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BOUILLON (le 25 Août ). De tous les objets intéreffans qui ont varié le fpectacle que donne la France depuis un an, il n'en eft point qui ait fixé l'attention de toute l'Europe comme la fête du 14 Juillet. Quoique Paris ait donné à cette cérémonie civique toute la magnificence dont de grands moyens & le local la rendoient fufceptible, cette capitale n'eft pas le feul endroit du monde françois dont il foit permis de parler; il n'y a plus de privilege exclufif. Un bon citoyen doir à fa contrée l'hommage que méritent les efforts pour éternifer un auffi beau jour. C'eft ce tribut que vient de payer à fa patrie M. Le Verneuil, avocat au bailliage de Varennes en Argonne,, en nous envoyant une relation de la fête qui a été célébrée en cette ville & pour laquelle les Varennois ont manifefté la plus noble émulation. Le cortege, la marche, l'ordre & la preftation du ferment étant à peu près les mêmes, en raifon de la pofition & des ref fources, nous ne nous arrêterons qu'à une circonftance qui est peut-être unique en France.

Le curé de Varennes, rigide obfervateur des loix canoniques, prétendit qu'on ne pou voit dire la meffe fur l'autel qui avoit été érigé à la patrie, parce qu'il étoit placé à peu de diftance de l'églife paroiffiale, & defendit à la municipalité de la faire célébrer fans une permiffion expreffe de l'archevêque de Reims. Pour ne pas expofer à la cenfure eccléfiaftique l'aumônier de la Garde Nationale qui avoit été choisi pour la cérémonie. les officiers municipaux écrivirent aux repréfentans de l'archevêque, abfent comme député à l'Affemblée Nationale; mais la conduite dụ curé fut approuvée, & la permiffion refufée;

un exprès fut envoyé & n'eut pas plus de faccès. On prit enfin le parti de dépêcher un officier de la Garde Nationale à Verdun pour avoir un religieux, quoiqu'à Varennes il y eût un couvent de Cordeliers. La municipalité de Verdun, envif geant le curé comme un troublefête, s ad effa à l'évêque, dont elle obtint fans difficulté un Auguflin. Cependant l'évêque de Tricamie, qui ne doit fon élévation qu'à fes talens & à fes vertus, étant revenu à Varennes, cù il fait fa réfidence, & dont il étoit ab ent, offit à la municipalité de remplir à Ja fois les devoirs de bon citoyen & les fonctions de fon miniftere. En conféquence, ce prélat célébra la mefle fur l'autel civique.

Le feftin qui fuivit la cérémonie fut de 60" Couverts. Chaque foldat-citoyen reçut 24 fols, & la ville fit diftribuer à chaque pauvre deux livres de pain & deux livres de viande. Il y eut le foir dans toute la ville des repas des luminations, feu de joie, feu d'artifice. & danfes multipliées. Dans une fociété particuliere de 18 citoyens, enfans de la liberté & de la groffe joie qu'il eft tems de rappeller parmi nous, on chanca quelques couplets que BOUS regrettons de ne pouvoir placer ici.

Dans l'impoffibilité où nous fommes de rapporer en entier la defcription de la fête civique d'Offel, qui nous a été adreffée par M. Prorais Marfot, gardien des Picpus de Vailly, nous en citerons au moins un paffage qui fera connokre le ftyle original & pictorefque de ce religieux.

« L'heure indiquée pour l'émiffion folemnelle du ferment civique étant donnée, le pafteur & le troupeau fe mettent en route; la religion les conduit, la religion les arrête, & où? Sur le mamelon d'une montagne couronnée

d'une roche qui s'éleve monftrueusement dans les airs, & qui ne craint point d'y aller difputer aux nues un emplacement de onze fur quinze pieds de diametre; roche refpectée par des milliers de fiecles, obfervée par des milliers de naturaliftes, & que la cérémonie de ce grand jour va rendre vénérable pour tous les fecles. Ne prenez pas le change Monfieur ce n'eft pas au pied de cette pierre coloffale que la ftation doit fe faire; c'eft deffus. C'eft fur fa tête qu'un autel dédié au Très-Haut attend la préfence d'un pontife; c'eft à fa furface que fe trouvent en ce moment des arbustes chargés de fruits, un parterreéinaillé de fleurs, une femme plus que feptua-1 génaire qui le cultive, des Gardes Nationaux qui veillent fur le pourtour, gardiens coprageux, qui regardent fans effroi les profondeurs de la vallée. A cette vue, Monfieur je ne puis me défendre de la plus grande furprife, & malgré moi, je pardonne aux fcrutateurs de l'antiquité qui jamais n'ont pu me dire où étoit le jardin d'Eden. Qui pouvoit en effet deviner qu'il étoit là »?

Aucun chemin ne conduifant fur le fommet du rocher c'eft par une échelle très élevée que les citoyens, les enfans même y parviennent. C'est là que les tambours, les violons, les hautbois, les flutes. les voix humaines envoient au firmament des hymnes faïnts, le fouffle des vents tanto: éloigne, tantôt rapproche ces accens, les échos les répetent & les propagent. «En vain, dans ma délicieuse émotion, je cherche à découvrir l'orchestre d'où partent ces fons enchanteurs : il est invisible.... il eft dans les entrailles du rocher. Pierre d'Ofel, vous êtes donc te greffe o la nature a dépolé lés minutes de toutes les merveilles »>!

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La troupe aërienne étant defcendue, le curé, fe trouve au milieu de fes paroiffiens; il parle, parle on fe ferre les mains; les larmes coulent des joues mouillées, & vont s'effuyer fur des joues encore plus mouillées.... « C'en eft fait, chers amis, dit le ministre du culte, nos cœurs font échangés; le vôtre eft le mien, & le mien eft le vôtre aimonsnous toujours, ou plutôt ne formons plus qu'un cœur; hâtons-nous d'aller ratifier dans un repas de famille le pacte que nous venons de faire &c. Mais toutes les femmes graviffoient l'échelle; il fallut attendre qu'elles euffent fait à la patrie l'oblation de ce qu'elles ont de plus cher, celle de leurs enfans. Echelle de Jacob, s'écrie M. Protais Marfot, vous portiez des êtres plus céleftes mais vous n'offriez pas un Spedacle plus raviffant »!

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Dans un tems où les ennemis de la conftitution françoife répandent l'alarme fur nos frontieres, qu'ils font envifager comme prêtes à être envahies par des troupes étrangeres, M. Lambin, citoyen-foldat de la Garde de Mézieres, nous fait part d'un moyen qu'il a imaginé pour protéger & couvrir les défenfeurs de la patrie. Il propofe de faire des facs de 18 pouces de diametre & de 44 de hauteur de les remplir de mouffe choifie & dégagée de toutes parties terreufes, de pratiquer au haut de chaque fac une petite loge, propre à contenir un pain, une chemife, des bas & fouliers, recouverte d'un cuir & fermée avec des boucles, d'y mettre pour bafe une planche légere de peuplier, & enfin d'adapter une paire de bretelles à chaque fac de maniere que, formant alors 4 pieds de hauteur, il puiffe couvrir la tête de celui qui le portera. Les troupes étant rangées en bataille dans tel ordre que ce foit, fuivant les

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difpofitions du général, & à 40 où 50 pas de l'ennemi, on poferoit tous ces facs les uns contre les autres, & on auroit en un inftant un retranchement de 5 mille facs qui fu tfiroient pour 10 mille hommes. Si l'on combat de pied ferme, les foldats ont le double avanta. ge d'être retranchés, & le premier rang de pofer fes armes fur fes facs pour diriger mieux fon feu. S'il eft queftion d'attaquer, on renverfe les facs, & on enfonce l'ennemi. Un autre avantage qu'on retireroit de ces facs, ce feroit de les coucher les uns près des autres, & d'en former des its qui garantiroient les foldats de l'humidité de la terre.

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-Si cette idée préfente quelques avantages elle entraîne auffi de grands inconvéniens. La. premiere difficulté eft de fe procurer la quan tité de mouffe néceffaire; la seconde, d'avoir, affez: de charriots pour les tranfporter à la. fuite de l'armée: car ces facs pelant 35 à 40 livres, M. Lambin voudroit qu'ils ne fuffent portés par les foldats qu'à la vue de l'ennemi. La troisieme feroit d'entretenir la mouffe affez feche pour qu'elle pût fervir de dit au foldat fans lui nuire. Nous croyons donc que l'ufage de ces facs ne pourroit remplir fon objet que. dans des cas particuliers, le long des frontières du royaume.

3 Au reste, M. Lambin n'a d'autre prétention que d'être utile à la chose publique, & quand il fe feroit trompé, on ne doit pas moins d'éloges à fon zele.

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Rien n'eft plus déplorable que la fituation, de las province de Limbourg, foulée, ruinéepar les deux partis qui s'en difputent la pol feffion. Le 3 Août, le capitaine d'Afper en chaffa les troupes belgiques, commandées par M. de Schiplaeken. Celui-ci s'étant réfugié

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