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D'UN LIVRE IMPRIMÉ A BAMBERG

EN CIOCCCCLXII, PAR ALBERT PFISTER,

Et contenu dans un volume arrivé à la Bibliothèque nationale au mois de pluviose an 7,

Par le citoyen A. G. CAMUS.

Lu le 23 germinal an 7.

I. Motifs qui déterminent la publication de cette

notice.

LA ▲ rareté singulière d'un volume inconnu à tous les bibliographes jusqu'en 1792, seul exemplaire complet qui soit connu en ce moment; l'impatience avec laquelle il étoit attendu à la Bibliothèque nationale; l'importance dont il est dans les annales et l'histoire de la typographie, m'ont déterminé à l'examiner aussitôt que j'ai su qu'il étoit entre les mains des conservateurs de la Bibliothèque, et à interrompre d'autres recherches (a) pour donner

(a) L'examen des Bibles latines sans date imprimée, mais qu'on juge être sorties de la presse dans le quinzième siècle, de 1450 à 1500; leur comparaison entre elles et avec les bibles latines de Mayence, de 1462 et de 1472; la notice sommaire des autres bibles

latines du quinzième siècle. Il me paroit indispensable de commencer par éclaircir cette partie très-confuse encore, ne fût-ce que par la multitude des écrits publiés sur cet objet, avant de me livrer à écrire l'hist. de la typo-, graphie, et à exposer les procédés de cet art.

sur-le-champ la description de ce volume. J'ai pensé que la classe entendroit avec intérêt les détails relatifs à un livre de la plus grande rareté parmi les monumens typographiques ; et que le public, soit en France, soit chez l'Étranger, verroit avec satisfaction que la République, lorsqu'elle rassemble dans ses musées les monumens précieux, met à les faire connoître au monde savant un empressement égal aux soins qu'elle apporte à les recueillir.

II. Description générale du volume.

LE volume que j'entreprends de décrire est un petit in-fol. de 3.04 décimètres de hauteur, sur 2.08 déci mètres de largeur, composé de cent un feuillets d'un papier de bonne qualité, de force et de blancheur moyennes. On y distingue les verjures et les pontuseaux; et de plus le papier est en quelque manière rayé, paroissant alternativement plus épais et plus gris, plus mince et plus blanc, par intervalles de trois à quatre millimètres. La marque est par-tout la tête de bœuf; mais elle varie de trois manières différentes, ainsi qu'on le voit dans le dessin que j'en ai fait tirer. La couverture est en bois, garnie d'agrafes portées par des lanières, d'encoignures à bossages, et d'un autre bossage sur le milieu du plat du livre, le tout en cuivre. La peau qui recouvre le bois est de mouton teint en rouge: cette peau n'est certainement pas la première dont le livre ait été couvert. La partie des agrafes qui est attachée au plat

du livre porte trois ou quatre lettres gothiques ciselées. en relief. Un morceau de ces agrafes a été coupé dans une pièce plus grande, et il ne seroit pas impossible que ce fussent des restes de planches de cuivre gravées en relief, qui auroient servi à des essais d'impressions.

Des cent un feuillets du volume, trois sont demeurés blancs; savoir, deux dans le corps même de l'ouvrage, aux lieux que j'indiquerai par la suite, et le troisième à la fin du volume. Les quatre-vingt-dix-huit autres feuillets sont imprimés, c'est-à-dire couverts, soit en entier, ou d'une estampe gravée en bois, ou de caractères; soit en partie d'une estampe, et en partie de caractères. Les pages imprimées entièrement en caractères, sans estampe, sont de vingt-huit lignes. Les lignes sont de la largeur de la page; elles ne sont pas distribuées par colonnes.

Le caractère est ce que l'on appeloit, dans le langage de ce temps, caractère de missel; on l'a appelé depuis caractère gothique, et fracture dans les imprimeries d'Allemagne. Les lignes que j'ai fait graver peindront exactement aux yeux sa forme et sa grandeur. Le seul signe de ponctuation dont on ait fait usage est le point carré, placé de manière que deux de ses angles se trouvent dans la ligne perpendiculaire, et les deux autres dans la ligne horizontale. On voit un pareil point placé au milieu du corps de l'H, du D et de l'U capitales. Sur la lettre I ce n'est pas un point, mais une sorte de demi- cercle. La suite des mots qui se trouvent coupés d'une ligne à une autre, est annoncée le plus souvent par deux traits

obliques, quelquefois par un seul. L'encre est fort noire et extrêmement tenace : je suis persuadé qu'elle ne seroit pas plus facile à enlever que ne l'est l'encre de nos imprimeries. Le foulage n'est pas fort; les lignes ne tombent pas toujours exactement l'une sur l'autre du

verso au recto.

On n'a chiffré ni les feuillets ni les pages; il n'y a point de signatures aux feuilles, point de réclames.

Le volume contient trois ouvrages différens, tous trois allemands, tous trois ayant le texte accompagné d'estampes. Aucun ne porte ni frontispice ni titre général pour en annoncer le sujet.

III. Description particulière du livre des Plaintes

contre la mort.

Le premier ouvrage est celui qu'Heinecke (a) a appelé allégorie sur la mort. Ce titre n'en donne pas une idée juste. C'est un recueil de plaintes contre la mort, et de réponses de la mort aux accusations dirigées contre elle. L'objet moral est de prouver l'inutilité de telles plaintes, et par conséquent, qu'au lieu de s'en occuper, on doit songer à bien vivre.

S. Ier. Estampes.

Ce livret contient cinq estampes de la grandeur entière des pages. Les deux premières n'ont rien d'imprimé

(a) Idée d'une collection complete d'estampes, page 276.

sur le verso du feuillet; les autres estampes ont, au revers, un nombre de lignes d'impression plus ou moins grand.

La première estampe, au premier feuillet, représente la mort sur un trône. Devant elle, un homme avec un enfant paroissent se plaindre que la mort ait enlevé une femme qu'on voit enveloppée dans un linceul, sur une tombe. La seconde estampe, au quatrième feuillet, représente également la mort sur un trône, le même personnage qui lui adresse ses plaintes, et plusieurs autres personnes qui se traînent tristement aux pieds de la mort pour y déposer les attributs de leur dignité à leur tête est un pape fléchissant un genou en terre. Une troisième estampe est au dixième feuillet; mais ce feuillet est imprimé en caractères sur le verso de la page qui porte l'estampe. Ici ce sont deux figures de la mort, dont l'une, marchant à pied, fauche garçons et filles ; l'autre, à cheval, poursuit des cavaliers et leur lance ses flèches. La quatrième estampe est au dix-huitième feuillet. Le verso est imprimé en caractères. Le sujet de l'estampé est divisé en deux parties, l'une supérieure, l'autre inférieure. La partie supérieure représente, comme dans les premières estampes, le plaignant en présence de la mort assise sur son trône : la partie inférieure représente, à gauche, un couvent à la porte duquel'sont deux reli gieux; à droite, un jardin dans lequel sont un arbre chargé de fruits, une femme qui couronne un'enfant, et une autre femme qui converse avec un jeune homme. Dans l'espace entre le couvent et le jardín on voit une

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