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C'est en vertu de ces nouveaux pouvoirs que nous l'avons vu introduire la réforme à Saint-Denys. Il va s'appuyer sur ces mêmes pouvoirs dans ses actes à l'égard de la famille cistercienne (1).

Revenant à notre appréciation de tout à l'heure, transcrivons, à l'appui, sous le second rapport, ces quelques lignes : « Depuis quelques années, disait le cardinal en 1634 relativement à a Cîteaux - Dieu a permis que l'exacte observance de la règle ‹ se soit déjà rétablie avec beaucoup d'édification en aucuns « desdits monastères pour servir d'exemple et modèle, et en faciliter le chemin aux autres (2). »

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Toutefois la réforme ne marchait ni aussi vite ni aussi bien que le désirait le commissaire apostolique.

Au mois d'août 1633, ce dernier manda à Paris l'abbé de Citeaux, ainsi que les abbés de La Ferté, Pontigny, Clairvaux et Morimond, les quatre célèbres filles de l'illustre abbaye-mère. Seul, l'abbé de Pontigny répondit à l'appel et reconnut la nécessité de réformer quelques particuliers monastères (3). Le cardinal attendit jusqu'au mois de février; et, voyant que c'était toujours en vain, il en référa au roi qui se chargea d'intimer le veniat aux récalcitrants abbés. Le 2 mai, ils étaient à Paris. Ne pouvant ne pas convenir du mauvais état d'un trop grand nombre de monastères (4), ils demandèrent, ce même jour, dans

(1) Le nouveau bref, daté du 10 septembre 1632 et donné pour trois ans, embrassait les deux ordres à la fois. Les lettres patentes pour l'exécution du bref portent la date: Saint-Germain-en-Laye, 17 décembre 1632, (dans même ms. Z. 33).

(2) P. de La Morinière, Vie du card., p. 625, paroles tirées de la Sentence dont il va être question.

(3) Nous avons, B. S. G., un Extrait des procèz-verbaux des assemblées tenues en l'hostel de Monseigneur le cardinal pour la réformation de l'ordre de Cisteaux.

(4) L'abbé de Citeaux avouait qu'il y avoit beaucoup de monastères dudict ordre qui avoient quelques désordres et manquement et avoient besoin d'estre réglez.

L'abbé de Pontigny disait qu'en plusieurs monastères dudict ordre il y avoit tant de désordres, principalement à cause de la pauvreté, qu'en la plupart d'iceux les religieux n'avoient ni dortoir ni réfectoire...

Les aveux de l'abbé de Clairvaux étaient, malgré une réserve analogue, plus significatifs encore: Il est vrai, ajoutait-il, que dans l'ordre de Cileaux il y a quelques monastères particuliers où se reconnaissent beaucoup de défauls, lesquels ne peuvent estre réparés par l'autorité seule des supérieurs ordinaires et ont besoin véritablement de celle du roy... (Extrait du procès-verbal de la réunion, dans même ms.)

T. II.

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la première réunion à l'hôtel abbatial, la faculté de se concerter pour arrêter et soumettre au commissaire apostolique un ensemble de mesures propres à rétablir l'ancienne discipline. Quelques articles touchant la vie religieuse, voilà ce qu'ils présentèrent à la réunion du 5 mai. Mais de moyens vraiment pratiques, efficaces, point. Suivant l'abbé de Citeaux, il ne laissait pas d'y avoir, même dans les maisons qui n'étaient pas de l'étroite observance, plusieurs bons religieux et de nom et d'effet, capables de réformer, régler et conduire les monastères (1). Désignez ces religieux, reprit-on aussitôt. Mais il fut répondu que les visiteurs sauraient bien les reconnaître.

Le mauvais vouloir était évident. Les abbés osèrent même, ce qu'ils avaient déjà pratiqué, faire parvenir leurs plaintes au pied du trône, Le cardinal, de son côté, soumit au roi l'ordonnance qu'il projetait pour appliquer la réforme à l'ordre de Citeaux et lui exposa, en même temps, les puissants motifs qu'il avait d'agir et d'agir sans retard (2). L'approbation royale acquise, l'ordonnance fut rendue le 17 juillet suivant.

Le rétablissement immédiat de l'observance dans le collège des bernardins, à Paris; la visite, par un prélat désigné à cet effet, de l'abbaye de Citeaux, avec pouvoir de procéder à la réforme, s'il y avait lieu; la volonté bien arrêtée d'en faire autant, et le plus tôt possible, pour La Ferté, Pontigny, Clairvaux et Morimond; l'institution d'un vicaire général pour les couvents réformés et à réformer tels étaient les principaux articles de l'acte notifié à qui de droit (3).

Pour s'y soustraire, on essaya de se placer sous l'autorité du cardinal de Richelieu. On saluait en lui le chef, le réformateur, le protecteur, le conservateur d'un ordre illustre que l'abbé de Sainte-Geneviève voulait détruire. Le cardinal ne se laissa pas circonvenir. Loin de .à. Il manda au commissaire apostolique qu'il eût à continuer son œuvre; et lui fit expédier les lettres patentes en ce qui concernait le collège des bernardins (4).

L'on attachait à la réforme de cette maison la même impor

(1) Extrait du procès-verbal de la réunion, dans même ms.

(2) Projet de sentence pour le restablissement de l'observance régulière en 'ordre de Cisteaux et motifs pour ledict projet envoyez au roy..., pièce imprimée, dans même ms. Z. 310.

(3) P. de La Morinière, Vie du card., p. 631; Projet de sentence, cité à l'instant, et qui passa à l'état de Sentence (B. S. G., dans ms, fr. H. 9, in-4, pièce imprimée).

(4) P. de La Morinière, ibid., p. 636-638.

tance qu'à celle de l'abbaye de Saint-Denys: ce pouvait être dans les deux cas d'un bien salutaire exemple. Au collège comme à l'abbaye, le commissaire apostolique procéda par voie d'autorité. Ce fut en septembre 1635 (1).

Cet acte de vigueur faisait bien préjuger que les autres points arrêtés ne demeureraient pas, non plus, lettre morte. Pour éviter les coups qui menaçaient, l'abbé de Citeaux, Pierre Nivelle, eut l'idée d'offrir son abbaye au cardinal de Richelieu qui l'accepta et donna en échange au résignant l'évêché de Luçon (2). Ce que nous avons dit de Cluny trouve ici sa pleine application : à Richelieu encore de poursuivre la religieuse entreprise (3). D'autre part, le cardinal de La Rochefoucauld étendait son action réformatrice sur plusieurs abbayes des prémontrés et sur l'ordre entier des trinitaires.

Dans le premier cas, il appuyait de son autorité et couvrait de sa protection les âmes généreuses qui voulaient revenir à la pratique de l'ancienne et sévère règle de saint Norbert (4).

Dans le second, après avoir, et sans beaucoup de succès, facilité le renouvellement de l'esprit religieux par la création d'un vicaire général placé à la tête des maisons réformées (5), il décrétait absolument pour tous les monastères la remise en vigueur de la règle primitive, sans en excepter la clause relative à la rédemption des captiss, ou à « la réservation du tiers du revenu », statuant même, à ce sujet, qu'on tiendrait chapitre une fois par semaine, pour aviser aux moyens de «se bien acquitter de cette obligation principale en cet institut» (6). Naturellement l'ordon

(1) P. de La Morinière, ibid., p.p. 631 et suiv.

(2) Ibid., p. 638.

(3) Le Gallia dit de Richelieu au sujet de Cluny : « Vix abbatiam obti« nuit, cum illuc reformationem secundum instituta monasterii S. Vitoni << (Saint-Vannes) Virdunencis inducere sollicitus sit »; et au sujet de Citeaux : Cujus toto regiminis tempore Cistertium fuit penes strictioris observantiæ cœnobitas. » (Tom. IV, col. 1162 et 1014.)

(4) On doit citer parmi les abbayes qui se montraient animées de ces nobles sentiments, Ardenne, Belle-Etoile et Silly en Normandie. (P. de La Morinière, ibid., p. 597.)

(5) Cet acte remonte à l'année 1619 ou 1620: le bref concédé ad hoc est de 1619 (Ibid., p. 639.)

(6) Sentence et Règlement..., pièce imp., dans ms. fr. Z. 37 de B. S. G. II devait y avoir « en chaque monastère un coffre fermant à trois clefs différentes, dont le ministre en auroit une, son vicaire nne autre et le premier de ses discrets ou anciens la troisiesme, pour y mettre l'argent destiné pour les captifs, auquel on ne touchera jamais que pour faire la rédemption. »

nance, qui est du 1er juin 1638, rencontra de l'opposition. Appel fut interjeté en cour de Rome. La procédure se prolongea. Aussi, le P. de La Morinière a-t-il eu raison d'écrire : « C'est en procurant la réformation de cet ordre que Monsieur le cardi⚫nal a fini sa vie, après y avoir employé plus de travaux que « son âge ne pouvait supporter (1). »

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Pour ces diverses commissions, Rome expédiait des brefs spéciaux (2).

N'envisageant que le réformateur, nous n'avons pas à rappeler les fructueuses interventions du cardinal dans les affaires des autres ordres religieux. Les conflits trouvaient toujours en lui un pacificateur, les torts un redresseur, les difficultés un sage conseiller, les maux un habile médecin (3). Et, si nous nous bornons à mentionner seulement les nouvelles constitutions qui furent données aux haudriettes, dites ensuite religieuses de l'Assomption (4), nous aurons soin de transcrire cette réflexion bien juste et tant expressive de l'historien qui nous a parfois servi de guide : « Le cardinal n'avait rien en si grande affection <que de voir dans l'Église la sainteté des premiers siècles et... il pouvait dire de tous les ordres religieux ce que saint Paul << disait de toutes les Églises, que le soin qu'il en avait ne lui « laissait point de repos (5)... »

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(1) P. de La Morinière, Vie du card., p. 639.

(2) Le second bref, touchant les trinitaires, expédié par Urbain VIII le 25 octobre 1635, avait une durée de six ans. Les lettres patentes pour l'exécution de ce bref ne furent données que le 7 septembre 1637, à Saint-Maurles-Fossés. (Les deux actes imprimés dans même ms. Z. 37.)

(3) Les mss. fr. Z. 39 et Z. 37, in-fol., de B. S. G. renferment un certain nombre de documents sur ce point.

(4) P. de La Morinière, ibid., p.p. 590 et suiv.

(5) P. de La Morinière, ibid., p. 651.

B

ÉTAT FINANCIER DE L'ABBAYE

(La Congrégation de France, p. 195)

I

REVENUS

1° Droits seigneuriaux, (1)......... 26.918 liv. 4 sol. 8 den.

2o Cens sur mille quatre cent quatre maisons à Paris et deux cent trenteun particuliers en la terre et seigneurie d'Avesnes....

1.809

9

3o Rentes constituées sur le clergé, le roi, le domaine de la ville........ 20.447 40 Rentes foncières......

18

2.557

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(1) C'est par erreur que sur le relevé l'on a écrit pour droits seigneuriaux : 2.600 livr., ainsi qu'il appert du calcul fait pour les 30 années précédentes (1759 à 1789), à l'effet d'avoir l'année moyenne. Ce calcul se voit sur une pièce annexée.

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