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suma ses loisirs de débutant dans la fréquentation des Sociétés savantes et l'exercice d'une philanthropie peu lucrative. Admis le 7 avril 1815 dans les rangs de la Société de Médecine pratique, sur la présentation de Chaussier (1), il entrait le 7 janvier 1817, au Cercle médical, ci-devant Académie de Médecine de Paris (2). D'autre part, un arrêté du Bureau de charité du Xe arrondissement l'appelait en 1817, à « donner des soins gratuits aux pauvres » (3); enfin, en 1820, il était nommé chirurgien-adjoint du 5o dispensaire de la Société philanthropique, en attendant d'y succéder en 1822, comme titulaire, à Marjolin. Ces fonctions lui avaient ouvert, dès le 14 août 1820, les portes de la Réunion médicale des dispensaires de la Société philanthropique de Paris (4).

Notre homme trouva bientôt dans les carrières administratives des avantages plus appréciables: entré dans le service pénitentiaire en 1818 comme médecin de Sainte-Pélagie (5), il en devenait, en 1826, médecin honoraire, pour succéder à feu le Dr Dosmont, en qualité d'adjoint au chirurgien en chef des prisons (6). En 1827, un arrêté du ministre de l'Intérieur le nommait inspecteur-adjoint des bains de Luxeuil (7). Mais Piron refusa une mission qui l'éloignait de Paris.

Sa situation professionnelle était devenue assez

(1) Dipl. de membre associé résident du 7 avril 1815, signé Chaussier, président, Giraudy, secr. perpétuel. Les séances avaient lieu à l'Oratoire. (2) Dipl. de membre résidant, du 16 janvier 1817, signé Fouquiers président, Portal, vice-prés. (Cf. R. Pichevin, La première Académie de Médecine de Paris (1804-1819), Bull. de la Société française d'Histoire de la médecine, t. XII, 1913, p. 196-231.)

(3) Arrêté du 16 avril 1817.

(4) Dipl. du 14 août 1820, signé Tatti (?), prés., Guilbert, secr. général Bourgeoise, trésorier.

(5) Arrêté du préfet de la Seine, de Chabrol, du 9 octobre 1818. Piron succédait au Dr Léveillé, avec 1200 fr. de traitement.

(6) Arrêté du conseiller d'Etat préfet de la Seine Delavau, du 24 mars 1826. Le traitement était de 1000 fr.

(7) Arrêté du ministre Corbière, rendu le 14 mars 1827 sur la proposition du préfet de la Haute-Saône, conformément à l'art. 3 de l'ordonnance du 18 juin 1823 sur les eaux minérales.

brillante (1): l'appui d'un vieux médecin du X® arrondissement, le Dr Marquais, l'avait poussé dans le monde, et,dès 1820, notre débutant comptait une assez belle clientèle dans la Société du faubourg St-Germain.

Le vicomte de la Bourdonnaye ne dédaignait point de se déclarer, «< avec un parfait attachement », son << très humble et obéissant serviteur », et joignait au montant de ses honoraires, en << témoignage de [sa] reconnaissance », une « bagatelle bagatelle » qui avait bien son prix. Piron avait ses entrées chez les SaintAldegonde et chez la duchesse de Charost; il soignait leur sœur et belle-sœur, la comtesse de Béarn, Pauline de Tourzel; et sa fille Alix, et son fils Hector. Piron était devenu l'homme de confiance de la famille: lorsqu'Hector de Béarn partit, en 1828, pour suivre, en qualité d'attaché militaire à l'état-major moscovite, les opérations de la guerre turco-russe, c'est à sa sollicitude qu'il abandonna sa mère et ses enfants (2).

Et quand une maladie de la comtesse de Béarn retenait à son chevet sa fille Alix, c'est Piron qui recevait les confidences alarmées de la duchesse de Tourzel douairière (3), toute affairée d'excuser auprès de « Madame la Dauphine », l'absence de sa dame d'honneur ! (4)

(1) Piron figure sur l'Almanach Royal de 1830 en qualité de médecin consultant du collège Sainte-Barbe (p. 859).

(2) Le comte Louis-Hector de Béarn fut décoré par le tzar Nicolas Ier, de la croix de Saint-Wladimir pour sa conduite à l'assaut de Varna. La guerre terminée, il s'attarda quelque temps en Russie. Le 15 février 1830, il écrivait de Pétersbourg au docteur Piron: « Je viens de faire à Moscou un voyage qui m'a fort intéressé. Depuis, nous sommes ici dans les fêtes et dans les bals qui pleuvent de tous côtés. Les ambassadeurs Turcs qui sont arrivés, assistent à tout cela avec un étonnement et une curiosité bien concevables. Je vous avoue que pour ma part je soupire après la fin de toutes ces joies qui n'en sont pas pour moi. Je désire le Carême qui verra peut être nos adieux à ce pays que j'aime certainement, mais que j'aimerais encore mieux voir d'un peu plus loin. L'Empereur est cependant plein de bontés pour nous. Il n'est occasion de nous faire une amabilité qu'il ne saisisse avec empressement; demain encore il nous donne à diner et à tout ceux qui ont fait la campagne avec lui, » (3) Louise-Elisabeth-Félicité-Françoise-Armande-Anne-Marie-JeanneJoséphine de Croy d'Havré, duchesse de Tourzel (1749-1882).

(4) Au mariage d'Alix, ma fille, dit la comtesse de Béarn (Madame la Dauphine], me donna une nouvelle marque de cette bonté : quoique le

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Quelque flatteuse que fût la clientète des douairières, elle était un peu solennelle et nécessitait quelque diversion en 1823, une place de médecin s'étant trouvée disponible au théâtre de l'Opéra-Comique, Piron fit appuyer sa candidature dans les bureaux de la Maison du Roi et Monseigneur le duc d'Aumont, premier gentilhomme de la Chambre daigna, en termes tout empreints des traditions de l'ancien régime, lui accorder l'investiture.

Nous, Duc d'Aumont, Pair de France, Premier Gentilhomme de la Chambre du Roi, Lieutenant Général de ses armées, Gouverneur de la Ve Division militaire, chevalier Commandeur des Ordres du Roi, etc., etc.

D'après le rapport qui nous a été fait par le Conseil d'Administration du Théâtre Royal de l'Opéra-Comique sur la mort du Sieur Gault qui laisse vacante une place de Médecin dudit Théâtre.

Vu les titres des divers Candidats qui se sont mis sur les rangs, considérant que le Sieur Camille Piron a des droits qui militent en sa faveur, puisque depuis plusieurs années il remplit avec zèle les fonctions de médecin du Théâtre quoique depuis 1823, il ait cessé d'en avoir le titre par suite d'une réforme qui a eu lieu parmi les médecins attachés au théâtre à l'époque où la Commission Royale administrait l'OpéraComique, avons arrêté et arrêtons ce qui suit:

ARTICLE PREMIER

Le Sieur Camille Piron médecin des prisons du département de la Seine est nommé l'un des médecins du Théâtre Royal de l'Opéra-Comique.

ARTICLE 2

Le Directeur est chargé de l'exécution du présent arrêté dont ampliation a été adressée par nous au Sieur Camille Piron.

Donné à Paris, le 8 février 1828.

Le Duc d'AUMONT.

nombre de ses dames fût fixé et complet, elle donna une place à ma fille En m'annonçant cette grâce elle me dit que ma fille me suppléerait toutes les fois que j'en sentirais le besoin. » (Comtesse de Béarn, Souvenirs de quarante ans, 1789-1830, nouvelle édition annotée par la comtesse de Béarn, Paris, Sarlit, 1868, in-8°, p. 232-233). Alix de Béarn, avait épousé le comte de Villefranche.

II

On sait quel triste réveil attendait cette Société joyeuse qui, la veille encore, dansait de si bon cœur sur le volcan. Pendant les « trois glorieuses », le Dr Piron courut où le devoir l'appelait. Quelques polytechniciens, tout noirs encore du feu des barricades, ainsi que le professeur Roux, se portèrent garants de son zèle (1) et la Monarchie libérale ne se montra point ingrate.

Précisément, l'un des protecteurs de Piron, le Maréchal Soult, venait d'arriver au ministère; et notre homme l'ayant fait pressentir au sujet de quelques places vacantes dans le service médical de l'Ecole polytechnique, reçut un beau jour cette encourageante missive (2).

MINISTÈRE DE LA GUERRE

CABINET DU MINISTRE

MONSIEUR,

Paris, 26 novembre

Il est probable que les médecins actuellement à l'Ecole polytechnique vont être remplacés. Il ne doit d'abord en rester qu'un à la fois médecin et chirurgien, et M. Gautier de Claubry qui occupait cet emploi est si mal vu des élèves qu'il ne pourra vraisemblablement pas y rester. Pour vous y nom

(1) « Je soussigné, chirurgien en chef adjoint de l'hôpital de la Charité, professeur à la Faculté de médecine, etc., certifie qu'il est à ma connaissance que Monsieur le Docteur Piron, après m'avoir secondé audit hôpital de la Charité pendant la journée du 28 et celle du 29 juillet, s'est transporté avec d'autres personnes dans les ambulances voisines de Saint-Germaih l'Auxerrois pour donner des soins aux blessés.

Paris, le 5 août 1830.

P.-J. Roux.

« Nous, soussignés, élèves de l'Ecole polytechnique certifions que le Docteur Piron s'est, dans les journées de trouble porté avec tout le zèle possible dans toutes les ambulances où son secours a été réclamé. Ce 7 août 1830.

SOLIGNAC. L. SUSANE, FERRI PISANI.

Blessé à la caserne de Babylone, j'ai été dès le jour même et suis encore soigné par le Docteur Piron, avec le plus grand zèle.

E. DOUVRIER,

Élève de l'École polytechnique. »

(Documents d'archives particulières).

(2) Piron habitait alors 26, rue des Saints-Pères.

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