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tous rideaux tirés, et respirant là un air confiné, auquels de plus sains auraient difficilement résisté.

Les pièces sentent le moisi, le renfermé car le soleil n'y pénètre jamais et l'air n'y est jamais renouvelė. Les fenêtres sont rares et le peu d'air et de lumière qu'elles pourraient donner est absorbé par les fleurs qu'on y place dans un but de coquetterie. Le maison a été construite contre l'air et le soleil, les intempéries. Moins il y aura de fenêtres, plus la maison remplira son but. Le paysan qui peine au grand air dont il a à souffrir toutes les intempéries semble rentré chez lui vouloir se calfeutrer.

Un tel milieu a pu rester, sinon très salubre, du moins peu dangereux, pendant des années, parce qu'alors toute la famille travaillait aux champs. Mais supposons comme c'est maintenant la règle, qu'un des enfants se rende à l'usine. Il travaille en atelier huit à neuf heures, dans un air raréfié, toxique parfois, chargé de poussières toujours. Rentré à la maison paternelle, ses poumons retrouvent un air vicié, humide et froid. Qu'il fasse quelques excès, il est à la merci du bacille, qui trouve en lui un terrain favorable. Surtout, ignorant du danger il sèmera ces bacilles à profusion, car il crachera par terre, et dans cette chaumière jamais ensoleillée, humide et froide, les bacilles se conserveront avec toute leur virulence, prêts à ensemencer les poumons de tous ceux des membres de la famille qui se mettront en état de réceptivité.

C'est là, pour nous, l'explication de cette propagation de la tuberculose dans les milieux agricoles.

Il y a donc urgence absolue à inculquer dès l'école les principes fondamentaux de l'hygiène. Une sorte de catéchisme d'hygiène pourrait être rédigé, et dont les enfants devraient être imprégnés.

Il faut, de plus, que la loi du 15 février 1902 sur la santé publique soit appliquée dans toute sa rigueur dans les campagnes et pas seulement à la ville.

Malheureusement, il n'en est rien :

Actuellement, c'est le maire qui est chargé dans sa commune « de protéger la santé publique et de prendre des arrêtés portant règlement sanitaire ». Or, nous n'hésitons pas à le dire, quatre-vingt-dix-neuf fois sur cent, le maire sera d'une incompétence absolue en matière d'hygiène. S'il est intelligent, qu'il se rende compte de son ignorance, il ne prendra aucune mesure. Dans le cas contraire, ses décisions porteront à faux et deviendront nuisibles; enfin, il est à craindre que dans les petites communes, où la jalousie et les haines sont féroces, les maires ne se servent du pouvoir discrétionnaire que leur donne la loi comme d'une arme contre leurs ennemis. Ou, plus simplement encore, il se peut que tout se borne à une copie d'un « règlement modèle » fourni par la Préfecture pour suppléer à l'ignorance ou à l'incurie des maires. On affichera cette copie en deux ou trois endroits, et tout sera dit.

Il nous semble qu'il y aurait intérêt à ce qu'il y ait par canton une Commission d'hygiène ayant pleins pouvoirs et composée de gens compétents (médecins, pharmaciens, vétérinaires, architectes, conducteurs des ponts et chaussées, etc.), qui se réuniraient et examineraient attentivement toutes les questions pouvant intéresser la salubrité du canton. Elle veillerait à ce que les mesures de désinfection soient exécutées, à ce que les usines, ateliers, mairies, églises, marchés remplissent exactement les conditions requises.

Ceci nous amène à envisager une autre question : c'est celle de la désinfection des locaux, totalement inconnue à la campagne, bien qu'elle soit obligatoire. Il faudrait rendre cette désinfection pratique et économique. Ne pourrait-on créer un service cantonal, sous la direction du pharmacien par exemple? Une étuve par canton serait suffisante; une autre machine pourrait se transporter selon les besoins, dans les différentes communes, pour la désinfection des locaux contaminés.

Les déductions des théories pastoriennes doivent être tirées dans toute leur rigueur, et le xxe siècle devra être « le siècle de l'hygiène » en tout et pour tous.

M. LE PRÉSIDENT fait remarquer que, tout en s'appliquant à des cas un peu particuliers, les observations de M. le Dr Durozoy ont déjà donné lieu à plusieurs vœux précédemment adoptés par la section. Il importe cependant de retenir que le desideratum formulė par M. Durozoy relativement à la désinfection des locaux contaminés est de la plus haute importance et qu'il convient, par suite, d'émettre à ce sujet un vœu spécial.

<< Le Congrès,

<< Considérant que, dans les conditions actuelles, la désinfection, dans les communes rurales, des locaux contaminés, présente de telles difficultés qu'il est presque impossible de la réaliser,

« Émet le vœu :

« Que les Conseils d'Hygiène recherchent d'urgence les moyens propres à rendre possible et pratique, dans les communes rurales, la désinfection des locaux contaminés. »

Communication de M. Lucien GRAUX

Les Arrêtés Municipaux et les Lois sanitaires
des 15 et 19 Février et 7 Avril 1903

La loi des 15 et 19 février 1902 sur la protection de la santé publique est entrée en application, aux termes de son article 34, le 19 février 1903.

Cette loi si longtemps attendue est destinée à remédier à l'insuffisance de notre législation en matière sanitaire, aussi importe-t-il grandement de rechercher ses pensées directrices, ses organisations et ses réformes.

Mais outre qu'un tel examen entraînerait de longs développements, il nous a paru sortir un peu des termes d'une communication; aussi nous bornerons-nous à présenter au premier Congrès international d'assainissement et de salubrité de l'habitation, quelques considérations sur un des points qui nous a particulièrement frappé: les pouvoirs des maires devant la loi.

Antérieurement au texte qui nous occupe, la loi des 16, 24 août 1790 sur l'organisation judiciaire, avait confié aux corps municipaux le soin de veiller à la salubrité des villes et villages: son article 3, titre X, était ainsi conçu :

«Art. 3. Les objets de police confiés à la vigilance et à l'autorité des corps municipaux sont:

« 1o Tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques; ce qui comprend le nettoiement, l'illumination, l'enlèvement des encombrements, la démolition ou la réparation des bâtiments menaçant ruine, l'interdiction de rien exposer aux fenêtres ou autres parties des bâtiments qui puisse nuire par sa chute, et celle de rien jeter qui puisse blesser ou endommager les passants, ou causer des exhalaisons nuisibles;

<«< 5o Le soin de prévenir par des précautions convenables, et celui de faire cesser par la distribution des secours nécesssaires, les accidents et fléaux calamiteux, tels que les incendies, les épidémies, les épizooties, en provoquant aussi, dans ces deux derniers cas, l'autorité des Administrations de département et de district. »

Il y avait lieu d'espérer dès lors, que les pouvoirs locaux s'acquitteraient avec zèle de leurs devoirs et que les mesures qu'ils ordonneraient seraient suffisantes pour assurer le respect des prescriptions de la santé publique.

Déjà l'art. 50 de la loi du 14 septembre 1789 avait défini ainsi les fonctions du pouvoir municipal : « les fonctions propres du pouvoir municipal sont de faire jouir les habitants d'une bonne police, notamment de la propreté, de la salubrité, de la sûreté et de la tranquillité des rues, lieux et édifices publics. »

Telle avait été l'espérance et disons mieux la volonté du législateur. En veut-on une preuve? Lorsque l'insuffisance des logements, leur insalubrité détes table appelèrent l'attention des hommes d'État, des philanthropes et des économistes, on estima que les lois de la période révolutionnaire étaient insuffisantes pour assurer la salubrité des maisons, et sur l'initiative de M. Melun (du Nord) fut promulguée la loi du 13 avril 1850 sur les logements insalubres. Tout au contraire le législateur belge, continua à faire l'application des textes de 1789 et 1790 et l'assainissement intérieur des habitations fut assuré d'une manière très efficace, beaucoup plus efficace même que chez nous, puisque la loi de 1850 emportait reconnaissance de l'insuffisance de la législation préexistante, et qu'elle contenait un certain nombre de limitations que ne connurent jamais les législateurs belges.

Ce n'est pas tout, la jurisprudence des tribunaux vint réduire encore la portée des dispositions que nous venons de rappeler; si par mégarde un maire voulait faire son devoir, il était bien vite ramené à l'interprétation étroite des textes par des jugements et des arrêts impératifs.

Tout d'abord le maire ne peut intervenir que dans l'intérieur des maisons puisque, nous l'avons dit, c'est l'apanage de la loi de 1850.

Il ne peut intervenir que lorsque « la salubrité est en cause », et c'est ici que les décisions les plus contradictoires apparaissent. M. Fillassier n'a-t-il pas rappelé un jugement du tribunal de simple police de Paris du 7 février 1885, décidant que l'arrêté d'un maire qui ordonnait à un propriétaire d'alimenter sa maison en eau de source était illégal (1)!

Mais une des limitations les plus désastreuses des pouvoirs des maires, fut sans contredit la règle posée par la Cour de cassation : que, si le maire peut ordonner de faire disparaître les causes d'insalubrité, il ne peut indiquer les moyens à employer pour atteindre ce but.

Or, qui ne voit combien cette restriction brise la concession pre

(1) FILLASSIER. De la détermination des pouvoirs publics en matière d'hygiène Paris, Rousset, 1902.

mière? Combien il est impraticable le plus souvent de remédier à une cause d'insalubrité, si l'on ne peut indiquer en même temps le moyen de la faire disparaître !

Sans doute nous savons ce que l'on répondait :

« Vous portez atteinte à la liberté du propriétaire dans le choix des moyens d'assainissement? Vous portez atteinte à la liberté du commerce, en limitant à quelques-uns les moyens à employer, et vous constituez ainsi, ou vous risquez de constituer un avantage pour quelques inventeurs ou fabricants, au détriment du plus grand nombre. >>

Qui ne voit combien ces objections étaient peu sérieuses?

Devait-il donc être l'objet de tant de ménagements le propriétaire qui exposait ainsi la vie et la santé de ses locataires? Etait-il donc bien nécessaire de se prémunir à l'avance contre un danger imaginaire, en évitant de monopoliser au profit de quelques-uns des mesures édictées dans l'intérêt de tous?

Malheureusement cette décision de la Cour suprême fit jurisprudence et nous n'avions plus dès lors en matière de salubrité que deux catégories: les municipalités incompétentes ou rétrogrades et les municipalités impuissantes.

C'est dans ces conditions qu'est intervenue la loi des 15-19 février 1902 et cette préoccupation avait été si vive que dès l'article 1er, la loi fait appel au pouvoir des maires.

Mais avant que d'examiner les dispositions qu'elle contient, précisons la situation à la veille du jour où elle allait recevoir son exécution.

Les lois de 1789 et 1790 étaient sans effet; en vain, l'article 97 de la loi du 5 avril 1884 sur l'organisation municipale en avait reproduit l'esprit :

La police municipale, dit cet article, a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : 10 Tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques, ce qui comprend le nettoiement, l'éclairage, l'enlèvement des encombrements, la démolition ou la réparation des édifices menaçant ruine, l'interdiction de rien exposer aux fenêtres ou autres parties des édifices qui puissent nuire par sa chute ou celle de rien jeter qui puisse endommager les passants ou causer des exhalaisons nuisibles;

2o Le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique, telles que les rixes et disputes accompagnées d'ameutement dans les rues, le tumulte excité dans les lieux d'assemblée publique, les attroupements, les bruits et rassemblements nocturnes qui troublent le repos

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