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de leur état d'engourdissement, que déjà elle nous fournit dans ses jeunes pousses un aliment très recherché comme primeur ; cuites et mangées comme les asperges, ces pousses sont agréables au goût, mais laissent une légère àcreté à la gorge, àcreté due à un principe que je ferai bientôt connaître.

La plupart des personnes qui font usage des jeunes pousses comme aliment ne sont nullement incommodées de cette légère âcreté; cependant j'en connais une qui, chaque fois qu'elle fait usage de ce légume, est atteinte d'une irritation violente de cet organe.

Indépendamment de ses jeunes pousses que le houblon nous fournit, on retire de ses tiges, macérées dans l'eau, une filasse grossière, analogue à celle du chanvre et avec laquelle on fabrique d'assez bonnes cordes. Il est à regretter que nos cultivateurs ne cherchent pas à utiliser cette partie de la plante qu'ils rejettent comme inutile, et qui cependant pourrait fournir au commerce un produit de plus. Tous les bestiaux recherchent cette plante; ses feuilles et ses sarments choisis jeunes, forment pour eux une bonne nourriture.

Enfin tout le monde sait l'emploi que l'on fait dans le nord de l'Europe de ses fruits ou cônes pour assaisonner la bière et empêcher qu'elle n'aigrisse; appliqué à cet usage le houblon doit être mis au rang des plantes de grandes cultures les plus intéressantes. M. Richard rapporte qu'en Angleterre on se sert quelquefois de petits coussins remplis de ces fruits, que l'on place sous la tête des malades fatigués par une longue insomnie. Il est rare, dit-il, que ce moyen n'amène pas un état de calme et un sommeil réparateur. La propriété nar– cotique des cônes du houblon fait qu'ils sont encore employés intérieurement en médecine, soit en décoction soit en infusion, mais cette propriété ne se fait sentir que quand on

en fait usage en grande quantité; ainsi beaucoup de personnes éprouvent, après avoir bu plusieurs verres de bière une envie de dormir insurmontable. Mais dans la décoction ou l'infusion que l'on prépare avec un ou deux gros de cônes, cette action stupéfiante est presque inappréciable.

La partie de la plante qui fut l'objet principal des recherches des chimistes, est cette poussière jaunâtre, dorée, résiniforme, aromatique et amère, qui se rencontre sur les bractées foliacées, velues, qui constituent des espèces de cônes à l'époque de la maturité du fruit. Cette poussière fut d'abord étudiée par M. le docteur Saint-Yves de New-York, qui la nomma lupuline. Les recherches de MM. Chevallier et Payen ont démontré (Journal de pharmacie, VIII, 209) que cette substance est un composé de résine, d'huile volatile, d'un principe amer, de gomme, de matière extractive, de matière grasse, etc.

MM. Lebaillif et Raspail, qui ont les premiers examiné cette substance au microscope, l'ont trouvée composée de globules remplis d'une matière jaune, et sous ce rapport ils ont signalé son analogie avec le pollen des étamines. D'après plusieurs essais, la lupuline paraît être surtout le principe actif du fruit du houblon.

Jusqu'ici, que je sache, il n'a point été fait de recherches chimiques à l'effet de s'assurer des principes qui se trouvent dans les jeunes pousses; le désir d'isoler celui qui cause cette âcreté à la gorge, m'en a fait entreprendre l'analyse. Mon intention n'ayant été que d'isoler les principes sans m'attacher à en déterminer la quantité, je me bornerai à les signaler.

Je pris des turions de houblon, que je lavai à l'eau froide pour les débarrasser de la terre qui y adhérait et je les mis à égoutter pendant une demi-heure; après ce temps ils furent traités dans un mortier de marbre et mis à la presse pour en

extraire le suc par les moyens ordinaires. Le suc en s'écoulant était clair, légèrement jaunâtre, d'une odeur particulière, d'une saveur douce, légèrement sucrée ; il rougissait le papier bleu de tournesol; essayé par une solution de persulfate de fer, il passa au noir bleuâtre. Peu d'instants après que le suc est obtenu il devient trouble, une légère fermentation s'établit avec formation d'écume à la surface, tandis qu'il se forme un précipité assez volumineux. Je laissai la réaction continuer pendant vingt-quatre heures, je filtrai ensuite pour séparer la partie liquide.

A. Examen de la partie liquide.

La partie filtrée était claire, d'une teinte légèrement jaunâtre, de la même odeur et saveur que précédemment. Même action sur le papier de tournesol. Elle fut exposée à une température de 70 à 75o pendant une heure environ; l'albumine s'étant coagulée fut séparée par la filtration ; puis le liquide fut évaporé au bain marie jusqu'en consistance sirupeuse; traité par l'alcool il donna un précipité de nature gommeuse et extractive. Pendant l'évaporation on remarquait çà et là surnageant, un liquide de couleur jaune brunâtre, d'apparence huileuse, d'une odeur assez forte, qui rappelle bien celle du savon blanc ranci ; ce liquide fut enlevé avec soin pour être examiné. La solution alcoolique était jaune paille, après vingt-quatre heures elle était claire; elle fut séparée du précipité seulement par décantation et soumise à une évaporation spontanée; après quelques jours on remarquait une foule de petits cristaux qui tapissaient les parois de la capsule; je les considérai de prime abord comme du sucre cristallisé, vu l'abondance du principe sucré ; pendant l'évaporation il s'était encore déposé sur les parois de la capsule de la matière gommeuse.

B. Examen de la matière restée sur le filtre.

Elle fut abandonnée pendant quelques jours sur le filtre pour faciliter la sortie de la partie liquide; de grise qu'elle était au moment de sa précipitation, elle passa au rouge vineux par son exposition à l'air, coloration qui est due, sans nul doute, à un principe qui se modifie par l'action de l'air, comme on a lieu de le remarquer pour quelques matières colorantes. Dans une autre circonstance, j'ai encore eu l'occasion d'observer ce fait de coloration, mais avec moins d'intensité. Un jour ayant mis à part de l'eau dans laquelle on avait fait bouillir des jeunes pousses de houblon, je remarquai après douze ou quinze jours, qu'elle avait acquis une belle couleur rose, coloration que j'avais attribuée à l'influence du chlorure de sodium, que l'on met d'habitude pour cuire à l'eau les légumes. La matière restée sur le filtre, jouissait à un haut degré de l'odeur de la substance huileuse déjà signalée, sa saveur était légèrement sucrée; elle fut traitée à plusieurs reprises et pendant plusieurs jours par de l'alcool à 0,837 de densité; ce dernier lui enleva le principe sucré et celui d'apparence huileuse; la partie qui est restée inattaquable par l'alcool était sans saveur et sans odeur; exposée pendant plusieurs jours au contact de l'air, elle s'était durcie et présentait la consistance d'une matière cornée; enfin, après un contact plus prolongé elle était noircie et devenue friable, elle résista à l'action de l'éther, et fut légèrement attaquée par l'acide acétique concentré et la potasse caustique; brûlée sur les charbons dans un tube de verre, elle donna des produits ammoniacaux. D'après ces caractères, je pus la considérer comme composée en grande partie d'albumine insoluble; je n'y ai point constaté la présence du principe amylacé.

C. Examen de la substance cristalline.

La substance cristalline qui fut remarquée pendant l'évaporation de l'alcool fut encore retrouvée dans une partie du suc qui avait été débarrassée par la chaleur de toute l'albumine; cette partie fut rapprochée par évaporation et abandonnée à elle-même pendant quelques jours; il s'y était formé un précipité cristallin qui fut séparé par filtration; la partie filtrée avait une saveur acide et sucrée; l'acide fut séparée par l'acétate neutre de plomb; j'obtins un précipité qui, lavé et décomposé par une quantité suffisante d'acide sulfurique, m'a présenté un produit qui offrait les caractères de l'acide malique. Ce qui était resté sur le filtre fut lavé avec une petite quantité d'eau, ensuite réuni aux cristaux obtenus pendant l'évaporation spontanée de la solution alcoolique. Ils furent redissous dans une suffisante quantité d'eau, la solution subit une légère évaporation, puis fut abandonnée pour la laisser cristalliser.Les cristaux sont durs, blancs, d'une limpidité parfaite, leur forme cristalline est celle du rhomboèdre; quelques cristaux se sont présentés sous la forme du prisme hexaèdre ; ils sont sans odeur, saveur presque nulle, solubles dans environ soixante fois leur poids d'eau, moins solubles dans l'alcool à 0,852 de densité; réduits en poudre et placés sur du papier de tournesol préalablement mouillé à l'eau distillée, ils le rougissent immédiatement; la solution aqueuse traitée par une solution de chlorure de barium, d'acétate neutre de plomb et de proto-sulfate de fer, n'a offert rien de bien remarquable. Brûlés dans un tube de verre à la lampe à alcool, ils dégagent presque aussitôt une odeur fortement ammoniacale; le papier de tournesol rougi plongé dans le tube est ramené immédiatement au bleu; ils laissent un résidu carboné qui

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