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SECTION I

HABITATIONS URBAINES

Présidents d'honneur.

MM. MÉLIUS, Directeur du Bureau d'Hygiène d'Anvers, Délégué de la
municipalité.

ORTEGA MOREJON, Directeur de l'Académie royale de médecine,
Inspecteur de santé et d'Hygiène à Madrid.

Pr PAGLIANI, Directeur de l'Institut d'Hygiène de Turin,

Dr STRASSMANN, Médecin sanit. et délégué de la Ville de Berlin.

Président.

M. le Dr ROUX, Directeur de l'Institut Pasteur.

Vice-Présidents.

MM. DEFRASSE, Architecte, Vice-Président de la Société des Archi-
tectes diplômés par le Gouvernement.

MORIZE, Architecte, membre de la Commission d'hygiène de la
Société centrale des Architectes français.

Secrétaire.

M. le Dr DEPOULLY, membre de la Commiss. des logements insalubres.

Rapport de M. JUILLERAT

Chef du Bureau de l'Assainissement et du Casier Sanitaire
des maisons de Paris.

L'Habitation Urbaine.

« L'accroissement et l'encombrement des villes a pris, depuis cinquante ans, des proportions excessives. Il y a là une sorte de progression nécessaire que nul ne peut nier et qu'aucun effort humain ne saurait empêcher. Sans vouloir jeter un coup d'œil sur l'avenir du xxe siècle, il est permis d'affirmer que le mouvement d'agglomération urbaine n'est pas à la veille de s'arrêter et que nos enfants et petits enfants verront encore s'augmenter la population des villes. (1) »

(1) M. G. Picot. Conférence faite à Versailles, le 1er avril 1897.

Or la question des grandes agglomérations soulève au point de vue de l'hygiène des problèmes complexes et nombreux et au premier rang, la question des habitations.

Nous laisserons de côté tout ce qui touche aux habitations spéciales, garnis, maisons ouvrières, et examinerons seulement les conditions indispensables d'hygiène que doit remplir l'habitation urbaine en général.

« La vieille maison familiale, souvenir d'aïeux évanouis, a bien disparu de nos jours. Au milieu de l'activité qui nous dévore, les fortunes ont perdu leur stabilité; elles s'édifient et s'effondrent avec une rapidité que le passé ignorait. Les considérations en quelque sorte sentimentales qui présidaient à l'acquisition et à la conservation des immeubles ont fait place à des considérations très différentes. Aujourd'hui, l'acquéreur ou le gros constructeur d'une propriété nouvelle recherche surtout un placement avantageux. (1) »

Les conditions nouvelles de la propriété urbaine ont créé une situation qui ne laisse pas que de préoccuper gravement l'hygiéniste aussi bien que le moraliste et le philanthrope:

La question est des plus complexes.

Dans les agglomérations urbaines où l'espace n'est pas étroitement mesuré, où la population peut s'étendre sur des surfaces sans cesse élargies, il est possible de construire des maisons, d'aménager des voies publiques répondant à tous les desiderata de l'hygiène, de dispenser largement l'air et la lumière, de réduire la hauteur des demeures de l'homme, d'éviter l'entassement des êtres humains, de réaliser en un mot à peu de choses près les conditions d'existence de ce que M. E. Trélat appelle la vie dispersée. En Angleterre, en Amérique, dans les pays neufs ou dans ceux que leur situation géographique a mis à l'abri des invasions, ces conditions favorables se trouvent, dans la plupart des cas, remplies sans difficulté. A Londres, chaque maison renferme en moyenne 8 personnes, à Philadelphie 10, tandis que, à Paris, le nombre moyen d'habitants d'une maison est de 35, à Berlin de 32, à Vienne de 55.

Dans les vieux pays, dans les cités et les capitales qu'emprisonne une enceinte fortifiée ou dont le territoire est, pour tout autre cause, limité, on est forcé de ménager le terrrain, de restreindre la largeur des voies publiques et de construire d'énormes bâtiments pouvant contenir de nombreuses familles. Il faut en outre ménager dans ces vastes casernes des locaux destinés au commerce, et le revenu élevé que les propriétaires tirent de ces locaux incite les constructeurs à en établir dans la plupart des immeubles. Enfin, en raison du prix élevé des terrains dans les villes de ce genre, le problème posé au constructeur se résume à faire tenir sur une superficie donnée le plus

(1) A. Fillassier. De la détermination des pouvoirs publics en matière d'hygiène. (Paris, Jules Rousset, 1899.)

grand nombre possible d'habitants. De là, la multiplication des étages, la réduction aux moindres dimensions possibles des parties de terrain improductives telles que les cours intérieures, de là enfin l'entassement des habitants avec toutes ses funestes conséquences.

Pourtant tous les hygiénistes sont d'accord pour proclamer avec le docteur Rochard que « l'insalubrité des habitations est la principale cause des maladies qui sévissent dans les agglomérations humaines. >>

Cette insalubrité a des causes multiples et il fallait les connaître dans le détail, pour formuler utilement les règles qui doivent présider à la construction, à l'aménagement et à l'usage des habitations urbaines.

Cette enquête, d'un si haut intérêt, s'est poursuivie depuis un siècle dans tous les pays civilisés; hygiénistes, médecins, architectes, ingénieurs, chimistes, etc., s'y sont consacrés avec ardeur.

A Paris, pendant un demi-siècle, de 1850 à 1902, la Commission des Logements insalubres a poursuivi, avec une ténacité et un esprit de suite remarquables, l'assainissement des logements et elle a contribué dans une large mesure au mouvement qui, en France, a abouti, après plus de quinze ans de gestation parlementaire, à la loi du 15 février 1902 sur la protection de la santé publique. Au moment où la commission, issue de la loi du 13 avril 1850, vient de disparaître, il nous a paru équitable de rendre un juste hommage à l'importance et à l'efficacité bienfaisante de son action.

Aujourd'hui les règles qui doivent présider à la construction et à l'aménagement d'une habitation salubre sont connues.

Plusieurs sont devenues, dans les grandes villes et à Paris notamment, obligatoires pour les constructeurs. D'autres règles, et non des moins importantes pour la santé publique, sont malheureusement encore d'une application difficile et quasi impossible.

Elles se heurtent à la résistance d'intérêts puissants et il faudra combattre de longues années encore avant de les faire entrer dans la pratique.

Nous prendrons pour base de cette étude, les dispositions adoptées par le Règlement sanitaire de la Ville de Paris, le dernier en date, auquel le soin tout particulier avec lequel il a été rédigé, et la haute compétence des Conseils et Commissions chargés de l'élaborer donnent un intérêt tout spécial.

Nous verrons que, en présence de la grandeur des intérêts en jeu, les hommes éminents dans toutes les branches de la science et de l'administration, dont M. le Préfet de la Seine s'était entouré pour travailler avec lui à ce règlement, ont dû reculer devant certaines réformes capitales dont nous comptons démontrer l'immense portée.

Construction.

Nous ne nous étendrons pas sur le mode de construction des maisons urbaines. Tout a été dit sur ce sujet et le règlement sanitaire de la Ville de Paris, s'est, la plupart du temps, inspiré des derniers travaux des hygiénistes.

Quoi qu'il en soit on peut admettre que pour la construction d'une maison salubre, il faut se conformer aux principes suivants que consacre cet arrêté.

1o Les fondations doivent être protégées efficacement contre l'humidité du sol et des mesures doivent être prises pour empêcher cette humidité de remonter dans les murs au-dessus des fondations.

2o Les murs doivent être assez épais pour protéger les habitants contre les variations de la température et édifiés en matériaux peu perméables à l'eau. Il serait évidemment désirable que les matériaux employés pussent, comme le demandent certains hygiénistes, conserver leur perméabilité à l'air; mais cette condition, qui interdirait le revêtement des parois intérieures en papiers de tentures ou en peintures, ne paraît guère applicable et nous pensons qu'en assurant aux locaux habités une ventilation convenable, on peut ne pas s'en préoccuper outre mesure.

3o Les planchers doivent être lisses, sans fissures, faciles à nettoyer au moyen d'un linge humide. Les parquets en chêne, les dallages céramiques, carreaux, enduits divers répondent à ces desiderata ;

4o Les toitures doivent être constituées par des matériaux durs, non combustibles, zinc, tuiles, ardoises, plomb, tôle, etc.;

5o Les eaux pluviales doivent être reçues par des chéneaux ou des gouttières étanches, et évacuées par des tuyaux de descente bien joints jusqu'à l'égout de la maison.

Toutes ces mesures sont depuis longtemps déjà classiques. Elles figurent dans tous les règlements sur la voirie urbaine.

Elles sont formulées dans les art. 30, 32, 50 de l'arrêté du 22 juin 1904. Seule, l'épaisseur des murs a jusqu'ici échappé à toute réglementation.

Disposition des Locaux.

De même, nous n'entrerons pas davantage dans le détail des règles que l'on doit suivre dans la disposition des locaux habités, le cube d'air, etc. Tout a été dit sur ce sujet. Ces règles ont été maintes fois formulées et partout, maintenant, les pouvoirs publics les ont consacrées dans les réglementations relatives à la construction des maisons habitées.

L'arrêté du 22 juin 1904 portant règlement sanitaire de la Ville de Paris, dans son chapitre III, contient une série de prescriptions fort sages. Nous ne pouvons mieux faire que de les reproduire ici :

ARRÊTÉ DU 22 JUIN 1904

Pièces destinées à l'habitation. Prescriptions générales.

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ART. 21. Les prescriptions du décret du 13 août 1902 sont applicables aux voies publiques et aux voies privées de toute nature, closes ou non à leurs extrémités, sous réserve des dispositions complémentaires insérées aux paragraphes 2, 3 et 4 du présent chapitre. ART. 22. — Le minimum de vue directe (1) des pièces destinées à l'habitation de jour ou de nuit ou des cuisines, ouvrant sur les voies privées, est de 6 mètres pour les habitations à construire sur ces voies.

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ART. 23. Pour les cours desservant des pièces habitables et pour celles ne desservant que des cuisines, l'ensemble des deux prescriptione de surface et de vue directe est toujours exigible.

La vue directe devra s'étendre sur une largeur d'au moins 2 mètres pour les cuisines et de 4 mètres pour les autres pièces habitables.

-

ART. 24. Les cuisines de concierges qui seraient aérées et éclairées sur une courette doivent être munies, en plus du tuyau de fumée réglementaire, d'une cheminée de ventilation d'une section minima de 4 décimètres carrés et montant à un mètre au-dessus de la partie la plus élevée de la construction, ou de tout autre dispositif assurant une ventilation équivalente. La cheminée de ventilation sera, autant que possible, contiguë au tuyau de fumée.

ART. 25.

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Le gabarit de hauteur et de saillies des bâtiments élevés sur les cours a pour point de départ, dans chaque cour, le niveau du terre-plein du rez-de-chaussée ou plancher haut des caves.

ART. 24. — Quand des pièces destinées à l'habitation de jour ou de nuit ou des cuisines ne sont pas éclairées ou aérées sur une rue ou sur une cour réglementaire non couverte, mais seulement sur une cour couverte d'un vitrage, la section libre de ventilation de cette cour doit être conforme aux prescriptions de l'article 14 du décret du 13 août 1902.

Caves et Sous-sols.

ART. 27. Les caves devront toujours être ventilées par des soupiraux en nombre suffisant, communiquant avec l'air extérieur et ayant au moins chacun 12 centimètres de hauteur avec une section libre minimum de 6 décimètres carrés.

Il sera, en outre, réservé des ouvertures dans le haut des cloisons de distribution.

(1) Par minimum de vue directe on entend la distance comprise entre le nu extérieur du mur de la pièce habitable et le nu du mur opposé. Cette distance est mesurée horizontalement sur la perpendiculaire élevée dans l'axe de la baie.

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