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tion des lois; tantôt il embrasse tous les pouvoirs supérieurs concentrés ou divisés, exercés par une seule personne ou par plusieurs ; tantôt enfin il devient presque synonyme du mot constitution, et s'applique non à l'exercice des pouvoirs, mais au système de leur organisation. N'ayant ici nul besoin de le définir avec une précision rigoureuse, nous lui laisserons la signification la plus étendue possible: il représentera la puissance suprême, en tant qu'elle se compose de la loi fondamentale de l'état et des lois particulières, et des volontés quelconques qui font, exécutent et appliquent toutes ces lois. Si, comme le le titre de ce parasuppose graphe, cette puissance suprême donne les garanties individuelles et les rend inviolables, il n'est pas nécessaire de s'enquérir d'où elle vient, comment elle s'est établie, formée, construite organisée. L'effet étant si bon, la cause, quelle qu'elle soit, est excellente; le but de la société est rempli. L'absence ou l'imperfection de ces garanties est la seule critique raisonnable à faire d'un gouvernement quelconque ; et celui qui échappe à ce reproche, n'en peut mériter aucun qui soit de quelque importance.

Mais, pour qu'un système politique atteigne ce but, n'y a-t-il pas certains élémens, cer

taines combinaisons qu'il doit indispensablement offrir? Oui, sans doute, et nous avons déjà fait remarquer trois institutions sans lesquelles il nous paraît impossible qu'il existe. La première est celle du jury, c'est-à-dire, l'intervention de citoyens appelés, comme personnes privées, à vérifier les faits qui constitueraient des délits ou des crimes. La seconde consiste dans l'inamovibilité et la parfaite indépendance des juges; la troisième, dans une assemblée de représentans dont le consentement soit nécessaire à l'établissement de tout impôt, à l'ouverture de tout emprunt, à la promulgation de toute loi nouvelle. Mais cette troisième institution en présuppose une autre; savoir, l'élection libre, régulière et périodique des représentans par tous les véritables actionnaires de la société.

Les conditions requises pour l'exercice du droit de cité sont à déterminer d'après des circonstances propres à chaque pays et à chaque population. Mais les modes et les procédés des élections étant une fois réglés par la loi, l'influence quelconque que les ministres du pouvoir suprême prétendraient exercer sur le choix des représentans, détruirait immédiatement toutes les garanties individuelles, En ef

fet, il s'agit d'une chambre à former dans l'intérêt des gouvernés, point du tout dans celui des gouvernans, si ceux-ci ont le malheur d'en avoir un qui leur soit propre. Or ils ont et ils annoncent qu'ils ont quelque intérêt antinational, dès qu'ils se mêlent des élections publiques: tout est dit lorsque leurs intrigues ont du succès, on est sorti de l'hypothèse à laquelle nous avons consacré ce paragraphe, il n'y a plus rien d'inviolable; les électeurs qui ont bien voulu subir cette influence ministérielle, méritent tous les maux qui ne manquent pas leur en advenir.

de

L'examen des projets de loi, dans leurs rapports avec les garanties individuelles, voilà la principale et presque l'unique fonction d'une chambre de représentans. Sous le système monarchique, il convient que cette chambre, peu jalouse d'exercer aucune initiative, n'accueille qu'avec infiniment de réserve les propositions nées dans son sein. Si, au lieu d'approuver ou de rejeter les projets que le gouvernement lui présente, elle se plaisait à les modifier, si elle délibérait sur des amendemens ou des articles additionnels que n'aurait point expressément adoptés le pouvoir au nom duquel ces projets lui sont apportés, on ne devrait attendre d'elle

que de fort mauvaises lois, et de fort médiocres services en ce qui concerne les garanties, objet essentiel de son institution.

Quoiqu'il puisse paraître indifférent de dire qu'une assemblée représentative fait partie ou ne fait pas partie d'un gouvernement, il est beaucoup plus exact de l'en distinguer : elle en est la limite extérieure: elle tient la place de tous les gouvernés; et, si elle est organisée de telle sorte qu'elle les représente en effet, nonseulement elle épouse leurs intérêts communs, mais ces intérêts sont les siens propres. Elle ne gouverne point, n'empêche point de gouverner, elle empêche d'opprimer. Par l'hypothèse, les garanties existent et ne sont pas violées encore. Comment le seront-elles? Ce ne sera ni par des lois, puisque la chambre des représentans y mettrait obstacle; ni par d'autres actes arbitraires, puisque rien, dans les lois, ne les autoriserait, puisqu'il y aurait des jurés et des juges indépendans, puisqu'enfin, si besoin était, l'assemblée représentative refuserait l'impôt à un gouvernement qui voudrait devenir

oppresseur.

Nous ne prétendons point assurément qu'à d'autres égards il n'y ait pas des manières plus ou moins heureuses d'établir, de combiner, et d'a

nimer les pouvoirs politiques : ces questions ne sont pas de notre sujet. Mais nous sommes persuadés que, par le concours des conditions qui viennent d'être exposées, les garanties individuelles pourraient demeurer intactes, et que, ce point obtenu, on aurait un gouvernement déjà si bon qu'il y aurait de la folie à ne pas le soutenir, et qu'il serait même difficile, peut-être impossible de l'ébranler.

Les seuls abus essentiels et tenaces sont ceux qui compromettent les propriétés, la sûreté et la liberté des personnes. Tous les autres sont des imperfections plus ou moins inséparables des choses humaines, et que d'ailleurs un gouvernement n'a aucun intérêt à perpétuer quand il n'en prend point à violer les garanties. C'est de lui, plus que de qui que ce soit, qu'on peut espérer l'amélioration de tous les détails dont se composent les lois et l'administration : lui seul peut bien sentir et bien apprécier ce qui manque, ce qui est superflu, ce qui retarde, ce qui embarrasse. Sur de tels points, son expérience est la plus vive et la plus sûre des lumières. Toutes les notions relatives à ce qui ne se fait point assez bien et aux moyens de mieux faire, il les possède ou les appelle à lui dès qu'il lui plaît. Pourvu qu'il ne dispose pas des affaires

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