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étudié, ne s'était pas maintenu dans les limites d'une calme et convenable discussion: il avait traité d'ignorante la congrégation et qualifié les religieux de stipites cucullatos (souches encapuchonnées). Le second releva le mot avec finesse Sisto vobis, dit-il, judices integerrimi, ex calculo amplissimi rectoris, stipitem non sine prodigio loquentem (1). Tel fut le début mème de la harangue dans laquelle il établit, mais non sans user de représailles, que les monastères avaient renfermé les plus célèbres écoles. Ces longs débats eurent pour résultat immédiat une sentence d'appointement. L'année suivante, mars 1650, un jugement définitif vint supprimer l'union de la cure, tout en maintenant le séminaire (2).

Il avait été arrêté, au chapitre général de 1647, qu'on poursuivrait de nouveau à Rome l'autorisation de continuer indéfiniment dans ses fonctions le supérieur général. Mais, en présence de la malignité qui donnait à la démarche une interprétation défavorable à l'endroit du P. Blanchart, celui-ci avait ordonné au P. Guérin de ne plus s'occuper de l'affaire; et, lorsque le nouveau chapitre général fut réuni, le 13 septembre 1650, on se trouva encore en face de la clause dont depuis longtemps on désirait la modification.

Parmi ceux qui, inclinant à croire à une pensée d'ambition dans le P. Blanchart, s'étaient gardés de se taire, se rencontrait le second assistant, Antoine Sconin. Originaire de La Ferté-Milon, Antoine Sconin avait 20 ans, quand il prononça ses vœux, en octobre 1628. La nature l'avait doué de brillantes qualités; mais, à côté de cela, l'on pouvait remarquer en lui, avec un zèle qui parfois n'était pas exempt de dureté, un esprit personnel, remuant, assez amoureux du changement et, au besoin, réservé

(1) Voici devant vous, ô juges très intègres, suivant l'expression de I illustre recleur, une souche qui, ô prodige! est douée de la parole. (2) Ms. 215, p. 739-741; et ms. 18', p. 20.

jusqu'à la dissimulation. C'est peut-être autant à ses défauts qu'à ses qualités qu'il dut son rapide avancement dans la congrégation. Prieur de Saint-Quentin-lez-Beauvais et visiteur avant d'être assistant, il devait être ensuite supérieur général (1).

Le 14 septembre, dès la seconde séance du chapitre, on procéda à l'élection. Au premier tour de scrutin, les voix se partagèrent. Au second tour de scrutin, Antoine Sconin eut la simple majorité. Mais c'était assez.

Ce chapitre doit être rangé parmi les plus importants à cause des décisions qui y furent prises.

Sur la proposition de Sconin qui voyait dans la rédaction première la consécration d'un gouvernement trop monarchique, et malgré l'avis contraire des PP. Blanchart et Boulart qui s'inspiraient surtout du respect pour la mémoire du P. Faure, on imposa au supérieur général le devoir de n'agir en chose d'importance qu'avec l'assentiment des assistants; et l'on ajouta un assensu au sine consilio du texte primitif. Un registre des délibérations devait faire mention expresse de l'assentiment.

Une autre proposition, dans son premier énoncé, ne froissa pas moins un certain nombre de capitulants: ce fut celle qui avait trait à la division de la congrégation en provinces. Mais, quand on eut bien précisé qu'il ne s'agissait pas de la division si justement condamnée par le P. Faure, mais d'une simple organisation, déjà entrevue comme nécessaire, afin de faciliter l'élection des députés au chapitre général, l'opposition, à peine née, rentra dans le néant. En effet, avec la prodigieuse extension de l'ordre,

(1) Gall. christ., col. 794-795; et ms. 215, p. 582-584.

Deux frères d'Antoine, Charles et Jacques, entrèrent aussi dans la congrégation. Charles fut prieur de la maison de Beaugency. (Notice biograph. sur Jean Racine, par M. P. Mesnard, 1er vol. des OEuvres de J. Racine, Paris, Hachette, 1865, p. 8-9.) Toutefois nous ferons remarquer que deux mss. auxquels M. P. Mesnard renvoie, ne sont pas bien cotés: il fallait écrire : ms. fr. H. 2223 et 2221, in-fol.

T. II.

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ne fallait-il pas, sans tarder, limiter le nombre de ces députés ? Ces explications fournies, toutes les âmes se retrouvèrent à l'unisson pour adopter la proposition et arrêter, en même temps, que chaque chapitre provincial élirait pour députés au chapitre général quatre supérieurs et un conventuel. Les conventuels auraient également voix active et passive (1).

La proposition votée dans ces termes fut, avec quelques autres, (2) envoyée à Rome pour recevoir l'approbation pontificale. En attendant, le chapitre fixait le nombre des provinces à trois, sous les noms de France, de Bretagne et de Bourgogne, la première comprenant dix-huit maisons, la seconde dix-sept, la troisième dix-huit également. Il indiquait même le siège des chapitres provinciaux: ce serait Saint-Vincent de Senlis pour la province de France, Toussaint d'Angers pour celle de Bretagne, Saint-Martin de Nevers pour celle de Bourgogne (3).

La fin du généralat d'Antoine Sconin arriva avant l'approbation pontificale. On dut s'en tenir aux anciennes. règles pour le prochain chapitre qui se réunit en septembre 1653.

Toutefois, deux points avaient fait naître quelques scrupules, et on prévoyait qu'un troisième pourrait mettre mal à l'aise une conscience timorée. Devait-on admettre, comme on l'avait fait jusqu'alors, de simples prêtres

(1) Le chapitre provincial devait être composé des supérieurs, membres de droit, et de députés élus, un par chaque monastère : c'était la règle que nous avons vue adoptée jusqu'alors pour le chapitre général.

En 1772, le nombre des députés à élire par province fut élevé à six : trois de l'ordre des supérieurs, deux de celui des curés et un de celui des conventuels. (Voir bulle et lettres confirmatives, à la fin des Constitutions, édit. de 1772.)

(2) Par exemple, celles concernant le lieu où se tiendrait le chapitre général quand l'on ne pourrait se réunir à Sainte-Geneviève, et l'époque de sa convocation en cas de mort du supérieur général. Ce lieu serait une autre maison conventuelle désignée ad hoc. Quant l'époque, le mois de septembre demeurait fixé, mais avec la particularité notée précédemment. (3) B. S. G., ms. fr., H. 18', in-fol., p. 41-72.

conventuels de Sainte-Geneviève à prendre part à l'élection du supérieur général ? Était-on en droit d'autoriser l'usage des procurations pour le chapitre? Y avait-il incompatibilité entre la charge de curé de Saint-Étienne et celle de supérieur général ? Ces propositions furent soumises, en particulier, au grand casuiste de l'époque, Jacques de Sainte-Beuve. Il fut répondu : sur la première, que rien dans le droit commun n'était contraire, qu'il y avait même. des précédents; sur la seconde, que le concile de Trente prohibait le vote pour les absents, mais non point la substitution réelle, légitime d'une personne à une autre. quant au pouvoir électif; sur la troisième, que l'incompatibilité n'existait vraiment pas. En posant la troisième question, l'on avait surtout en vue le P. Blanchart qui était curé de Saint-Étienne et qui très probablement serait de nouveau élevé à la dignité suprême de la congrégation. Le fait vint bientôt justifier la prévision: le P. Blanchart fut élu pour la troisième fois supérieur général, au grand mécontentement de Sconin désireux d'être continué dans sa charge. Ce mécontentement devait avoir de regrettables conséquences: il causa de longs ennuis à la congrégation et jeta Sconin dans une fausse voie. Nous aurons à faire ce récit.

Dans une des séances du chapitre, on s'occupa de la bulle d'Innocent X, condamnant les cinq propositions du livre de Jansenius et déjà publiée dans presque tous les diocèses de France. Sur la proposition du P. Blanchart, il fut résolu qu'elle serait souscrite par tous les religieux de la congrégation, encore que plusieurs l'eussent déjà fait sur l'ordre des ordinaires. En même temps, défense était portée de rien dire ou écrire qui fût contraire au contenu de l'acte du Saint-Siège. La lecture de Jansénius se trouvait même formellement interdite. Ces décisions devaient être transmises à Rome pour témoigner de la filiale obéissance de la congrégation (1)

(1) Même ms. 18', p.p. 189 et suiv.

Le nouvel ordre inspirait la plus grande confiance.

Nous en avons une nouvelle preuve dans la rapide extension qui se continuait. En effet, Toussaint de Châlons (1), Saint-Martin des Aires de Troyes (2), Notre-Dame d'Oigny (3),

(1) Il y avait entre Saint-Memmie ou Saint-Menge et Toussaint de Châlons, ces deux abbayes de la même ville, la même différence qu'entre « le blanc et le noir » qui distinguait le costume de leurs chanoines. C'est que la seconde attendait encore la réforme qui avait régénéré la première, incorporée, suivant le Gallia, tom. IX, col. 944, dès l'année 1633 Gallicanæ Congregationi obnoxia anno 1633.

Toussaint reconnaissait pour son premier fondateur Roger II, évêque de Châlons, au x1° siècle, et pour son second, Claude Godet, un de ses abbés, au xvie. L'un avait placé le monastère dans une île de la Marne. L'autre estima prudent de l'abriter derrière les murs de la ville. Ces murs ne l'avaient pas défendu contre les ennemis spirituels.

Contrairement au désir de l'ordinaire, Félix Vialart, qui aurait voulu y placer des prêtres de la Mission, Sainte-Geneviève fut assez heureuse pour faire prendre possession du monastère, le 25 avril 1645, par le prieur de Chatrices.

(Même ms. H. 215, p.p. 502 et suiv., Gall., tom. IX, col. 947, 952.)

(2) Cette abbaye remontait au XIIe siècle, et occupait un des plus beaux sites de la ville près la porte Saint-Jacques. Aussi, à l'époque qui nous occupe, lorsque, n'ayant plus de canonique que le nom, elle demandait de saints réformateurs, attirait-elle les regards de plusieurs ordres. Ce furent d'abord les chanoines de Lorraine qui cherchaient à s'établir en France; puis les religieux de Saint-Antoine; enfin les Prémontrés qui désiraient avoir une abbaye dans la ville épiscopale. On fit comprendre aux premiers qu'ils devaient avoir des égards pour la Congrégation de France; on signifia aux seconds l'ordonnance cardinalice du mois de janvier 1639; on se débarrassa des troisièmes en signant le contrat d'établissement (1645). (Même ms., p.p. 511 et suiv.; Gall., tom. XII, col. 580, 582.)

(3) Presque sur les bords de la Seine, dans le diocèse d'Autun, au sein d'une « solitude affreuse», cette abbaye devait son origine (1106) à la générosité de deux époux dont le nom nous a été conservé Gaudin de Bruisme et Adelina.

Le ministre Bouthilier de Chavigny, qui avait obtenu Notre-Dame d'Oigny pour son fils, partageait certaines préventions de la cour à l'endroit de la congrégation. On songeait donc aux Pères de la Mission. Dans cette circonstance, le supérieur général crut devoir s'adresser à M. Vincent lui-même « pour le faire souvenir de la parole qu'il....... avait donnée, lorsqu'on lui abandonna Saint-Lazare, de n'entreprendre jamais sur aucune de nos maisons; ce bon Père se montra si fidèle à la garder, que non seulement il lui déclara qu'il ne voulait rien prétendre sur cette maison, mais il offrit son service auprès de M. de Chavigny pour y moyenner notre établissement, ce qu'il fit par après de la belle manière ».

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