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avaient été, en 1641 et 1642, les nouvelles maisons qui accrurent le nombre de celles que possédait déjà la congrégation aux destinées si prospères.

Quatre monastères allaient s'ajouter encore dans l'intervalle du quatrième au cinquième chapitre général : SainteBarbe-en-Auge (1), Saint-Maurice de Senlis (2), Sainte-Ho

par les Normands, elle fut réédifiée; et, trois siècles plus tard (1135), l'office divin y était célébré par des chanoines qui suivaient la règle de SaintVictor. L'église demeura paroissiale et était administrée par le prieur du monastère.

Le lecteur le devine facilement, le mot latin Cavea, amphithéâtre, a formé le mot français: Chage, en passant par cette transformation de la basse latinité: Cagia ou Chagia. Chage était aussi le nom du faubourg où l'abbaye se trouvait située.

Au XVIe siècle, un des abbés de Notre-Dame de Chage (B. M. in Cavea,) Jean Toulomb, essaya, et non tout à fait inutilement, d'arrêter la noble abbaye sur la pente de la décadence. Mais la gloire de la relever devait appartenir à la Congrégation de France (décembre 1642).

(Gall., tom. VIII, col. 1715-1716; même ms., p.p. 204 et suiv.; Vie du P. Faure, p. 460.)

(1) C'était un des plus riches prieurés du pays. Il avait jadis (1128) tiré ses premiers chanoines réguliers de Notre-Dame d'Eu. Le dernier de ces prieurs commendataires, Robert de La Ménardière, avait, en 1607, cédé sa mense aux jésuites de Caen, cession que les chanoines ratifièrent en 1609.

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Autrefois un des centres de dévotion pour la contrée, Sainte-Barbe était devenu un rendez-vous profane on « y venoit des environs, ou pour traiter d'affaires, ou pour vider des querelles, ou pour se divertir et faire grande chère, car c'étoit un lieu de plaisir, de festins et de jeux ; et la meilleure réputation qu'y eussent les religieux, c'étoit de bien traiter leurs hôtes et de tenir toujours table ouverte ».

C'est assez dire les obstacles qui se dressèrent devant l'œuvre de la réformation. Néanmoins le concordat finit par être signé en octobre 1642, pour permettre, en mars de l'année suivante, la prise de possession.

(Gall., tom. XI, col. 858-860; même ms., p.p. 301 et suiv.; Vie du P. Faure, p. 461-465.)

(2) Fondation de saint Louis en l'honneur de la légion thébaine, ce prieuré descendait rapidement la pente fatale du relâchement sous son premier abbé commendataire qui obtint ce bénéfice en 1625 ou 1626. Cependant la régularité si édifiante de Saint-Vincent faisait rentrer quelques chanoines en eux-mêmes; et leurs vœux pour un retour à bien étaient transmis à ce dernier monastère (1637).

Mais l'évêque de Senlis avait un autre projet : l'établissement, à SaintMaurice, d'un collège de jésuites. Le projet souriait d'autant plus aux pères de la compagnie, que le monastère se trouvait placé au centre de la ville. Le supérieur général de la congrégation s'arma pour la défense des in

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norine de Graville, à l'embouchure de la Seine (1), SaintMartin-au-Bois (in Bosco) qu'on appelait aussi S.-Martin de Ruricourt, à cinq lieues de Clermont en Beauvoisis (2).

IV

TROISIÈME GÉNÉRALAT DU P. FAURE

SA MORT ET CELLE DU CARDINAL (1643-1645)

La mort de Louis XIII, arrivée sur ces entrefaites, privait la Congrégation de France d'un puissant protecteur. On pouvait redouter, sous la régence, les agissements des ennemis de l'ordre nouveau et déjà si florissant.

Le cardinal, il est vrai, en prévision surtout de la fin que présageait son grand âge, avait eu soin, trois ans auparavant, d'obtenir du roi des lettres patentes confirmatives de toutes celles qui lui avaient été précédemment accordées (3).

térêts de l'ordre canonique, et finit par triompher: Saint-Maurice devint une possession des Génovéfains (avril 1543 ou 1641).

(Gall., tom. X, col. 1524; même ms., p.p. 339 et suiv.; Vie du P. Faure, p. 489-493.)

(1) Agréablement situé, ce prieuré tirait son origine de Sainte-Barbeen-Auge, dont il ne devait pas, grâce au zèle de son prieur régulier, se séparer dans l'oeuvre du renouvellement spirituel (juin 1614). (Même ms., p.p. 365 et suiv.; Vie du P. Faure, p. 495-196.)

(2) Fondée au commencement du xe siècle, quelque vingt ou trente ans après Saint-Quentin-lez-Beauvais, cette abbaye dut sa réformation à un ami de collège du P. Faure.

Un concordat avait été signé dès l'année 1633. L'opposition de l'évêque, Augustin Potier, et de l'abbé commendataire, Anne de Levy de Ventadour, retarda de dix ans la prise de possession; et même l'installation définitive ne se fit que l'année suivante (1644).

(Gall., tom IX, col. 826, 830; même ms., p.p. 372 et suiv.)

(3) B. S.-G., ms. fr. H. 215. p. 74. Ces lettres patentes, datées de SaintGermain-en-Laye, 14 mars 1640, sont transcrites, ms. 2216, in-fol., tom. XVI du Recueil des pièces, fol. 115-117.

Dans la situation, cependant, devait-on être complètement rassuré? Et, d'autre part, les décisions du commissaire apostolique dont l'appel interjeté en cour de Rome était encore pendant! Quel champ ouvert à la chicane comme à la malignité? Et penser que tout cela n'était pas sans concerner également d'autres ordres dont la réformation avait été primitivement ou plus tard confiée au cardinal. Ce dernier demanda à la reine régente - et la supplique fut accueillie de vouloir bien intervenir près du SaintSiège pour achever l'œuvre sainte qu'avait si glorieusement commencée et poursuivie le roi défunt, et cela en priant le pape d'approuver les actes de réformation en général et de surseoir à tous les appels (1). C'était doublement habile par là on confirmait l'oeuvre accomplie, et la cour de France, s'y trouvant intéressée, ne se prêterait à aucune manoeuvre. Aussi ordre fut-il donné au chancelier et aux autres magistrats de se montrer favorables à la congrégation.

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Le cardinal lui-même dut faire parvenir à Rome un mémoire justificatif. On l'accusait - ce qui constituait un véritable abus d'user de ses pouvoirs au détriment de l'autorité épiscopale (2). La justification était d'autant plus facile, qu'il pouvait établir que, dans ces derniers temps, rien ne s'était fait sans le consentement des évêques.

(1) Le cardinal rappelait que par les appellations et autres oppositions de divers religieux qui ne vouloient point de réformation, au lieu du fruict que Sa Majesté et le public en avoient espéré, il y a eu plus de procez que de restablissement en l'observance ». Il y avait des procès qui remontaient à « plus de vingt ans ». (Remonstrance à la reyne régente, imprimée dans la Vie du cardinal, par La Morinière, p. 616-650.)

(2) Par le renouvellement de ses pouvoirs, le cardinal demeurait toujours commissaire apostolique pour l'ordre des chanoines réguliers de Saint-Augustin.

Le tom. XV du Recueil des pièces, ms. 2215, fol. 3-14, renferme, à l'état de copie, un nouveau bref, en date du 22 janvier 1638, renouvelant pour une année les pouvoirs du commissaire apostolique, et les lettres patentes données à ce sujet et datées de Saint-Germain-en-Laye, 25 avril de la même année.

Le P. Faure, en qualité de supérieur général, prit aussi la plume pour rédiger un autre mémoire justificatif dont la destination était la même, et l'objet les actes qui regardaient en particulier la Congrégation de France (1).

La vérité se fit jour à la cour de Rome comme à celle de France.

C'est au milieu des bénédictions que le ciel, tout en ménageant quelques épreuves, versait si abondamment sur la congrégation, que la mort vint frapper le supérieur général. Atteint par une maladie mortelle dans le cours de ses visites, ramené aussitôt à Sainte-Geneviève, il s'endormit doucement dans le Seigneur, après quelques mois de souffrances, le 4 novembre, jour de sa fète, 1644. Le coup fut d'autant plus terrible, qu'il semblait encore éloigné. « Hélas! - dit le cardinal au P. Boulart qui lui apportait la fatale nouvelle « Hélas! mon Père, quelle perte! L'Église perd un grand << homme et un de ses principaux ornements; votre ordre << son père et son unique appui ; et moi je perds mon ami, je perds mon bras droit et la consolation de ma vieillesse. « Je devais partir devant lui, mais il faudra bientôt que je « le suive... Quelle affliction pour la congrégation! Que << va-t-elle devenir, elle qui ne pouvait se passer de lui? O « mon Dieu, consolez vos serviteurs dans l'excès de leur << affliction; conservez l'ouvrage que vous avez formé par « les mains de celui que vous nous enlevez (2). »

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(1) Gall. christ., tom. VII, col. 790.

(2) La Vie du révérend père Charles Faure, Paris, 1698, in-4, p. 510. Son cœur fut réservé pour Saint-Vincent de Senlis, son corps inhumé dans la salle du chapitre de Sainte-Geneviève; et sur le marbre noir qui le recouvrait, on grava une épitaphe dont nous détachons ces quelques mots qui disent parfaitement l'homme et le saint :

Vir ad magna queque natas ;

Magnus ingenio, memoria, eloquentia, eruditione ;
Major animo, labore, constantia ;

Maximus modestia, religione;

Supereminens charitate,

Post conditas, ad canonice vitæ normam, optinas leges,

Modèle de la vie religieuse dont il avait le sentiment le plus intime, l'idée la plus élevée, l'amour le plus vrai, dont il exprimait si bien en lui toutes les vertus, les plus hautes comme les plus humbles, les plus difficiles comme les plus attrayantes, celles qui imposent le triomphe par l'effort comme celles qui l'attendent d'une continuelle vigilance (1); maître consommé pour diriger les autres dans les voies spirituelles, joignant la douceur à la fermeté, la prudence à la vigueur, la connaissance des esprits à l'art de les gouverner (2); le P. Faure se présente, à la fois, sous un autre

Ipse viva lex, ipse suorum regula magis quam rector,
In animis filiorum, quos prope innumeros genuit,

Eternum victurus.

(Ibid., p. 514.)

(1) Voici une page qui atteste dans le P. Faure cette admirable abnégation qui est la perfection et fait la force des religieux. Elle a été tracée par lui-même à la suite des quatorze raisons qu'il avait consignées et qui ne lui permettaient pas de consentir à la remise du troisième chapitre général, parce que sa personne se trouvait en jeu et que l'intérêt général ne lui paraissait pas évident. C'est une sorte de vœu qu'il formulait pour donner à sa résolution un caractère d'irrévocabilité... « Je renonce donc, a ò mon très doux Seigneur, à toutes charges, offices et employs, à tous « honneurs et dignités, à l'amour et à l'estime des hommes ; j'embrasse « avec joye le mépris et l'abandon; je veux vivre en une conformité de vie, « de pensées et affections avec vous, mon très aymé Sauveur, avoir part << en tous vos jeûnes, vos peines et vos travaux; faire bien à tous, quand << aucun ne me rendroit le semblable, aymer, servir, ayder en tout temps et occasions ceux qui me seront plus contraires; travailler sans cesse, <quoique sans reconnaissance d'aucun; enfin, mon Dieu et mon amour, « père et tuteur de mon âme, vous aymer, me haïr; vous estimer, me « mépriser; vous suivre, me quitter; m'appuyer entièrement en vous, me a destier de moy-mesme; et tout le cours de ma vie m'occuper aux seuls « soins de n'avoir amour que pour vous et d'en avoir toujours beaucoup ; « de vous honorer et agréer toutes vos volontés, les accomplir fidèlement, « les adorer en toutes choses; et prouver avec courage et zèle que tous ceux que je converseray, vous rendent un amour entier, un honneur « très pur et une obéissance exacte en tout temps et toutes choses, par tous les siècles. » (Ms. 21, p. 45-46.)

(2) Le P. Faure composa un Directoire des novices, œuvre qui dénote, à un degré supérieur, la double connaissance de la vie religieuse et de la nature humaine. Le Directoire fut imprimé en 1638.

Le recueil D. 2445, in-4o, à la Biblioth. Sainte-Geneviève, renferme quelques lettres et entretiens, également imprimés, du P. Faure. L'on y trouve des pages, non moins bien frappées que dans le Directoire, sur la vie religieuse.

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