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devint que plus ferme dans la poursuite du but désiré. Il avait des amis puissants qu'il sut faire agir.

Pour toute réponse, le P. Faure demandait au cardinal un acte d'autorité. Selon son habitude, celui-ci voulut avoir l'avis de son conseil intime qui tint séance le 1er mars 1635. Ces trois points furent arrêtés:

1° Il n'y aura en France qu'une seule congrégation de chanoines réguliers de l'ordre de Saint-Augustin;

2o Défense sera faite à tout monastère de cet ordre de recevoir, dans un but de réformation, des religieux autres que ceux de la congrégation de Paris;

3o La multiplication des monastères pourra permettre de les grouper par provinces; mais tout cela ne formera qu'un seul corps qui obéira à une seule tête.

Une ordonnance du 28 mars suivant fut rendue en conséquence. Et ce point spécial, en ce qui regardait Chancelade, s'y trouvait en même temps réglé :

Les quatre monastères réformés par l'abbé de Chancelade pourront, eu égard à certaines divergences régulières, ne pas entrer dans la congrégation; mais il leur demeure interdit d'en constituer une autre,

L'abbé de Chancelade, peu satisfait de la concession, ne désespérait pas de faire quelques brèches à l'ordonnance. Il vint lui-même à Paris, dans le mois de décembre de cette année 1635. C'était pour livrer un dernier et suprême assaut, car, jusque-là, les tentatives de ses amis avaient échoué devant la fermeté du commissaire apostolique.

Il visait à se faire accorder une commission pour la réformation des monastères dans le sud-ouest de la France : il aurait le simple titre de provincial, mais il serait indépen dant du supérieur de la congrégation. Donc, ses zélés protecteurs ou partisans, les archevêques d'Arles et de Toulouse, plusieurs jésuites et carmes déchaussés, se réunirent, le 15 décembre, en l'hôtel abbatial de Sainte-Gene

viève. On réédita, avec quelques variantes dans la forme, les raisons déjà produites. Le commissaire apostolique répondit qu'il aviserait.

A la suite de cette réunion, le P. Faure et le P. Boulart furent mandés et exposèrent aussitôt, en attendant que le lendemain ils présentassent un long mémoire à l'appui, l'impossibilité de souscrire à pareille demande : c'eût été dresser autel contre autel.

Le 20 décembre suivant, le commissaire apostolique réunit son conseil. L'abbé de Chancelade fut convoqué. « Pour donner quelque chose à ses mérites», on confirma purement et simplement la faculté, à lui déjà concédée, de gouverner les quatre monastères. Ses nouvelles instances n'obtinrent rien de plus (1).

Naturellement, par suite de la décision, mentionnée tout à l'heure (2), du cardinal de La Rochefoucauld, la province ou congrégation de Paris, prenait le nom de Congrégation de France.

Les progrès de la réformation étaient, d'autre part, des plus consolants: elle s'établit à la prévôté d'Énaux, diocèse de Limoges (3), à Saint-Martin d'Amiens (4), à Sainte-Ma

(1) Ms. fr. H. 21, in-fol., p. 382-405.

(2) Décision du 1er mars 1635, d'après laquelle il n'y aurait qu'une congrégation de chanoines réguliers.

(3) La prévôté d'Énaux dans sa réformation n'offre rien de bien intéressant. (4) Saint-Martin-aux-Jumeaux d'Amiens était un monument élevé à l'acte si connu de l'étonnante charité du généreux catéchumène, du futur évêque de Tours. Le fait avait eu lieu à la porte de la cité, dite porte aux jumeaux ainsi s'explique la dénomination. Dans la seconde partie du VIe siècle, c'était un couvent de religieuses. En 1073, il fit place à une église desservie par des clercs qui, obéissant à l'impulsion religieuse d'alors, ne tardèrent pas à adopter la règle de Saint-Augustin (1109).

Lorsque, sous Louis XIII, le couvent des Célestins fut compris dans les travaux d'agrandissement de la citadelle, l'on songea à établir ces religieux à Saint-Martin qui ne comptait plus que deux ou trois chanoines sans abbé. Tel était le projet de l'évêque et du gouverneur de la ville. Les chanoines auraient bien voulu se déclarer les adversaires du projet. Mais que pouvaient-ils contre si forte partie? Ils jetèrent les yeux sur la Congré gation de France. L'abbaye fut proposée au P. Faure qui accepta, et le

deleine de Châteaudun (1), à Saint-Pierre d'Auxerre (2), à

concordat signé incontinent. Ceci se passait le 13 février 1634. Le P. Faure fit prendre possession le 1er mars suivant.

Quelque temps après, obligés par lettres patentes de céder l'abbaye aux Célestins, les chanoines reçurent l'hospitalité à Saint-Acheul, revinrent ensuite s'établir dans la maison dite des Douze Pairs de France, et, l'année suivante, en novembre 1635, ils pouvaient solenniser dans leur nouvelle église la fête de leur illustre patron.

(Gal., tom. X, col. 1226-1227; même ms., p.p. 274 et suiv.)

(1) Une tradition respectable rapporte à Charlemagne la fondation de cette abbaye. Ce qui est certain, c'est qu'au temps de saint Yves, évêque de Chartres, des chanoines séculiers en desservaient l'église et firent place, en 1130, à des chanoines réguliers.

Lorsque Michel de Marillac, à la suite de la Journée des dupes, fut confiné, en troisième lieu, à Sainte-Madeleine de Châteaudun, il put voir de ses yeux le déplorable état de l'abbaye. L'honnête et religieux magistrat gémissait profondément de ces désordres. Il se prenait parfois à désirer d'être mis de nouveau en possession des sceaux pour avoir la satisfaction de les apposer au bas des lettres patentes qui ordonneraient la réforme. Quand il recevait la visite des religieux, il ne manquait pas de faire tomber la conversation sur le monastère, désignant même comme les agents naturellement indiqués de l'œuvre désirable les chanoines de la Congrégation de France.

Le monastère se trouvait aux mains d'un abbé commendataire. Cet abbé s'appelait La Ferté, et était chantre de la Sainte-Chapelle de Paris. Il fit de la réformation une affaire de conscience pour lui. Il adressa une requête au cardinal qui rendit, le 20 septembre 1634, l'ordonnance d'union. Au mois de décembre suivant, le P. Faure conduisait huit religieux à Sainte-Madeleine. Mais il dût en ramener six, si grand était le délabrement de la maison! Une année de travaux de restauration permit de compléter le chapitre.

(Gall., tom. VIII, col. 1317-1318, tom. VII, col. 786; ms. 2212, tom. XII du Recueil général de pièces, fin du vol.; ms. 21, p.p. 331 et suiv.; v. aussi Vie du P. Faure, p. 363.)

C'est par erreur que ce dernier ms. 21 indique l'année 1635 pour la prise de possession.

(2) L'on ne saurait préciser l'origine de cette abbaye. Mais elle ne paraît pas devoir remonter au delà du vie siècle. C'est au xe que les chanoines réguliers en prirent possession.

Dominique Séguier, promu à l'évêché d'Auxerre, rangea parmi les premiers devoirs de son épiscopat la réformation de ce monastère. Certes, il y avait urgente nécessité la justice civile avait dû elle-même user de répression. Le consentement de l'abbé commendataire obtenu, le prélat fit le voyage de Paris pour voir le P. Faure et lui faire agréer immédiatement sa requête, car c'étaient des chanoines de la congrégation qu'il voulait dans Saint-Pierre. Par malheur, les sujets manquaient pour l'instant. Sur les nouvelles instances du prélat, le cardinal prononça, le

Saint-Quentin-lez-Beauvais (1), à Notre-Dame de Chatillonsur-Seine (2), à Saint-Euverte d'Orléans (3).

31 août 1635, l'union si impatiemment attendue, et la prise de possession eut lieu quelques jours après.

(Gal., tom. XII, col. 434-435; même ms., 21, p.p. 425 et suiv.; v. aussi Vie du P. Faure, p. 362.)

(1) Nous connaissons les commencements de cette abbaye et son étonnante prospérité sous le gouvernement de saint Yves, postérieurement évêque de Chartres.

Elle avait été comprise par le cardinal de La Rochefoucauld au nombre des monastères appelés à composer la province de Paris. Conséquemment, l'ordonnance du cardinal lui avait été signifiée. En 1634 seulement, le P. Boulart fut chargé de la visite du monastère. Il s'assura, en même temps, des dispositions du chapitre. Augustin Potier, évêque de Beauvais, ayant donné le plus utile concours, tout s'arrangea.

Mais voilà qu'un revirement s'était opéré dans l'esprit de l'évêque : ce dernier songeait aux prêtres de la Mission. La question de la juridiction était pour beaucoup dans ce changement. Le supérieur général eut besoin de toute son habileté pour triompher, par de sages concessions, des susceptibilités épiscopales. C'est de là qu'est né le règlement conclu avec plusieurs évêques et dont nous allons faire mention. Rien ne s'y opposant plus, l'installation du nouveau chapitre se fit en avril 1636. (Même ms., p.p. 452 et suiv.; v. aussi Vie du P. Faure, p. 364.)

(2) C'est à Notre-Dame de Châtillon-sur-Seine que saint Bernard reçut les premiers principes des connaissances humaines. A la tête de cette église se trouvaient alors des chanoines séculiers qui tenaient école. Des chanoines réguliers succédèrent à ceux-ci peu de temps après. Durant cent années, l'abbaye demeura affiliée à la congrégation d'Arrouaise. L'époque de la séparation fut pour elle l'époque d'une décadence dont elle ne se releva pas, malgré ses rapports de confraternité avec l'abbaye voisine de Sept-Fontaines, malgré l'union contractée par elle avec le Val des Écoliers. La sécularisation paraissait le terme fatal vers lequel elle marchait.

Le souvenir de saint Bernard faisait désirer aux Feuillants la possession de Notre-Dame. Ils signèrent même avec l'abbé l'acte de cession. Mais, devant l'opposition des chanoines, le traité resta sans effet. Après bien des difficultés vaincues, la Congrégation de France prenait, en juillet 1634, possession de l'abbaye.

(Gal., tom. IV. col. 770-772; même ms., p.p. 467 et suiv.)

(3) Le corps de saint Euverte (S. Evurtius), évêque d'Orléans, avait été déposé dans un oratoire construit à quatre cents pas de la ville. Nous voyons que du temps de Charlemagne des chanoines célébraient l'office dans cet oratoire. Nous l'avons marqué précédemment, c'est de Saint-Victor de Paris que Saint-Euverte tira les chanoines de la première réformation (vers 1146). Saint-Euverte, alors, donnait l'exemple à Sainte-Geneviève. Mais, à cinq siècles de distance, Sainte-Geneviève allait devenir pour lui le foyer d'une nouvelle vie.

L'évêque d'Orléans, Nicolas de Nets, ne fut pas seulement le promoteur

T. II.

3

L'ordonnance du 28 mars 1635, rappelée précédemment au sujet de Chancelade, renfermait ces deux autres articles : 1° Au supérieur général seront donnés deux assistants élus par le chapitre de la congrégation, lequel nommera aussi un procureur général; provisoirement les PP. Baudoin et Boulart sont désignés pour assister le supérieur, et le premier remplira, en outre, la charge de procureur général;

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20 « En chaque monastère de ladite congrégation sera faite partition du revenu pour les menses abbatiales et << conventuelles, hormis en celui de Sainte-Geneviève, auquel tout le revenu de l'abbaye est réduit en commu« nauté de l'abbaye et des religieux par l'établissement de « l'élection triennale dudit abbé. Et au cas que le roi << nomme quelque religieux pour abbé ou pricur titulaire en quelques-uns des autres monastères, ledit abbé ou prieur ne jouira, en qualité d'abbé ou de prieur perpétuel, «que de la mense abbatiale ou pricurale, l'autorité spiri«tuelle pour le gouvernement dudit monastère étant « réservée au prieur ou sous-prieur conventuel qui y sera « établi par ladite congrégation; et le temporel de la « mense conventuelle sera gouverné par lesdits supérieurs « établis par ladite congrégation... » Et dans l'hypothèse où ce dignitaire venu du dehors voudrait faire partie de la communauté, il devrait renoncer à sa mense qui ferait retour à la communauté elle-même.

Le cardinal avait fait renouveler à Rome, pour deux ans, ses pouvoirs de commissaire apostolique. Le bref est du 27 avril 1634 (1). Deux ans plus tard, le 19 juin 1636, un autre bref lui fut expédié à la même fin et dans les mêmes conditions (2).

de l'entreprise; il en fut aussi l'habile autant qu'ardent exécuteur. Le 28 juillet 1636 fut fixé pour l'installation du chapitre génovéfain.

(Gal., tom. VIII, col. 1573-1575, 14i1; même ms., p.p. 487 et suiv.) (1) B. S. G., ms. fr. H. 2212, in-fol., tom. XII du Recueil génér., fol. 170177, où le bref est transcrit.

(2) Même ms. fr. H. 21, p. 504.

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