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de philosophes et de pères de l'église. On peut consulter sur ce sujet la dissertation intitulée Ochematologia, publiée dans le Museum Bremense.

Tout cela ressemble assez, il est vrai, à la question de la dent d'or (1); mais nous n'avons égard ici qu'à l'opinion de plusieurs peuples de l'antiquité sur l'état des morts. D'après cette opinion, il ne faut pas s'étonner qu'ils offrissent des alimens à des corps auxquels, quoique sans mouvement, ils supposoient que l'ame pouvoit demeurer unie. De là les repas et les sacrifices pour les morts; de là les alimens qu'on renfermoit dans les tombeaux avec eux. Ce qu'il y a de plus étonnant, c'est de voir cette tradition conservée presque jusqu'à nos jours, sans que ceux qui s'y conformoient se doutassent de son origine. Nous avons vu en effet servir des repas somptueux devant les rois de France après leur mort (2), quoique les opinions religieuses reçues alors semblassent s'y opposer: mais la superstition n'y perdoit rien; et malgré la loi suprême de l'égalité, sanctionnée dans cette circonstance par la nature, d'une manière si évidente, le peuple abusé voyoit dans un roi mort quelque chose encore de surhumain !

Le témoignage des auteurs que nous venons de citer,

(1) Quid sit porrò ipse animus, aut ubi, aut unde, magna dissensio est. (Cic. Tusculan. Disp. lib. I, cap. 9.)

(2) Voyez Godefroy, Cérémonial français; Paris, 1629; p. 280 et 417. Claude Guichard, Funérailles et diverses manières d'ensevelir, etc. Lyon, 1581; p. 539.

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relativement aux alimens présentés aux morts, est aussi confirmé par les monumens. On a trouvé dans des tombeaux une grande quantité de vases de l'espèce de ceux qu'on nomme ordinairement étrusques, mais qui sont maintenant reconnus pour être des vases grecs. Le nombre de ces vases dans les tombeaux varie suivant la dignité des personnages à qui appartenoit le tombeau : ils n'étoient point faits pour recueillir les cendres des personnes mortes, puisqu'on les trouve avec les cadavres eux-mêmes; ces vases étoient donc destinés au service des tombeaux. Or quel pouvoit être ce service, sinon de contenir des comestibles et des liqueurs à boire ? Les tombeaux dans lesquels on les trouve sont ordinairement construits de pierre grossière ou de briques, et leur dimension est suffisante pour recevoir un corps et cinq ou six vases, dont un petit est placé près de la tête, et les autres entre les jambes, ou de chaque côté, mais plus souvent du côté droit que du gauche. A Polignano, dans la Pouille, on a ouvert un tombeau qui renfermoit plus de soixante vases, dont quelques-uns d'une grandeur énorme. Le chevalier Hamilton, qui nous a fourni ces détails, a trouvé dans un tombeau deux œufs sur un plat d'airain (1). Dans un autre tombeau, à Paestum, ce savant a aussi trouvé la tête entière d'un sanglier confondue avec des vases et des ossemens humains.

Gori (2) fait mention d'une voûte ou grotte souter

(1) Recueil de gravures d'après des vases antiques. Naples, 1791. (2) Ad Columbar. libert. et serv. Liv. Aug. pag. 92.

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raine qui fut découverte à Volterre, et dans laquelle il se trouva des cases sépulcrales tombant de vétusté qui contenoient de petits pots de terre, des plats, des assiettes, des bassins, des gobelets, des marmites, dont une en bronze; on y trouva aussi, sur des plats à servir les viandes, des os de mouton, de chevreau et de coq.

Sur des bas-reliefs servant d'ornement à des tombeaux (1), on voit des morts couronnés de fleurs; ils tiennent des patères, et sont couchés sur ces lits nommés triclinia, qu'on plaçoit autour des tables à manger. On en voit d'autres absolument nus, à l'exception d'un linge dont ils paroissent ne devoir faire usage que pour prendre les repas qui leur sont destinés (2). Un monument funéraire de ce genre, publié d'abord par Boissard, et ensuite par Montfaucon (3), représente un homme et une femme assis et prenant leur repas. On en connoît repas. beaucoup d'autres représentant de semblables sujets (4), qui, selon quelques-uns, font peut-être allusion à la volupté qu'on goûtoit dans les champs élysées, et aux festins délicieux auxquels participoient ceux qui étoient admis dans ce séjour; ou plutôt, en dernière analyse, ces coutumes ont-elles pour base l'opinion des Égyptiens sur la métempsycose.

Quelle que soit la véritable explication de ces monu

(1) Dempster, de Etruria regali, t. I, p. 39, ad calcem. (2) Ibid.

(3) Antiquité expliquée, t. V, pl. 70.

(4) Montfauc. Antiq. expliq. suppl. t. V, p. 20.

Chandler, Marmora

Oxoniensia, tab. cxxxv. - Boissard, Antiq. rom. t. II, table 126, etc.

mens, toujours est-il certain qu'on trouve fréquemment, dans les tombeaux, de grands et de petits vases, des coupes, des bouteilles, des amphores, dont la destination paroît avoir été de recevoir des comestibles et des liqueurs à boire. Tels paroissent être les vases et ustensiles du tombeau découvert au village d'Annemasse, près Genève.

Déja l'on conservoit dans l'hôtel-de-ville de Genève plusieurs urnes de terre ou amphores remplies de cendres et d'ossemens à demi brûlés (1). Il n'est donc pas étonnant qu'on ait trouvé dans les environs de cette ville un tombeau contenant des ustensiles funéraires, puisqu'on en découvre et qu'on doit en découvrir presque partout où l'on fera des fouilles.

D'ailleurs la ville de Genève étoit considérable sous l'empire romain; on y voit quantité d'inscriptions qui prouvent qu'elle avoit des magistrats, des pontifes, des prêtres, et tout ce qui avoit rapport à la police et à la religion des anciens Romains. L'île du Rhône a une tour antique qu'on croit avoir été bâtie par Jule-César. On découvrit en 1678, au pied de cette tour une inscription par laquelle on invoquoit le dieu Sylvain. On voit dans le lac une grosse pierre qu'on appelle pierre de Neptune; on croit que c'est un autel sur lequel on sacrifioit aux divinités des eaux. Enfin il y a environ soixante ans qu'on trouva dans les environs de cette ville des couteaux et autres instrumens de sacrifice, tous en bronze: d'où l'on peut conclure qu'il doit y

(1) Guenebault, Réveil de l'antique tombeau de Chyndonax.

avoir beaucoup d'antiquités éparses sur le sol de Ge

nève.

Le tombeau trouvé au village d'Annemasse, ainsi que les ustensiles qu'il contenoit, ne sont accompagnés d'aucune inscription, et ne portent aucun caractère qui puisse déterminer l'époque à laquelle il appartient : il ne paroît pas néanmoins que ce monument soit d'une haute antiquité. On observe, dans la description jointe aux dessins qui en ont été communiqués à l'Institut, que le tombeau coupoit le méridien à angle droit; ce qui prouve que l'une des extrémités étoit à l'orient, et l'autre à l'occident. Il resteroit à savoir si, dans cette position, le squelette étoit placé de manière qu'en le supposant se relever, il dût regarder l'orient; car telle est la position que d'anciens peuples ont affectée dans leurs sépultures, à cause du culte du soleil: c'étoit aussi celle des Chrétiens, qui n'étoient qu'une secte de la religion mithriaque, dont l'objet du culte étoit le soleil. Il ne paroît pas cependant que le tombeau dont il s'agit

fût celui d'un Chrétien.

Du reste, les vases et ustensiles qu'il contenoit ne donnent aucune notion nouvelle sur les funérailles antiques, et n'offrent aucune particularité remarquable qui puisse intéresser les arts ou l'érudition. Les plaques de plomb qui ornoient les faces du tombeau sont d'un assez mauvais goût, si on en juge d'après le dessin; elles sont d'un travail qui paroît appartenir au moyen âge.

Quant aux médailles et aux deux statues de bronze

ཉ.

T. 2.

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