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Ventilation.

Enfin une dernière question se pose que nous ne ferons qu'indiquer brièvement, c'est celle de la ventilation des habitations.

Dans les pièces ordinaires, pourvues d'une cheminée, la ventilation est à peu près assurée. Les portes, les fenêtres ne joignent jamais parfaitement et l'air extérieur pénètre en quantité suffisante pour renouveler l'atmosphère de la chambre, pendant que l'air vicié s'échappe par le conduit de fumée. Cette ventilation, tout imparfaite qu'elle soit, est dans la plupart des cas suffisante, surtout si chaque jour les fenêtres sont largement ouvertes et si la pièce peut ainsi être balayée par un courant d'air pur.

Mais dans des cuisines exiguës, dans les corridors sombres, dans les water-closets ouvrant sur des courettes étroites, ce moyen de ventilation est tout à fait insuffisant. Là on doit recourir à des procédés plus efficaces. Il ne faut pas oublier en effet que l'air, dans ces réduits confinés, est absolument vicié au bout de très peu de temps. Dans les cuisines notamment, les émanations carboniques des fourneaux à charbon de bois ou à gaz viennent joindre leur action délétère à toutes les autres causes d'insalubrité. Il est indispensable que le renouvellement de l'air y soit assuré d'une façon continue. La ventilation naturelle est impuissante et il faut de toute nécessité recourir à une ventilation artificielle. Ce que le règlement de Paris a prévu pour les cuisines de concierge est également applicable aux cuisines des locataires. Nous n'examinerons pas les nombreux procédés qui permettent d'obtenir ce résultat. Ils seront exposés et discutés autre part. Nous nous contentons d'indiquer ici un besoin auquel ne semble pas souvent répondre la construction des cuisines modernes et que toutes les règlementations ont jusqu'à présent presque totalement négligé. Bien que la nécessité d'une ventilation permanente se fasse moins impérieusement sentir pour les parties de l'habitation, telles que les couloirs intérieurs et les water-closets, où l'on ne séjourne que très peu, l'hygiène ne pourrait que gagner à ce que ces locaux soient ventilés d'une façon permanente. Il en est de même des sous-sols habités pendant le jour.

Les dispositions de l'art. 30 du règlement sanitaire de la Ville de Paris nous semblent tout à fait insuffisantes sur ce point.

Sous-Sols.

Les dimensions des baies destinées à éclairer et à aérer les soussols livrés à l'habitation de jour (1/10 de la surface de la pièce) sont juste suffisantes pour qu'il n'y fasse pas complètement nuit. Il serait impossible de se livrer, dans une pièce de ce genre, à aucun travail sans le secours de la lumière artificielle. Quant à la ventilation, on

peut dire qu'elle est nulle. Aucune disposition n'est prescrite pour assurer le renouvellement de l'air. On reconnaîtra bientôt certainement qu'il y a là une lacune qu'il importe de combler. Quand un sous-sol sera occupé par des ouvriers, quand il y aura été installé un atelier, la loi sur l'hygiène et la sécurité des travailleurs permettra d'imposer au locataire les mesures d'hygiène destinées à sauvegarder la santé des occupants. Mais dans les cas fréquents où le sous-sol sera occupé par le locataire et sa famille seuls, soit comme salle à manger, soit comme atelier ou dépendance d'une boutique, il lui sera possible sans aucune précaution convenable, de séjourner ou de faire séjourner les siens dans ces locaux réellement meurtriers.

Ne vaudrait-il pas mieux prévoir le cas toujours probable, en raison du prix élevé des loyers dans les grandes villes, où le soussol sera habité de jour et imposer, dans tous les cas, aux constructeurs l'obligation de n'établir que des sous-sols aménagés de telle sorte que l'homme puisse y séjourner avec un minimum de danger.

Boutiques.

Les rez-de-chaussée sont en général occupés par des boutiques. Beaucoup de ces boutiques sont consacrées à des commerces inoffensifs pour les habitants de la maison, et ne demandent pas d'autres aménagements et dispositions sanitaires que ceux qui s'appliquent aux locaux habités. Il n'en est pas de même des boutiques dans lesquelles se manipulent et se conservent des substances facilement putrescibles dont la décomposition peut infecter la maison tout entière au grand détriment de la santé des habitants. Tout le monde a été à même de constater la situation intolérable faite aux habitants d'une maison par la présence dans une boutique de certains commerces de denrées alimentaires. J'ai jadis habité un appartement situé au 1er étage au-dessus de la boutique d'un fruitier. Ce commerçant possédait, comme tous ses confrères, un assortiment complet de volailles et de lapins vivants. La nuit, il renfermait hermétiquement dans sa boutique les denrées, légumes frais, volailles mortes, fromages, etc., dont un certain nombre subissait un commencement de décomposition. De ce mélange d'effluves ammoniacales émanant des animaux vivants avec les relents putrides des marchandises avariées, résultait la plus effroyable puanteur qu'il fût possible d'imaginer. Ne trouvant pas d'autre issue, ces abominables odeurs refluaient dans la cage de l'escalier et se répandaient dans les appartements au point d'en rendre, certaines nuits, le séjour intolérable. Toutes les plaintes que j'adressai à ce sujet à l'autorité compétente furent vaines et comme je déménageai, sur l'entrefaite, je n'ai pas su si mon successeur a été plus heureux.

Et pourtant la maison (une vieille maison, entre parenthèses) était située dans des conditions particulièrement favorables. Placée à

l'angle de deux voies, dont une large de 20 mètres, parfaitement orientée, elle possédait une des plus vastes cours qu'il m'ait été donné de voir dans un immeuble parisien. L'éclairage, l'ensoleillement et l'aération étaient parfaits, les chambres vastes et élevées. La mauvaise installation de cette fruiterie suffisait pourtant à la rendre presque inhabitable. Cette situation n'est pas exceptionnelle; elle est au contraire extrêmement fréquente. Si les industries dangereuses pour la sécurité des voisins sont rigoureusement surveillées et réglementées, il n'en était pas de même des commerces se rapportant à l'alimentation. Seules les boucheries et les charcuteries, les triperies et les dépôts de fromages étaient, jusqu'à présent, réglementés en France. Il a fallu l'intervention de la loi du 15 février 1902 pour permettre à l'autorité municipale de prescrire aux fruitiers, épiciers, etc., etc., des aménagements de nature à rendre leurs commerces inoffensifs pour les habitants des maisons où sont situées leurs boutiques.

Nous donnons ci-après les chapitres du Règlement Sanitaire de la Ville de Paris qui traite de cette question.

Locaux destinés à la vente ou à la conservation

ART. 95.

des denrées alimentaires.

Toutes les boutiques dans lesquelles seront vendus et conservés des produits alimentaires, tels que poissons frais, volailles, gibiers, fromages, viandes fraîches de toute nature, sans préjudice des dispositions spéciales à la boucherie et à la charcuterie, devront être disposées de telle sorte que l'air y soit constamment renouvelé.

Elles devront être, à cet effet, munies d'un conduit de ventilation d'au moins 4 décimètres carrés de section s'ouvrant dans la partie du plafond la plus éloignée de la devanture et s'élevant jusqu'au-dessus de la partie la plus élevée de la construction ou de tout autre moyen de ventilation.

La devanture devra être à claire-voie au moins sur un cinquième de sa surface.

Les murs et le sol seront revêtus de matériaux imperméables et imputrescibles.

Le sol sera disposé de manière à permettre de fréquents lavages; la pente en sera réglée de manière à diriger les eaux de lavage vers un orifice muni d'une occlusion hermétique permanente, conduisant les eaux par une canalisation souterraine à l'égout. Cet orifice sera, en outre, muni d'un grillage, pour arrêter la projection des corps solides.

Ces boutiques ne pourront servir dans aucun cas à l'habitation de nuit et ne devront renfermer ni soupentes, ni cabinets d'aisances, ni servir de passage aux gargouilles destinées à l'évacuation des eaux de tout ou partie de l'immeuble.

Les denrées alimentaires susceptibles d'être consommées sans cuisson ultérieure, exposées aux étalages ou mises en vente sur la voie publique, devront être protégées contre les poussières et contre les souillures.

Aucun étalage de denrées alimentaires ne pourra être établi à une hauteur moindre de 0m,60.

ART. 96. Les locaux autres que les boutiques, c'est-à-dire les caves, sous-sol et resserres destinés à la préparation ou à la conservation des denrées alimentaires visées dans l'article précédent devront être soumis aux mêmes prescriptions, sauf en ce qui concerne les devantures de boutiques.

Cette réglementation nous semble fort bien comprise. Les dépenses qu'elle entraînera pour les commerçants sont minimes, et les avantages qu'en retirera l'hygiène sont considérables.

Ameublement, entretien.

Nous en avons fini avec tout ce qui regarde le constructeur. Nous avons passé en revue les précautions qu'il doit prendre pour livrer aux locataires des logements salubres, capables de les abriter sans nuire à leur santé. Il nous reste à examiner comment le locataire doit user du logement pour ne pas rendre inutiles les précautions prises par le constructeur.

Nous n'avons pas besoin d'insister sur la nécessité de tenir le logement toujours rigoureusement propre. C'est là une vérité élémentaire, connue de tous. Tout aménagement qui facilitera la propreté du logement doit donc être adopté. Or il se trouve que les aménagements de ce genre sont aussi ceux qui permettent de combattre avec le plus d'efficacité la transmission des maladies contagieuses. En première ligne nous placerons la clarté. Ainsi que nous l'avons vu plus haut, la lumière est l'ennemie du microbe. Tout ce qui empêchera la lumière de pénétrer jusqu'au fond des chambres doit être proscrit. Les doubles rideaux qui garnissent et décorent les fenêtres ne devront être fermés que le moins souvent possible. Le mieux serait de n'en pas avoir; mais nous ne sommes pas intransigeant, et nous les admettons, pourvu qu'ils ne figurent qu'à titre décoratif. Je sais bien que la lumière solaire détériore les couleurs des tentures, des étoffes qui recouvrent les meubles et que beaucoup de maîtresses de maisons, dans l'intérêt de leur mobilier, maintiennent hermétiquement closes les persiennes et les rideaux. Cet usage, pour économique qu'il soit, est déplorable au point de vue sanitaire. Qu'on les ferme en été, pendant la grande chaleur du jour, passe encore. Mais le reste du temps, ils doivent les unes et les autres demeurer largement ouverts. Cette précaution devient indispensable quand il existe dans l'appartement un malade atteint de maladie transmissible. Enfin, chaque jour. il faut largement

aérer les chambres en ouvrant les fenêtres et en créant un courant d'air pendant au moins une heure. Quel que soit le système de ventilation dont une chambre est pourvue, il existe toujours des recoins qui échappent à son action, où les gaz délétères séjournent, et qui ne peuvent être assainis que par un brassage énergique de l'air ambiant.

Pour les tentures, on devra donner la préférence à celles qui peuvent être lavées. Les tentures en étoffes qui retiennent dans leurs plis et dans leur trame les poussières et tous les organismes microscopiques qui saturent l'atmosphère, sont les plus mauvaises. Le papier est meilleur, surtout le papier vernissé qui peut être nettoyé au moyen d'un linge mouillé. L'idéal du revêtement des murs est, sans contredit la peinture à l'huile ou les enduits similaires, faciles à lessiver.

Dans le nettoyage d'un appartement, tous les hygiénistes sont d'accord pour proscrire le balayage à sec. Si l'on ne veut pas se servir du linge humide, il faudra tout au moins, avant d'employer le balai ou de frotter le parquet, répandre sur le sol de la pièce de la sciure humide qui empêchera les poussières de se mêler à l'air.

L'ameublement sera sobre; on évitera, à moins de disposer d'un nombreux domestique, les meubles trop chargés de sculptures qui exigent un entretien journalier très soigné et constituent ce que l'on appelle vulgairement des nids à poussière.

En résumé, si l'on veut conserver à un appartement les qualités que lui a données le constructeur, on doit éviter tout ce qui réduit d'une façon excessive le cube disponible des pièces, tout ce qui met obstacle à la pénétration de la lumière solaire, tout ce qui peut servir de réceptacle et de cachette aux microbes pathogènes, on doit aussi conserver la ventilation permanente et procéder chaque jour à des chasses d'air qui refoulent et entraînent au dehors tous les gaz délétères produits par la vie renfermée des habitants.

Une maison construite et aménagée dans les conditions que nous avons passées en revue, et dans laquelle, d'autre part, l'alimentation en eau et l'éloignement des matières usées seraient assurés d'une façon convenable, permettrait de lutter, avec toute l'efficacité désirable contre la propagation des maladies transmissibles. Mais c'est à la condition formelle que la maison tout entière soit en bon état. Or, par l'usage prolongé, sous l'influence des changements de température et l'action des agents atmosphériques, les murs se crevassent, les enduits extérieurs s'effritent, les murs des façades se couvrent d'une croûte de poussière renfermant tous les germes en suspension dans l'atmosphère, les conduits de fumée, les conduits d'évacuation se disjoignent.

D'un autre côté, le sol des appartements s'use d'une façon irrégulière, le pavage des cours et courettes se creuse par places; les tentures des appartements, les peintures des couloirs et escaliers, celles des water-closets s'encrassent. Au bout de quelque années, une

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