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«< mâle, dit le P. Mongez, chante d'abord mi, fa; et, pendant qu'il poursuit rẻ, mi, elle (la femelle) commence mi, fa, et toujours de même ; ce qui produit un accord « qui doit être agréable, quand une troupe nombreuse de «< cygnes est réunie et chante en même temps. Au reste, a ce chant n'est pas aussi varié que celui des oiseaux chan« tants; mais il l'est un peu et principalement dans la << dernière note, sur laquelle ils font une longue tenue. » Pouvait-on qualifier ce chant d'harmonieux? C'était au mois de juillet que le P. Mongez se trouvait à Chantilly, et, bien que la voix des cygnes fût très perçante, le chant lui avait paru assez gracieux. Mais, au dire de l'inspecteur, leur voix, qui se faisait entendre le matin, le soir et sous le coup d'impressions fortes et vives, devenait « plus mélodieuse dans le printemps, saison de leurs amours ». Ainsi s'exprimait le savant génovéfain dans un Mémoire sur des cygnes qui chantent, mémoire qui fut lu, en 1783, et à l'académie des sciences et à celle des inscriptions, après avoir été préalablement l'objet d'un rapport, à la première de ces deux académies, signé : Daubenton, Brisson, Vicq d'Azyr, et se terminant par ces mots : « Nous pensons que «ce Mémoire est digne de l'approbation de l'académie et « d'être imprimé parmi ceux des savants étrangers. » Le Mémoire et le Rapport parurent ensemble (1).

(1) Paris, 1783, in-8. Voir, pour citation, p.p. 19 et 18.

Il est de notre devoir d'ajouter que, dans le Rapport, nous voyons l'abbé Arnaud, un des commissaires que, à ce sujet, l'académie des inscriptions avait envoyé à Chantilly, assigner d'autres notes au chant de ces cygnes. Suivant ce commissaire, à la suite d'un prélude, les deux chanteurs procédaient ainsi : « Le mâle reprend et son cri modulé s'étend « du la au si, avec un coulé. La femelle ensuite pousse un son, qui du sol « dièze s'étend au la, aussi avec un coulé, et ils reprennent dans le même « ordre... » (Ibid., p. 37.)

En dépit de ces assertions et malgré le quasi-patronage de l'académie, la théorie des cygnes chanteurs eut peu de succès ou, du moins, n'en eut pas de durable. Mongez lui-même, quelque quarante ans plus tard, faisant allusion aux cygnes de Chantilly, les aurait qualifiés de « hurleurs ou sauvages ». (Mémoires de l'Institut..., académie des inscriptions, tom. X, p. 375.)

L'académie des inscriptions et belles-lettres allait bientôt compter le P. Mongez au nombre de ses membres. 1785 vit s'opérer un changement au sein de cette illustre compagnie. Le roi, pour satisfaire aux vœux qui lui avaient été exprimés par un grand nombre de gens de lettres, créa une classe d'associés libres et résidant à Paris. On se proposait surtout de procurer à la compagnie le concours de savants qui se trouvaient exclus, ou par les règlements et les usages, ou par l'impossibilité d'assister régulièrement aux séances. Les nouveaux académiciens, au nombre de huit, devaient être, pour cette fois, choisis par le roi. Mongez fut l'un d'eux (1). C'était une gloire pour le génovéfain; c'était aussi une bonne recrue pour l'académie.

Les succès à Paris ne préservaient pas de tout échec en province. L'académie d'Amiens avait mis au concours de 1785 l'éloge de Gresset. L'auteur de Vert-Vert était enfant de la capitale de la Picardie et membre de l'académie qui y siégeait, double motif pour mettre l'éloge du poète au nombre des travaux que couronnait, chaque année, cette société à la fois littéraire, scientifique et artistique. Le sujet était tentant. L'infatigable génovéfain se mit à l'œuvre. Sur quatorze travaux qui furent adressés, pas un qui répondît pleinement aux vues de l'académie. Mais échouer avec Bailly, un des quatorze concurrents (2), ne devait pas être un échec bien sensible (3).

Le nouvel académicien s'occupait alors d'un immense travail. Court de Gébelin était mort, avant d'avoir commencé le Dictionnaire d'antiquités devant faire partie de l'Encyclopédie méthodique. On s'était adressé à Mongez qui étendit le plan primitif, en ajoutant aux antiquités propre

(1) Les autres étaient : Dom Clément, Dom Poirier, Bailly, Barthez (P. Joseph), Camus (A. Gaston), Hennin (P. Michel) et Silvestre de Sacy. (Académie des inscript., tom. XLVII, Histoire, p. 10-12.)

(2) Maximilien Robespierre, était aussi du nombre des concurrents. (3) Walckenaer, Notice..., p. 7; Histoire de la ville d'Amiens par M. Dusevel, Amiens, 1848, p. 425-427.

ment dites la mythologie, la diplomatique et lachronologie. Les trois premiers volumes furent mis au jour, de 1786 à 1790.

Mongez trouvait encore du temps à consacrer à une œuvre qui demandait non seulement de l'érudition, mais le sentiment et le goût du beau dans les arts, la connaissance des artistes, de leurs ceuvres, des diverses écoles auxquelles ils se rattachent. Il s'agissait de donner les Explications de la fameuse Galerie de Florence et du palais Pitti dont les tableaux, statues, bas-reliefs et camées étaient dessinés par Wicar. Le premier volume porte le millésime de 1789.

Dans sa jeunesse, lorsqu'il étudiait au prieuré d'Énaux, Mongez avait puisé dans les traités de Rivard et de Lacaille. des connaissances mathématiques, et demandé au Dictionnaire de Paulian des notions de physique. Il avait même débuté dans le professorat par l'enseignement des mathématiques à l'établissement de Nanterre (1). Les sciences conservèrent pour lui des attraits. Le Journal des Savants n'a pas tort de voir en cet érudit une « sorte d'expression vivante des relations qui existent entre l'étude de la nature et celle de l'histoire » (2). Au reste, notre génovéfain était assez versé dans les sciences exactes pour donner, en 1789, à la Bibliothèque universelle des dames, deux petits traités d'arithmétique et d'algèbre (3).

On lui attribue la Vie privée du cardinal Dubois (4), œuvre anonyme rédigée, disait-on, d'après le journal d'un secrétaire du prélat, mais conservant trop les allures et le ton du pamphlet pour faire autorité en histoire, œuvre, en tout cas, peu digne du talent sérieux de Mongez. Disons-le tout de suite, le moment approchait où le génovéfain allait signer sa renonciation à la vie religieuse, en attendant qu'il

(1) M. Walkenaer, Notice historique sur Mongez, p.p. 4, 5. (2) Journal..., septembre 1835, p. 566.

(3) Arithmétique, 2 vol. in-18; Algèbre, 3 vol, in-18. (Voir la France liltéraire et la Biographie univers.)

(4) Londres, 1789, 1 vol. in-8.

signât son acte de mariage. Désormais, en Mongez, la vie du savant appartient à l'Institut, et la vie du citoyen à la révolution ou aux carrières civiles (1).

(1) Fervent adepte de la révolution, Mongez s'unit d'abord aux Girondins. A la chute des Girondins, il inclina vers la Montagne.

Clavière le fit entrer (23 mai 1792) avec Bertholet et Lagrange à la Commission des monnaies qui allait devenir l'Agence monétaire.

Lors de la création de l'Institut, Mongez était appelé à prendre rang dans la classe de littérature et beaux-arts. Devant cette haute assemblée, il donnait, en 1796, lecture de ses Considérations générales sur les monnaies (Paris, in-8).

Il continuait, en même temps, ses autres travaux d'érudition. Les der niers volumes du Dictionnaire d'antiquités furent donnés au public (le IVe vol. porte pour millésime 1792, et le Ve l'an II de la république).

Un poète du grand siècle attirait l'attention de l'ex-génovéfain qui, à la passion de la science, joignait le sentiment, le goût, l'estime, sinon l'admiration de la belle littérature. Mongez publia, en l'an V, les Fables de La Fontaine avec des notes grammaticales, mythologiques... (Paris, 1 vol. in-12.)

Il fut appelé au tribunat. Orateur peu brillant, il n'y prenait que bien rarement la parole. Toutefois, en certaines circonstances, il savait y faire entendre de nobles accents. Tantôt il invoquait en faveur des émigrés « les principes de justice éternelle ». (Séance du 6 ventôse, an VIII, Moniteur, p. 655). Tantôt il applaudissait à la généreuse volonté d'affecter aux hospices les rentes dont jouissait l'État. (Séance du 2 ventôse, an IX, Moniteur, p. 639.) Une autre fois, il rendait, en termes émus, hommage à la mémoire de Dolomieu, de « cet habile minéralogiste, devenu aussi célèbre en Europe par ses souffrances, qu'il l'était par ses écrits sur l'histoire naturelle ». (Séance du 15 frimaire, an X, Moniteur, p. 301.) Comme plusieurs de ses collègues, il paya de son élimination de ce corps délibérant certaines allures d'indépendance.

L'hôtel de la monnaie le revit simple fonctionnaire. Nommé d'abord commissaire (1802), il devint, l'année suivante, en remplacement de Dibarrart, un des trois administrateurs, poste qu'il conserva jusqu'au 1er janvier 1828. L'heure de la retraite sonna alors pour lui: il touchait à sa quatre-vingtième année.

Un indult de Pie VII, en date du 9 septembre 1814, l'avait rendu à la vie séculière. Le 26 octobre suivant, en l'église Saint-Germain des Prés, sa paroisse, il légitimait sacramentellement son union civile avec Angélique Levol, peintre d'un certain renom. (Voir registres des mariages de ladite église.)

A la seconde restauration, il avait cessé quelque temps de faire partie de l'Institut. Cet illustre corps n'ayant pas été à l'abri des épurations royales, Mongez fut momentanément un des sacrifiés.

Les dernières livraisons de la Galerie de Florence et du palais Pitti n'avaient pas encore vu le jour - trente ans avaient été consacrés à cette belle publication : les 49o et 50e livraisons paraissaient en 1821 que Mongez s'était vu chargé de continuer une autre œuvre considérable où 23

T. II.

III

VENTENAT (PIERRE-ÉTIENNE)

(1757-1808)

L'illustration de Ventenat date, il est vrai, de l'époque où l'époux et le père avaient pris la place du religieux. Mais c'est comme génovéfain qu'il a formé son intelligence par de brillantes études et inauguré sa glorieuse carrière de botaniste par de solides travaux préparatoires. A ce titre, il doit prendre rang parmi les écrivains de l'abbaye.

C'était un enfant de Limoges. A quinze ans, il recevait l'habit dans la Congrégation de France. Bientôt les cours de philosophie et de théologie décelaient en lui un esprit supérieur (1).

l'art et l'érudition se trouvaient également alliés : nous entendons l'Iconographie romaine dont un 1er volume avait été publié par Visconti (Paris, 1817, in-4o) et dont les deux autres le furent par le savant français (Paris, 1821-1826, in-4).

De 1796 à 1828, notre savant lut de nombreux Mémoires à la classe académique à laquelle il appartenait. La plupart ont été analysés ou imprimés dans l'important recueil publié par la docte compagnie. (Mémoires de l'Institut, classe de littérature et beaux-arts, classe d'histoire et de lillérature ancienne, académie des inscriptions et belles-lettres.)

Travailleur infatigable, Mongez, presque au terme de sa carrière, se livra à d'autres études. A ses yeux, les Acta sanctorum étaient une mine féconde qu'on pouvait, qu'on devait exploiter dans l'intérêt de la science archéologique. Il résolut, à cette fin, d'en extraire et traduire un cortain nombre de passages. Pendant quatre ans (1829-1833), de fréquentes lectures associèrent l'académie aux nouveaux travaux du vieil académicien, (M. Walkenaer, Notice..., p. 18.) Espérait-il mener à terme la grande entreprise? On l'eût pensé à voir l'ardeur qu'il y apportait. Mais la mort ne le permit pas elle le frappa en juillet 1835, après l'avoir épargné jusqu'à l'âge de plus de quatre-vingt-huit ans.

(1) La Bibliothèque nationale possède une thèse théologique, que Ventenat soutint, le 7 août 1780, in aula insignis el regalis ecclesiæ Sanctæ Genovefæ Parisiensis (Paris, 1780, in-4). Il était diacre alors. La thèse, qui a pour épigraphe : quis est rex gloriæ? traite de l'existence et des attributs de Dieu.

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