressent le cabinet de faire aboutir la loi sur la réglementation du travail dans les charbonnages. La question est à l'étude depuis de nombreuses années et l'on se rappelle que c'est à cause d'elle que M. de Smet de Naayer a dû, en 1907, quitter le pouvoir.

Depuis lors, le projet primitif a subi de nombreux remaniements. Après de longues discussions, tant à la Chambre qu'au Sénat, la réforme paraissait sur le point d'ètre réalisée sur les bases suivantes: la durée maxima du travail dans les mines serait fixée à neuf heures. Toutefois, le régime nouveau n'entrerait pas immédiatement en vigueur. Des périodes transitoires seraient ménagées : un an après la promulgation de la loi, le maximum de la journée de travail serait de neuf heures et demie pour être réduit à neuf heures, à l'expiration d'une nouvelle période de trois années.

Le vote définitif de la loi se trouve malheureusement retardé par un conflit assez aigu qui vient de surgir entre les deux Chambres. Le Sénat a adopté un amendement stipulant que « la durée de la journée normale pourra être prolongée d'une heure par arrêté royal,

pour les ouvriers préposés à la surveillance ou aux machines, les hiercheurs ou sclauneurs, les accrocheurs aux puits, ainsi que pour les conducteurs de chevaux et leurs aides ». Cette disposition aurait, en fait, pour résultat, d'exclure 27.000 ouvriers du bénéfice de la loi. D'autre part, la Haute Assemblée a rejeté un article adopté par la Chambre et spécifiant que le travail ne devra pas excéder huit heures dans les chantiers où la température dépasse 28° C.

Ce double vote a suscité une profonde émotion à la Chambre. Emporté par son indignation, M. Vandervelde a déclaré que le Sénat avait «< saboté » le projet. Malgré les objurgations de M. Schollaert, la Chambre a refusé de sanctionner les dispositions nouvelles et elle a maintenu intégralement le texte qu'elle avait primitivement adopté.

Le projet devra donc être renvoyé une seconde fois au Sénat. Bien que les esprits soient, de part et d'autre, fort surexcités, au point que certains députés socialistes n'hésitent pas à réclamer la suppression de la Chambre Haute, il y a tout lieu de penser qu'il ne sera pas nécessaire de recourir à cette solution extrême et qu'un terrain d'entente ne tardera pas à être trouvé.

Nous avons trop souvent assisté en France à des querelles de même nature entre nos deux assemblées pour ne pas savoir qu'une prompte réconciliation ne manque jamais de mettre fir à ces bouderies d'un jour.

III. — Loi sur l'acquisition et la perte de la nationalité. Le vote récent d'une importante loi sur l'indigénat montrerait d'ailleurs, s'il en était besoin, que les deux assemblées sont capablos d'accomplir, de concert, une bonne et utile besogne.

Nous croyons intéressant de mettre, dès aujourd'hui, sous les yeux des lecteurs de la Revue, le texte intégral de cet acte législatif, nous réservant de le commenter ultérieurement.

Loi du 8 juin 1909 sur la nationalité:

ART. 1. Sont Belges :

1o L'enfant né, même en pays étranger, soit d'un père belge, soit d'une mère belge, quand le père n'a pas de nationalité déterminée; 2o L'enfant né d'un étranger, après la dissolution du mariage, si la mère possède la qualité de Belge au moment de la naissance.

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ART. 2. L'enfant naturel, âgé de moins de vingt et un ans accomplis, dont la filiation est établie par reconnaissance ou par jugement, suit la nationalité de celui des parents à l'égard duquel la preuve a d'abord été faite.

Si cette preuve résulte, pour le père et pour la mère, du même acte ou du même jugement ou d'actes concomitants, l'enfant suit la nationalité du père.

ART. 3. Il est pris égard à l'époque de la conception de préférence à l'époque de la naissance, lorsque la nationalité des parents de l'enfant, à la première de ces époques, a pour conséquence de de faire attribuer à celui-ci la qualité de Belge.

ART. 4. Est Belge, l'enfant, né en Belgique, soit de parents légalement inconnus, soit de parents sans nationalité déterminée. L'enfant trouvé en Belgique est présumé, jusqu'à preuve du contraire, être né sur le sol belge.

ART. 5.

L'étrangère, qui épouse un Belge, ou dont le mari devient Belge, suit la condition de son mari.

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ART. 6. Les enfants mineurs non mariés de l'étranger, qui acquiert volontairement la nationalité belge, deviennent Belges. Ils peuvent toutefois, dans l'année qui suit l'époque de leur majorité, renoncer à la nationalité belge en déclarant qu'ils veulent recouvrer la nationalité étrangère.

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ART. 7. Deviennent Belges, à l'expiration de leur vingtdeuxième année, si, pendant cette année, ils ont eu leur domicile en Belgique et n'ont pas déclaré leur intention de conserver la nationalité étrangère :

1o L'enfant, né en Belgique, de parents étrangers, dont l'un y est né lui-même ou y était domicilié depuis dix ans sans interruption; 2o L'enfant, né en Belgique, d'un étranger et qui est domicilié dans le royaume depuis six ans sans interruption.

ART. 8. Peut toujours acquérir la qualité de Belge l'enfant né d'un père ou d'une mère qui aurait perdu cette qualité, pourvu qu'il déclare que son intention est de fixer son domicile en Belgique et qu'il l'y établisse effectivement dans l'année à compter de cette déclaration.

ART. 9. Peut acquérir la qualité de Belge, dans sa vingtdeuxième année, l'enfant, né en Belgique, d'un étranger, moyennant l'accomplissement des formalités prescrites par l'article précédent.

ART. 10.

Belge.

ART. 11.

L'étranger qui a obtenu la naturalisation devient

Perdent la qualité de Belge :

1o Celui qui acquiert volontairement une nationalité étrangère; 2o La femme qui épouse un étranger d'une nationalité déterminée ou dont le mari acquiert volontairement une nationalité étrangère, si celle-ci est également acquise à la femme en vertu de la loi étrangère ;

3o Les enfants mineurs non mariés d'un Belge qui acquiert volontairement une nationalité étrangère, si, par ce fait, ils obtiennent la nationalité de leur auteur.

ART. 12. L'enfant né à l'étranger d'un Belge, qui lui-même est né à l'étranger, peut toujours décliner la nationalité belge, s'il a acquis de plein droit la nationalité étrangère.

ART. 13. Celui qui a perdu la qualité de Belge peut toujours la recouvrer, pourvu qu'il n'ait pas cessé de résider en Belgique ou qu'il y rentre avec l'autorisation du Roi; que, dans les deux cas, il déclare que son intention est de fixer son domicile en Belgique et qu'il l'y établisse effectivement dans l'année à compter de cette déclaration.

La femme qui a perdu la qualité de Belge, par application de l'article 11, 2o, peut toujours la recouvrer, comme il est dit ci-dessus, après la dissolution du mariage.

Les enfants qui ont perdu la qualité de Belge, par application de l'article 11-3o, peuvent toujours la recouvrer après l'accomplissement de leur vingt et unième année, en se conformant aux dispositions de l'article 8.

ART. 14. Les enfants mineurs seront admis à faire la déclaration prévue aux articles 6, 7, 8, 9, 12 et 13 dès l'âge de dix-huit ans accomplis, avec le consentement du père ou, à défaut du père, avec celui de la mère, avec l'autorisation des autres ascendants ou de la famille, donnée suivant les conditions prescrites pour le mariage au chapitre. I du titre V du livre I du Code civil.

Le consentement du père, de la mère ou des autres ascendants sera donné soit verbalement, lors de la déclaration, soit par acte authentique.

Mention expresse de ce consentement ou de l'autorisation de la famille sera faite dans l'acte dressé pour constater l'option.

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