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au génie, au talent, au courage et à l'exécution de toute entreprise utile. »

M. de Laborde entend aussi par esprit d'association, l'union des hommes studieux qui consacrent leur temps, soit à répandre les connaissances utiles, soit à les perfectionner, à les approfondir, et qui trouvent dans leurs sociétés ces lumières, ces conseils que ne peuvent procurer ni la contemplation, ni l'étude. Il entend, en outre, par cet esprit, les réunions pour les œuvres de bienfaisance.

M. de Laborde considère le travail comme le principal objet de l'esprit d'association, et il ne voit que dans le travail le moyen de réparer les pertes que la France a faites depuis quelques années. « Le principe de la société et son éternel mobile, dit-il, ont été de tout temps méconnus en France; chacun les plaçait dans ses intérêts ou dans ses passions, tandis qu'ils n'existent que dans un seul intérêt, une seule passion, le travail, le travail éclairé, libre, assidu. Ce créateur de tous les biens, de toutes les richesses, à qui tout devrait être sacrifié, ne se contente pas d'une protection générale, souvent passagère ; il lui faut, pour se développer, des combinaisons secondaires plus près de lui, plus d'accord avec les lois qui le régissent;

il a besoin de protecteurs et de guides, de modèles et de soutiens; il faut qu'il soit éclairé pour donner à son action tout son effet, et qu'il soit tranquille et libre pour acquérir les lumières nécessaires à son action.

«< Des milliards viennent d'être absorbés par les guerres, les invasions, les mauvaises récoltes; d'autres milliards sont encore demandés pour les engagemens anciens, pour des charges nouvelles, et personne ne pense à l'unique moyen de réparer ces pertes affreuses. De beaux discours se prononcent aux tribunes sur des questions incidentelles, et le cultivateur est occupé à rebâtir nos ruines et à demander de nouveaux produits à nos tristes sillons.

>> Oh! qu'ils acquerront de véritables droits à la reconnaissance des peuples, les magistrats habiles et zélés qui tendront à ces malheureux une main secourable, non en répandant parmi eux d'inutiles aumônes, toujours insuffisantes, quelque considérables qu'elles soient, mais en établissant des institutions favorables au travail, à la propriété, au crédit public, au mouvement des capitaux, aux communications faciles, aux entreprises quelconques utiles au bien-être des hommes; qui feront en un mot que tous les habitans du pays seront mieux nourris,

mieux vêtus, plus tranquilles, plus contens. »

On voit clairement ici quel est le but de M. de Laborde. Le moyen qu'il propose pour atteindre ce but est de laisser prendre à l'esprit d'association tout le développement dont il est susceptible, et de souffrir qu'il utilise les moyens qui sont à la disposition de chacune des personnes qui veulent faire partie de la so

ciété.

Le nombre des personnes qui se réunissent pour former une association ne change pas la nature de la société. Les choses que les associés mettent en commun, et les avantages qu'ils se proposent de recueillir ne la changent pas davantage. Il suffit pour que l'association doive être maintenue qu'elle n'ait rien d'illicite ou d'attentatoire aux droits ou à la sûreté d'autrui.

Il est impossible que dans une association le nombre des associés soit au dessous de deux; mais en parlant de ce nombre, on peut graduellement s'élever sans qu'il soit possible d'arriver à un terme où la multitude des associés rende l'association impossible.

Plus des intérêts se trouvent rapprochés, plus l'association devient profitable, plus elle est nécessaire. La première des associations, est celle du mari et de la femme. Viennent ensuite celles

qui se forment entre des particuliers pour leurs affaires personnelles. Après celles-ci, les plus utiles et même les plus nécessaires sont celles des habitans d'un ou de plusieurs villages entre eux, ou celles des habitans d'une même ville. Les associations entre le habitans d'une province tiennent le troisième rang. Celles entre les habitans d'un même état ou d'un même territoire ne tiennent que le quatrième. On pour rait mettre au cinquième, celles qui se formeraient entre les divers peuples du globe.

Il ne peut y avoir d'association que là où il se trouve des intérêts communs, et l'on doit remarquer que plus les intérêts sont généraux ou éloignés, moins le besoin de s'associer se fait sentir. Une famille ne pourrait vivre s'il n'y avait aucune association ou aucune communauté d'intérêts entre ses divers membres; et l'espèce humaine retomberait dans la barbarie si les particuliers ne pouvaient jamais mettre leurs moyens ou leurs efforts en commun pour leur utilité commune. Il est également évident que les habitans d'un village ou d'une ville ont plus besoin de s'associer entre eux pour leurs intérêts communs, que les habitans d'une province royaume. Avant que d'avoir des places fortes, des ports de mer, des grande routes,

ou d'un

des arsenaux, des armées, des universités, des chanoines ou des archevêques, il est nécessaire d'avoir de l'eau pour boire, des chemins pour cultiver ses champs, des gardes champêtres pour les préserver des voleurs, des maîtres d'école pour apprendre à lire ou à écrire, et des curés ou des ministres pour les premiers besoins du culte. Or, il est impossible qu'il soit bien pourvu à ces intérêts, si pour les régler, les habitans des villages ou des villes ne peuvent pas se former en communauté ou en communes. Chaque habitant ne peut pas avoir à lui seul sa fontaine, son chemin, son garde, son maître d'école ou son curé. Les intérêts des provinces doivent passer avant les intérêts plus généraux de l'état; et ceux-ci doivent passer avant ceux qui sont encore plus généraux.

Lorsque les habitans d'un ou de plusieurs villages ou ceux d'une ville forment une société pour pourvoir à leurs besoins communs, leur association prend le nom de communauté on, de commune. Lorsque ce sont les habitans d'une province qui s'associent ainsi, la réunion de leurs mandataires prend en général le titre d'assemblée provinciale; et lorsque ce sont les habitans de plusieurs provinces réunies qui s'associent pour leurs intérêts généraux, l'as

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