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saint théâtre où les heureux des concours, en annonçant les grandes vérités chrétiennes à un public nombreux et choisi, devaient développer leurs aptitudes oratoires, afin de réaliser l'adage antique: Fiunt oratores.

Voilà près de trente ans que la patronne de Paris ne cesse d'être honorée dans son temple par son peuple fidèle.

Des menaces se font entendre. Finiront-elles par prendre tristement corps dans les faits? Mon âme de prêtre, de Français, d'ex-génovéfain veut rejeter loin, bien loin d'elle cette désolante pensée ou se livrer à la douce espé rance que le crime religieux n'aura que la durée d'un instant (1).

(1) Voir, Not. et Docum., D, pour certaines particularités historiques que nous n'avons pu toucher.

NOTES ET DOCUMENTS

A

AUTRES RÉFORMES DU CARDINAL

(La Congrégation de France, p. 79)

En se consacrant tout spécialement aux chanoines réguliers de Saint-Augustin, le commissaire apostolique était loin d'oublier les autres ordres dont la réformation lui avait été également confiée par le bref de 1622, c'est-à-dire les ordres de Saint-Benoît, de Cluny et de Citeaux.

Cependant le tableau historique à présenter ici se trouve réduit à d'assez petites proportions, car, si la réforme des chanoines réguliers de Saint-Augustin devint le principal objet de la longue mission de l'éminent prélat, l'œuvre si laborieusement accomplie est demeurée aussi la principale gloire de l'habile et zélé réformateur.

Le jour même, 11 mars 1623, où le prélat rédigeait une constitution particulière pour les chanoines réguliers, il lançait une ordonnance générale qui regardait les quatre ordres ensemble. Elle avait pour objet de rappeler ou interpréter ce qu'il y a d'essentiel et de fondamental en religion, les trois vœux et la vie commune (1).

(1) B. S. G., pièce imprimée, ms. fr. Z. 33, in-fol., sous le titre : Articles faicts... pour le restablissement de l'observance régulière és monastères qui en ont besoin ès ordres de Saint Augustin, Saint Benoist, Clugny et Cisteaux.

Quelque six mois après, le 12 octobre, il traçait encore un réglement applicable aux moines comme aux chanoines. La réception à l'habit et à la profession religieuse, les noviciats à établir au nombre de un ou deux par chaque congrégation furent la matière principale des prescriptions (1).

Mais que fallait-il entendre par ce mot de congrégation, que le cardinal rappelait ici en s'inspirant du bref de Grégoire XV? N'était-ce pas là la destruction même des anciennes constitutions monastiques sous l'empire desquelles tant de monastères formaient corps pour vivre d'une vie commune et suivre une commune direction? Une interprétation autorisée, sinon authentique, paraissait nécessaire. Elle fut donnée en ces termes : « On fait savoir que ce terme de congrégations ne désigne autre « chose que ce que dénote celui de provinces, lequel ne fait au«cune division en chaque ordre, mais seulement quelque dis<< tinction ès charges des supérieurs pour apporter plus d'ordre « et de facilité au gouvernement, toutes les congrégations ou « provinces conservant toujours entre elles l'unité et leur rapport et dépendance du supérieur général..... (2) » D'ailleurs, on se garderait de rien précipiter. On commencerait par former, pour chaque ordre, une première congrégation en groupant les maisons les plus rapprochées de la capitale.

«

Enfin, des visiteurs étaient aussi nominés pour les diverses maisons des ordres de Saint-Benoit, Cluny et Citeaux. Celles de ces commissions que nous avons eues entre les mains portent les dates de 12 mars, 7 juillet et 30 août 1623, 15 janvier et 3 juillet 1624 (3).

Comme on le voit, le commissaire apostolique, dans cette seconde partie de sa mission, ne déployait pas moins d'activité que dans la première. D'où vient donc que son zèle fut moins heureux, ou plutôt n'obtint point les mêmes brillants résultats ? En présentant l'historique du zèle, nous découvrirons la principale raison du moindre succès.

D'abord, l'ordre de Saint-Benoit.

Dans cet ordre, un souffle rénovateur se faisait déjà sentir, sous lequel s'engendrait la célèbre Congrégation de Saint-Maur. Le moment approchait donc où il y aurait surtout à favoriser

(1) Pièce imprimée, dans même ms. 33, sous le titre : Réglement pour la réception à l'habit et profession de Saint Benoist, Cluny, Saint Augustin et Cisteaus.

(2) Pièce imprimée, dans ibid.

(3) Même ms. plusieurs de ces pièces sont imprimées.

les progrès de la congrégation naissante et à prescrire, quand besoin serait, l'établissement de ces religieux dans les monastères relâchés. C'est ce que comprit et accomplit le cardinal: Moutier. Saint-Jean et Saint-Denys attirèrent, en particulier, ses soins, ses instances, ses efforts, voire ses coups d'autorité. Si, en ce qui concernait la première abbaye, un devoir spécial s'imposait à lui, l'illustration de la seconde autant que la grandeur du mal lui conseillaient une intervention directe, efficace. « Nous avons estimé, disait-il, suivant le louable désir de Sadite Majesté, ne « pouvoir donner un plus digne commencement à un dessein do telle importance que par la réformation de l'abbaye de Saint« Denys en France..., tant pour la célébrité et ancienne sainteté « du lieu..., que parce que l'observance régulière y est notoi. rement et notablement relâchée et presque entièrement « éteinte (1).

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Tout se passa sans opposition bien sérieuse à Moutier-SaintJean. Le cardinal agissait en même temps comme abbé. En effet, lorsque, en 1630, il avait renoncé à la charge de grand aumônier, il s'était vu gratifié par le roi de la première dignité de cette abbaye. Cette circonstance ne fut peut-être pas inutile à l'aplanissement des voies (2).

Mais, écrivait un historien du temps, « ce que fut La Rochelle à l'invincible courage de Louis XIII, Saint-Denys le fut au zèle de Monsieur le Cardinal (3). » Un enfant, Henri de Guise, archevêque de Reims, se trouvait à la tête de l'abbaye. Les religieux, à commencer par les dignitaires, montraient le plus mauvais vouloir. Le cardinal, après s'être par lui-même rendu compte de l'état de l'abbaye, décida qu'elle serait remise aux mains des bénédictins réformés. Mais comment contraindre à l'obéissance? Il fallait pour cela un arrêt souverain qui se faisait attendre, le conseil d'Etat subissant des influences contraires. Le cardinal passa outre. Il pria les deux commissaires que le roi avait précédemment nommés, Lezeau et Vertamont, et les évêques de Senlis et d'Auxerre de l'accompagner à Saint-Denys. La présence de ces éminents personnages, un discours aussi pa

(1) Ordonnance pour la réformation de Saint-Denys, 21 juillet 1633, pièce imprimée, dans même ms. Z. 33, et reproduite par Félibien, Histoire de l'abbaye royale de Saint-Denys.

(2) P. de La Morinière, Vie du card., p. 605, et B. S. G. ms. fr. 7. 2, in-fol., p. 206.

(3) P. de La Morinière, ibid., p. 606.

thétique que paternel du cardinal, sa résolution ferme et fortement accentuée de procéder immédiatement à l'exécution de l'ordonnance apostoliquement rendue, il n'en fallut pas davantage pour triompher de l'opposition et réduire au silence quelques velléités tardives de protestation. Le P. Tarisse, supérieur général de la Congrégation de Saint-Maur, suivant la convention intervenue, était déjà arrivé avec trente-trois religieux. Le commissaire apostolique les mit aussitôt en possession de l'abbaye, puis régla les pensions des anciens moines. Un arrêt du conseil d'État vint sans retard ratifier le fait accompli. L'année 1633 vit s'opérer la féconde réforme estimée presque impossible (1). Cette réforme avait précédé de deux ans celle de Moutier-SaintJean.

Peut-on dire qu'une réserve analogue s'imposait au cardinal à l'endroit de Cluny et de Citeaux? Y avait-il quelque motif d'espérer que l'impulsion rénovatrice s'étendrait de la famille bénédictine jusqu'à ces deux ordres qui, en définitive, n'en étaient que deux rameaux considérables, puisant, comme la tige, la sève religieuse dans le même sol, la règle du solitaire de Cassin? Ces conjectures sont permises. Ajoutons qu'une grande probabilité ne leur fait pas défaut.

L'union de Cluny et de Saint-Maur fut même la pensée première du cardinal. Nous le voyons, en effet, par une ordonnance, en date du 26 juin 1623, prescrire cette union sous la forme et dans les conditions d'une congrégation dont l'abbé de Cluny serait le général (2). Si l'union ne s'effectua point, l'espérance de l'influence réformatrice ne dut pas être abandonnée. Du reste, le cardinal trouva dans l'abbé actuel de l'antique monastère, Jacques d'Arbouze, une âme qui comprit l'œuvre et y collabora généreusement, ainsi qu'en font foi les lettres entre eux échangées (3). Par son titre de coadjuteur de l'abbé de Cluny en 1627, par la dignité abbatiale qui lui échut en 1629, le cardinal de Richelieu succéda naturellement au cardinal de La Rochefoucauld dans la mission réformatrice. Aussi ce dernier ne fit-il pas renouveler ses pouvoirs apostoliques au sujet de Cluny, comme il le fit au sujet des ordres de Saint-Benoit et de Citeaux.

(1) Félibien, Histoire de l'abbaye royale de Saint-Denys, Paris. 1706, p. 456-461, avec renvois aux Pièces justificatives. L'arrêt et les lettres patentes sont datés de Nancy, le 26 septembre 1633.

(2) B. S. G., ms. fr. H. 9, in-4, pièce imprimée. (3) Plusieurs de ces lettres même autographes le même ms. Z. 33.

sont conservées dans

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