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jeunesse, consola leurs derniers jours et sanctifia leur « fin (1). »

(1) Mémoires de l'Institut, loc. cit., p. 32-36.

Le jugement, inséré dans les Annales de philosophie, d'histoire, de morale et de littérature, ne regarderait donc que l'historien. Nous lisons dans ce périodique (an. 1807, p. 331-332), au sujet de l'Histoire de France d'Anquetil: Il semble avoir pris à tâche de ne pas laisser voir sa « manière de penser sur la religion... Pour nous, nous ne saurions assez « témoigner notre éloignement pour cette tactique tortueuse. Nous ne << saurions trop dire combien nous parait digne de blâme un prêtre, un « religieux, qui, oubliant tous les liens qu'il a contractés, ne parle de la « religion que sur le ton d'une lâche insouciance, qui passe ses malheurs « sous silence ou qui les raconte sèchement, et qui s'étend moins sur sa «< chute déplorable que sur celle des billets de banque. C'est là, on peut « le dire, le vice dominant de cette histoire. » Nous le dirons, à notre tour, la sévérité de ce jugement, au point de vue historique, ne nous paraît pas suffisamment justifiée. Anquetil n'a-t-il pas écrit, sur la Constilution civile du clergé, que « loin de le constituer », elle « le détruisoit », que, par elle, « la hiérarchie de l'Église étoit renversée »? N'a-t-il pas trouvé des paroles indignées contre la persécution dont le clergé, les religieux et les religieuses étaient l'objet ? (Voir, entre autres, les pages 346347, 355-356, 380-381 du XIIIe vol., édit. de 1805).

Nous venons de mentionner l'Histoire de France de notre auteur. Elle fut mise au jour en 1805 (14 vol. in-12). Qu'il nous soit permis d'exprimer un regret, Anquetil n'aurait pas dû, à la fin de sa vie, oublier les justes frayeurs qui l'avaient saisi, à la maturité des années et du talent; et alors il se fût gardé, presque octogénaire, d'entreprendre cet ouvrage considérable, le plus faible, bien que le plus répandu, de tous ceux que sa plume a produits.

Précédemment, le même historien avait enrichi notre littérature d'une œuvre assez originale et d'une exécution plus facile. Attaché aux relations extérieures, il écrivit, par l'inspiration de Talleyrand qui dirigeait ce ministère, les Motifs des guerres et des traités de paix de la France, de l'acte diplomatique de Westphalie à celui de Versailles (Paris, an VI, 1 vol. in-8°). Anquetil était de l'Institut. Son ancien titre de correspondant de la défunte académie des inscriptions et belles-lettres l'avait naturellement désigné pour le corps savant que le Directoire constituait ou réorganisait. Il prit rang parmi les premiers membres de la classe des sciences morales et politiques pour passer, quelques années après, lors de la nouvelle réorganisation sous le consulat, dans la classe d'histoire et de littérature ancienne. A la première de ces deux illustres compagnies, il communiqua deux Mémoires qui ont dû être la pensée première ou une sorte de préface de l'ouvrage à l'instant mentionné : État de l'Europe avant la paix de Westphalie et Coup d'œil sur les anciennes relations de la France, (Mémoires de l'Institut, sciences morales et polit., tom. I).

Anquetil eut la douleur de perdre son frère, le fameux orientaliste (1805), auquel il consacra quelques pages (Notice sur la vie de M. Anquetil du Perron). Quant à lui, sa robuste santé paraissait défier les années. Elle lui

permettait de donner à l'étude dix heures par jour et lui laissait espérer la continuation et l'achèvement de nouveaux travaux. Un érysipele vint briser sa vie et ses espérances. La veille du jour fatal (septembre 1806), il disait à ceux qui le visitaient : « Venez voir un homme qui meurt tout plein de vie. Il était dans sa quatre-vingt-quatrième année. A sa carrière d'écrivain aucune distinction n'avait manqué, pas même celle de membre de la Légion d'honneur, récompense que l'empereur entendait surtout accorder à l'auteur de l'Histoire de France.

L'historien dans Anquetil nous est suffisamment connu, car cette appré ciation générale se dégage clairement des pages précédentes: si le pen seur a été parfois en défaut, le travailleur s'est montré ardent, le chercheur consciencieux, l'écrivain facile, sinon toujours correct et méthodique; le désir de produire beaucoup et rapidement n'a pas peu contribué aux défauts signalés; enfin l'entreprise colossale des derniers jours a été loin de tourner à la gloire de l'auteur. Voilà comment, avec une grande intelligence, de rares aptitudes, un travail opiniâtre, des débuts presque brillants, une longue carrière, de volumineuses productions, cet historien, en fin de compte, ne s'est guère élevé au-dessus de la médiocrité.

ÉPILOGUE

Comment, à la fin de ce second volume, n'avoir pas un second souvenir pour la patronne de l'abbaye et de la congrégation? Comment ne pas tracer ici une nouvelle page des efficaces interventions de celle qui n'a cessé de se montrer le salut de Paris et de la France ?

Des grâces particulières pourraient s'inscrire; et nous aurions à citer, entre autres, les noms du savant et littéraire Jean Morel (1) et de l'illustre Peteau (2) qui, à l'exemple d'Érasme et de l'aveugle de Bruges, empruntérent à la poésie son langage divin pour chanter leur profonde gratitude.

(1) Ab Divam Genovefam precatio, cum e gravi et periculoso morbo laborarem el repente convaluissem; prière qu'il termine par cette strophe :

Quanta sanctorum, Deus o, tuorum
Vis es et Virtus! Prece sie peracta,
En redit sanguis, vigor et resumptos
Roborat artus.

(Hymni sacri; item pleraque alia poematia......., authore Joanne Morello, scholæ Remensis in academia Parisiensi moderatore, Paris, 1623, in-4, p., 146.)

(2) Ad Genovefam, urbis patronam, saturum carmen; poème dont ces deux vers sont l'éloquente signature:

Hæc tuus ille cliens, Genovefa, Petavius æger
Cantabat, veteris quærens solatia morbi.

Cette pièce a été imprimée en 1652, in-4.

Mais n'évoquons que les faits qui intéressent le royaume, ne rappelons que les grandes bénédictions qui sont descendues sur lui.

Parfois le ciel semblait ouvrir ses cataractes et menacait la terre d'un nouveau déluge. Parfois aussi il refusait la pluie de ses nues et déchaînait les ardeurs brûlantes de son soleil. 1625 et 1694 marquent parmi ces fatales années. Les annales de Paris disent, d'une part, un splendide tableau atteste, de l'autre, que ces inclémences ont cédé devant le cri de détresse qui retentit de l'abbaye à Notre-Dame et que Geneviève porta au pied du trône de la divine miséricorde (1).

(1) A la procession du 26 juillet 1625, le cardinal de La Rochefoucauld tenait, malgré ses soixante-sept ans, à marcher pieds nus, comme ses religieux. Il fallut les plus vives instances pour le faire consentir à accepter des sandales.

A la suite de la procession du 27 mai 1694, le prévôt des marchands, les échevins et officiers de l'hôtel de ville chargèrent le peintre Largillière de les représenter payant, au nom de la cité, à la patronne de Paris le tribut de la reconnaissance. (Piganiol de La Force, Descript. de la ville de Paris..., Paris, 1765, tom. VI, p. 73.) Ce tableau se voit aujour d'hui dans l'église Saint-Étienne du Mont.

Piganiol ajoute « Le peintre y a représenté Santeul, chanoine régulier « de Saint-Victor; et, au lieu de laisser paraître son rochet, il l'a enve«<loppé dans son manteau qui est noir. Santeul ne fut pas plutôt in« formé de cette malice pittoresque qu'il porta sa plainte au prévôt des marchands... Cette plainte est en beanx vers latins et intitulée : In votiva alabella ad ædem D. Genovefæ, pictus fraudulenter conqueritur ex albo « Santolius niger. Ad Cl. Bosc, urbi præfectum, »

Charles Perrault célébra aussi sous ce titre : Le triomphe de sainle Geneviève, le fait surnaturel de 1691. C'est un morceau poétique que nous a conservé le Recueil de pièces curieuses et nouvelles, La Haye, 1694-1696, tom. XI, p. 196 et suiv. Nous y lisons :

Le long et triste cours d'une implacable guerre
D'un déluge de maux avoit rempli la terre,
Et la pâle famine amenoit après soi
La tristesse, l'ennuy, la langueur et l'effroi.
Avec ce monstre affreux le ciel d'intelligence
Menaçoit d'augmenter la publique indigence:
Son front invariable et devenu d'airain,
Toujours clair et toujours cruellement serain,
Aux vallons desséchés, aux plaines embrasées
Refusoit sans pitié jusqu'aux moindres rosées.

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