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l'avis de deux avocats qu'il consulta: suivant eux, le droit de l'abbaye était fondé, et il fallait le soutenir vigoureusement. En présence d'une opposition qui semblait devoir s'éterniser, le commissaire apostolique déclara qu'il ne devait pas différer davantage l'application de l'ordonnance. L'abbé dont l'âme s'ouvrait à de meilleures pensées, à de plus évangéliques conseils, ne se trouvait pas éloigné luimême de la soumission; mais cette question de conscience: le pouvait-il? le faisait hésiter. Il consulta six docteurs de Sorbonne; et, sur leur réponse affirmative, l'affaire fut décidée et les conditions de la réunion réglées sans retard. Les définiteurs et un certain nombre de chanoines youlurent faire acte de résistance. On passa outre. Les religieux de la congrégation furent définitivement installés le 27 novembre 1637 (2).

III

GÉNÉRALAT DU P. BOULART

(1640-1643)

La Congrégation des chanoines réguliers de Latran désirait voir établir entre elle et la Congrégation de France une association assez intime, pour que les deux n'en for

(2) Même ms. 21, p. 625-635.

Voici les principales conditions qui furent stipulées :

L'abbé conserverait sa vie durant ses titres, qualités et prééminences tant au Val des Écoliers qu'aux monastères qui en dépendaient;

Il exercerait sa juridiction sur les anciens religieux;

A son décès, on nommerait, suivant les règles de la congrégation, un abbé triennal qui serait pris dans le sein de la congrégration elle-même et qui, n'ayant d'autorité que dans l'abbaye, serait soumis au supérieur général;

La dénomination de l'ordre serait maintenue tant à l'égard de l'abbaye qu'à l'égard des monastères qui en dépendaient; et, dans les actes publics

massent qu'une seule le renom d'admirable régularité de l'une avait suscité en l'autre le désir de fusion. « Mais « le R. P. supérieur qui connaissait que la vertu et la << sainteté étaient comme les bonnes odeurs qui se con« servent quand elles sont ramassées, et au contraire se perdent et se dissipent à mesure qu'elles s'étendent..., << ne voulut jamais entendre à cette proposition que d'autres «moins éclairés et moins expérimentés que lui eussent jugée très avantageuse (1). »

«

Le supérieur général s'inspira de la même pensée pour ne pas admettre dans la congrégation une quarantaine de religieux de Fontevrault, lesquels, à la suite de certaines dissensions qui troublèrent profondément l'abbaye, avaient obtenu la permission de passer dans un autre ordre. Toutefois, avant de prendre définitivement ce parti, il avait cru devoir en référer à l'abbesse elle-même (2).

concernant les monastères de l'ordre, le supérieur général prendrait le titre de général des chanoines réguliers et du Val;

Les religieux de l'ordre qui voudraient entrer dans la congrégation, y seraient reçus après un noviciat ;

Ceux qui n'y entreraient pas, recevraient chacun 200 livres de rente; Les prélats et supérieurs conserveraient leur préséance;

L'abbé se réservait le tiers des revenus de l'abbaye ou 2,000 livres de rente à son choix; (Ibid.)

Quelque dix ans plus tard, une bulle d'Innocent X ratifia le concordat et rendit l'union définitive. (Ms. 2223, fol. 20-39, où la bulle est transcrite sous la date de septembre 1616, tandis que le Gallia lui assigne l'année de 1647.) Les lettres patentes pour l'enregistrement de la bulle sont du 21 mars 1650, et l'enregistrement du 12 août 1651. (Ibid., fol. 14 et 16.)

(1) Ms. 215, p. 156-157.

(2) On sait que les religieux comme les religieuses de l'ordre de Fontevrault, étaient soumis à l'autorité d'une abbesse. (Voir Regula ordinis Fontis Ebraldi, Paris, 1612, in-12, certifiée conforme aux originaux par deux docteurs en théologie.) A la page 223 de ce volume, l'on rappelle « Patrem Robertum qui personas omniaque bona sua imo se suosque « fratres religiosos potestati subdidit abbatissæ... »

L'abbesse de Fontevrault était alors Jeanne-Baptiste de Bourbon, fille naturelle (reconnue) de Henri IV et de Charlotte des Essars de Romorantin. Jeanne, touchée de la « courtoisie » du supérieur général, répondit en ces termes :

« Incontinent après mon retour en ce lieu, les ayant assemblés (les re

L'établissement de Nanterre prospérait. On jugea opportun de le placer sous la garantie d'un acte royal. Des lettres patentes furent sollicitées et s'obtinrent en avril 1641. D'après ces lettres, l'établissement comprendrait

a ligieux) avec tout nostre couvent à la grande grille, pour entendre la << lecture des arrests intervenus sur les troubles par eux excitez en nostre ordre, je les exhortay tous à l'exacte observance de leurs vœux et des ⚫ règles, coutumes et usages de cet ordre, ainsy qu'il avoit esté pratiqué « de tout temps, leur tesmoignant que je ne souhaite autre chose d'eux « que cette fidelle pratique, que, s'ilz ne se vouloient résoudre de vivre «< conformément à leur profession, encore que je les y peusse contraindre « par la rigueur, n'en désirant pas user, j'aimois miex, s'il y en avoit « quelques-uns qui fussent dégoutez de leur estat et première profes«sion, leur permettre de se retirer en une autre religion pareillement « réformée de ce royaume, que de nous exposer encore aux troubles que leurs esprits inquiets et mécontents pourroient causer, leur ayant « donné huict jours pour y bien penser avec Dieu; lequel temps pas un a d'eux n'a voulu prendre; ains dès les premiers jours de ladicte << huitaine m'ont pressé avec importunité de leur donner obédience pour « leur retraite. C'est pourquoy, mon Révérend Père, je ne puis trouver à redire que les ordres et personnes, qui jugeront les pouvoir prudem«ment et en conscience recevoir selon les saincts décrets, sacrez canons << et constitutions ecclésiastiques, le fassent.

«Mais je vous supplie instament, si vous les admettés, de leur défen«dre expressément toutes sortes de communications de vive voix ou par « escrit avec quelque personne que ce soit de nostre ordre, de l'un ou l'au« tre sexe, pour leur oster le moien de fomenter et entretenir leurs mau«vaises habitudes et maximes et leurs divisions qu'ilz y ont causées au « grand dommage d'iceluy ... Toutes ces choses m'obligent de conjurer « vostre charité de ne leur point permettre de faire leur noviciat à « Paris, mais de les esloigner le plus qu'il vous sera possible de nos a prieurez.....)

Cette lettre est du 24 avril 1642.

(Même ms., p. 157-160).

Jeanne-Baptiste de Bourbon tenait beaucoup à ses droits : elle avait fait confirmer par arrêt du conseil d'État (7 septembre 1641) l'antique autorité de l'abbesse sur les religieux aussi bien que sur les religieuses de l'ordre. Cet arrest du conseil d'Estat, le roy y séant, avait été rendu sur l'advis conforme des commissaires députez par Sa Majesté pour connaître de l'affaire. Ces commissaires étaient : Cospéau, évêque de Lisieux, d'Estampes, évêque de Chartres, Séguier, évêque de Meaux; Bignon, de Verlamont et de Laubardemont, conseillers du roi en ses conseils; Nicolas Cornet, Jean Cocquerel et Robert Duval, docteurs en théologie. L'Advis précède l'Arrest, et on y lit, p. 11, la constatation « que les religieuz sont instituez dans ledit ordre pour servir et estre subjets à ladite dame abbesse et ausdites religieuses, et n'avoir aucune chose au temporel que par dépendance d'icelles, et que tout ledit ordre estoit sous l'obéyssance de ladite abbesse..... >>

avec le prieur-curé autant de religieux qu'on pourrait en entretenir (1). Pour augmenter les ressources, l'abbaye de Sainte-Geneviève abandonna à la jeune communauté les revenus qu'elle possédait à Nanterre.

Les élèves devenaient si nombreux, qu'il fallut songer à s'agrandir. On décida qu'une somme de 30,000 livres serait affectée à de nouvelles constructions. On voulait pouvoir loger cent élèves. La reine qui souvent venait faire ses dévotions dans le temple de ce village, cher à Paris et à la France, fut invitée à poser la première pierre. L'invitation acceptée, la cérémonie s'accomplit très solennellement le dimanche de Quasimodo 1642 (2).

Le conflit entre l'abbé de Chancelade et la Congrégation de France n'était pas près de prendre fin.

Pourtant les quatre monastères se montraient généralement disposés à l'agrégation. Deux osèrent même se prononcer positivement. A Chancelade, le prieur et un grand nombre de religieux se jetèrent aux pieds de l'abbé pour le supplier de ne plus opposer de refus. A Sablon

(1) Il y aura, nous citons, « tel nombre de religieux avec ledict frère Paul Beurrier, prieur-curé, et ses successeurs à perpétuité, que le revenu pourra porter, lesquels seront subjects au supérieur de ladicte congrégation qui aura pouvoir de les révoquer et en mettre d'autres en leurs places suivant lesdictes bulles..... »

(2) Même ms. 215, p.p. 163-164, 244-245.

Le Gallia, tom. VII, col. 787, indique le 16 mars pour la pose de la première pierre.

Deux médailles de bronze furent placées dans cette pierre. L'une avait sur l'avers le portrait de la reine avec ces mots : Anna Austriaca Franc. el Nav. Reg., et sur le revers se lisait cette inscription: Anna Austriaca Franciæ et Navarræ Regina in beatam Genovefam urbis adeoque orbis Gallici patronam, eximium pietatis suæ monumentum, primarium hunc et angularem lapidem posuil nomine el titulo fundatricis, anno Domini 1642...

L'avers de l'autre médaille portait une sainte Geneviève debout avec ces mots : Sancta Genovefa Parisiensium patrona. Au revers, on voyait une église soutenue par deux anges avec cette légende en haut : Talibus auspiciis, et cette autre en bas: Nova Clotildis. (Même ms., Ibid.).

Suivant le Gallia, plusieurs autres médailles en or et en argent furent également frappées.

ceaux, il y eut, le 26 octobre 1640, acte capitulaire pour déclarer qu'on était fermement résolu à se soumettre. En conséquence, un député était envoyé à Paris.

Pour l'abbé qui s'affermissait dans son opposition, il lui fallait d'autant plus faire preuve d'énergie et déployer d'adresse que sa situation s'aggravait. Agir autoritairement sur les monastères pour modifier les dispositions contraires ou comprimer les volontés rebelles, se faire appuyer à la cour pour faciliter le succès devant les tribunaux appelés à statuer, telle fut la double résolution que prit Solminihac et qui, certes, ne resta pas à l'état de simple conception,

Un mandataire fut constitué. Il devait agir, à Paris, non seulement au nom de l'abbé, mais au nom des quatro monastères dont on avait réussi à obtenir les procurations, En cet état, il n'hésita pas à faire signifier au coadjuteur l'acte d'opposition à l'ordonnance du cardinal avec « protestation d'en appeler partout où il appartiendrait ». Il est vrai que, deux mois après, trois des monastères, La Couronne, Saint-Gérald et même Chancelade, révoquèrent leur procuration, alléguant qu'ils avaient subi une véritable contrainte. C'était porter un coup grave à la mission du mandataire.

Enfin, le 22 décembre 1642, furent arrêtées et signées les conditions de l'union de La Couronne et de SaintGérald à la Congrégation de France, Il était entendu :

1° Que les constitutions de la congrégation seraient en vigueur dans les deux monastères ;

2o Qu'aussitôt après l'approbation donnée par le conseil privé, deux religieux seraient envoyés à La Couronne et à Saint-Gérald pour y introduire l'observance régulière, conformément à ces constitutions;

3o Qu'un an serait accordé aux anciens religieux pour réfléchir mûrement sur le parti à prendre par eux, et qu'au cas où ils se décideraient à entrer dans la congrégation, il y aurait renouvellement de vœux;

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