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Les premiers temps de la réformation à Sainte-Geneviève furent assez difficiles.

L'administration de l'abbaye avait été laissée aux mains de l'ancien prieur. Le P. Faure n'avait que le titre de maître des novices avec la direction de ses propres religieux. De là des conflits, d'autant plus inévitables, que le prieur du Hamel et le sous-prieur de Cuigny, excellentes gens du reste, étaient assez susceptibles à l'endroit de leur autorité.

Les anciens chanoines prenaient part aux délibérations capitulaires, car il fallait leur avis en toutes choses. De là,

T. II.

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des tiraillements que les meilleures intentions et l'esprit le plus pacifique se montraient souvent impuissants à conjurer (1).

Dès le mois de septembre suivant, le cardinal dut retirer aux anciens chanoines ce droit d'assistance. Mais il était plus difficile de remédier au premier inconvénient. Il fallut du moins on jugea ce parti préférable attendre la retraite successive du prieur et du sous-prieur dans leur cure de Saint-Médard (2). On arriva ainsi à la fin de l'année 1625.

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Alors l'administration de l'abbaye fut ainsi partagée le P. Faure fut chargé, avec le titre de supérieur, de tout ce qui regardait le spirituel; la partie temporelle, sous le nom de vicariat, fut assignée ou laissée au procureur Guillemin. Il n'y avait plus de prieur, et c'était au plus ancien de la communauté à officier les jours de fêtes. Le P. Faure avait la dignité et faisait les fonctions de grand chantre (3).

Tout cela n'était et ne devait être encore que du provisoire. On ne tarda pas à reconnaître la nécessité de concentrer l'administration entière entre les mains des nouveaux religieux, et le P. Branche fut constitué procureur, « contre le gré des anciens qui en murmuraient et ne s'en pouvaient taire » (4).

(1) Quelques-uns de ces chanoines semblaient même se donner pour mission de surveiller les nouveaux venus. Et malheur à ceux-ci, s'ils venaient à déroger au règlement de la maison! On le vit bien un jour que le P. Faure, eu égard à l'indisposition de quelques-uns de ses religieux et à la fatigue de tous, fit chanter matines à huit heures du soir, au lieu de célébrer cet office dans la nuit comme c'était la coutume. L'affaire fut déférée au cardinal. Le P. Faure profita de la circonstance pour faire changer cette coutume dans l'intérêt de la santé des religieux. Il fut donc autorisé à placer matines à neuf heures du soir de Pâques à la SaintRemi, et à huit heures le reste de l'année.

(2) B. S. G., ms. fr. H. 213, in-fol. : Histoire des chanoines réguliers de l'ordre de Saint-Augustin de la Congrégation de France, p. 240-246.

(3) Ibid., p. 267-269.

(4) Ibid., p. 322-323.

Mais, quel que fùt son rôle administratif, le P. Faure s'appliqua avec un soin tout particulier à faire refleurir les études à Sainte-Geneviève. Il comprenait que la science et la religion sont soeurs, et que, dans la vie religieuse, la régularité, la piété ne se maintiennent, ne prospèrent qu'autant qu'elles puisent secours, force, lumière dans le travail intellectuel un monastère sans études est fatalement condamné au relâchement, aux désordres, à la mort.

Dès qu'il en eut la liberté, il se chargea lui-même de professer la philosophie, science dont il avait fait large provi sion à l'université de Paris. Sept jeunes religieux furent ses premiers élèves. « Ces études n'étaient pas sèches ni stériles;

elles éclairaient l'entendement sans rien diruinuer de la « ferveur de la volonté, les disputes étant sans contention, « les réponses sans vanité (1). »

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Son projet de règlement sur l'enseignement dans la congrégation est digne de remarque. En tête, sont inscrites ces sages réflexions: « Le soin et l'amour des lettres sacrées étant une des plus saintes et des plus fructueuses occupations qui soient dans la religion pour maintenir en « vigueur la piété nécessaire, conserver les lois et disposer « les personnes à lui rendre un plus notable service aux emplois qui leur sont commis, par l'union des bonnes. «<lettres avec le fond solide de la piété, de la charité et de « l'humilité chrétienne, une des plus importantes affaires. « de la congrégation et des supérieurs qui la gouvernent « sera, après la vigilance sur la conservation de l'esprit <«< intérieur et de l'observance des règles, de pourvoir à ce que la jeunesse s'occupe et s'emploie fidèlement à l'étude « et qu'elle ait pour ce sujet des moyens propres pour y << profiter (2). »

Il demandait qu'on choisît d'abord un monastère où l'on

(1) Même ms. 213, p. 309-310.

(2) Ibid., p. 310-311.

pût le plus commodément établir des cours de philosophie, de théologie et d'Écriture sainte, car, dans l'intérêt des études, il pensait que les chaires magistrales ne devaient pas être multipliées. Quand la congrégation se serait étendue, un centre d'enseignement par province lui paraissait suffisant. Autant que possible, les étudiants seraient dispensés de l'office public, à l'exception: 1o des dimanches et fêtes ordinaires où l'assistance à la grand'messe, à tierce et sexte, aux vêpres et complies deviendrait obligatoire; 2o des fêtes de première classe et des trois derniers jours de la Semaine sainte où il faudrait suivre ponctuellement la règle de la maison. Un cours de ces deux sciences maitresses, la philosophie et la théologie, s'imposait à tous ceux qui aspiraient aux ordres sacrés (1).

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Le cours de philosophie terminé une année suffit à la tâche le P. Faure commença celui de théologie. Il compta trois élèves de plus. Là encore, la parole du maître touchait autant le cœur qu'elle éclairait l'entendement.

Lorsque de nombreuses occupations ne permirent pas au professeur de continuer les leçons, il confia ces importantes fonctions à un docteur de l'université de Paris, ayant nom Bétille. D'autres docteurs de la même université furent encore appelés (2).

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Les thèses que les étudiants soutenaient en philosophie et en théologie étaient jugées dignes de l'impression et dédiées au cardinal. Mais triste résultat d'une incroyable incurie que nous avons déjà déplorée! les livres manquaient. Alors le généreux prélat choisit cinq à six cents. volumes dans sa propre bibliothèque pour en faire don à l'abbaye (3). Telle fut l'origine de cette autre bibliothèque qui devint dans la suite une des plus riches de Paris.

Comme maître des novices, comme supérieur des nou

(1) Même ms., p. 309-315.

(2) Ibid., p.p. 321 et 392.

(3) Ms. fr. H. 212, in-fol., p. 890.

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