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« maxime d'écouter jusqu'à la résolution; mais, la résolu<tion prise, je l'exécute et je n'écoute plus rien (1). Comme il savait demeurer calme devant les calomnies de ses envieux! « Mes ennemis, disait-il, s'en lasseront enfin « comme de toute autre chose; il est difficile de plaire longtemps, quand on ne sait que dire du mal de la même « personne (2). » Et cette parole à son fils : « Les hommes << ne sont pas obligés d'être bien faits; mais ils sont dans « l'obligation d'être gens d'honneur et vertueux (3). » Et cette autre que ne doit jamais perdre de vue le zèle apostolique : « Ce n'est pas assez d'avoir raison, il faut la faire « goûter, et ne la pas proposer d'une manière choquante,

qui en éloigne ceux que vous entreprenez de convain« cre (4). » La grandeur d'âme de Fabert et sa résignation chrétienne n'apparaissaient pas moins quand la mort frappait une épouse bien-aimée, que quand elle venait le frapper lui-même. « Puisqu'il faut apprendre à mourir sans

répugnance, - ainsi s'exprimait-il sous le coup du pre<< mier malheur - il faut aussi apprendre à voir mourir << sans désespoir les personnes qui nous sont les plus «< chères (5). » Et sentant les approches de la mort, il mettait fin à un entretien avec un de ses amis par ces mots : Laissez-moi me recueillir, pour ne plus penser qu'à << rendre mon esprit à son créateur (6). »

Fréron, dans l'Année littéraire (7), se montra d'une grande sévérité à l'endroit de cette monographie. Le Journal des savants qui portait ce jugement: « Le mérite du héros et << la sagesse de l'historien ont concouru à former un ou« vrage aussi utile qu'intéressant», continuait à être plus

(1) Ibid., p. 300.

(2) Ibid., p. 244.
(3) Ibid., p. 287-288.

(4) Ibid., p. 183.

(5) Ibid., p. 193-194. (6) Ibid., p. 259.

(7) Tom. VI, let. I.

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dans la vérité, lorsqu'il ajoutait : « Si quelques lecteurs « lui reprochent (à l'auteur) trop de détails et de la pro«lixité dans le style, ils en seront dédommagés par l'in« térêt général qui domine dans son livre (1). »

Travailleur infatigable, le P. Barre fournissait, en même temps, des notes pour l'édition complète des œuvres de Van Espen (2); revoyait, à la demande de l'auteur, pour une nouvelle édition, le travail de Pfeffel, l'Abrégé chronologique de l'histoire et du droit public de l'Allemagne (3), et préparait une Histoire des lois et des tribunaux en France (4), œuvre importante que la mort ne lui a pas permis de mener à terme.

Si l'on ne connaît pas la date précise de sa naissance, l'on est mieux renseigné sur celle de son trépas. Il quitta cette terre, en juin 1764, à l'âge de soixante-douze

ans.

Nous disions plus haut que le P. Barre se montrait indulgent pour la doctrine janséniste touchant la grâce. Sa coopération à l'édition, sans corrections, des traités du docte, mais non irréprochable canoniste des Pays-Bas, et

: (1) Journal....., mai 1753, p.p. 281, 286. (2) Louvain, 1753, 4 vol. in-fol.

(3) Ce fut l'édition de 1786. Barbier, dans son Dictionnaire, no 32, affirme que Pfeffel « reprochait au P. Barre d'avoir omis des faits importants dans son Histoire générale de l'Allemagne », et que celui-ci, dans l'édition de l'Abrégé chronologique, de 1766, « en retrancha tous les articles qui pouvaient faire remarquer les lacunes de sa grande histoire ». Quérard se borne à reproduire la note de Barbier. Il eût été d'autant plus désirable d'indiquer la source des renseignements, que Pfeffel ne dit rien de tout cela dans les Préfaces des diverses éditions de son ouvrage. Dans la Préface de l'édition de 1776, il écrit simplement au sujet de celle de 1766: « Je ne parle pas de la troisième (édition) qui s'est faite à mon insu, à laquelle je n'ai pu fournir que quelques cartons. » En cet état, les assertions de Barbier nous paraissent, pour le moins, très hasardées.

(4) La Bibl. S. G. possède le ms. qui comprend trois vol. (L. fr. 26 (bis). Ce ne sont que des Notes, mais notes étendues et nombreuses que, sur la matière, l'on pourrait, même aujourd'hui encore, consulter non sans fruit.

On peut voir aussi dans le Mercure, mars 1762, p. 66-73, un Extrail d'une lettre du P. Barre... sur l'unité de la monarchie françoise.

ses relations avec l'abbé de Bellegarde, un ardent du parti, nous autoriseraient à croire que personnellement il ne s'éloignait pas assez, non plus, de ces étranges catholiques qui, malgré leur insoumission, prétendaient toujours demeurer dans l'Église et mieux connaître qu'elle les vérités de l'Évangile et la législation qui la régit ou doit la régir.

Mais deux faits viennent convertir en certitude la légitime présomption.

C'est, d'abord, une lettre inédite à l'abbé de Bellegarde, en date du 28 août 1759, et que le P. Barre termine par ces mots « Vale et longum vive reipublicæ litterariæ et Ecclesiæ bono (1) ». Des vœux semblables en vue « de la république des lettres », passe; mais en vue du « bien de l'Église », cela sent en plein le jansénisme.

Nous avons, ensuite, une note qui se lit au tome IV des œuvres de Van Espen, p. 310, note qui est due à la plume de notre génovéfain ou, du moins, a été adoptée par lui, puisqu'elle figure dans l'ouvrage inédit, tout à l'heure signalé, Histoire des lois (2)..., note qui est l'expression d'une doctrine contraire à la saine théologie. « La qualité

de protecteurs de l'Église, y est-il dit, ne donne pas aux << souverains le droit de faire des lois sur les matières spiri«tuelles, mais elle leur impose l'obligation de faire exé« cuter celles que l'Église a faites. C'est sur ce fondement « que les magistrats reçoivent les appels comme d'abus interjetés des sentences que les juges d'Église ont pro« noncées sur les matières spirituelles. Ils usurperaient «< une autorité qui ne leur appartient pas, s'ils recevaient « les appels comme d'abus, lorsque la sentence, contre laquelle l'appelant se pourvoit, n'est pas évidemment « contraire aux lois de l'Église, parce que dans ce cas il

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(1) B. S. G., ms. Z., in-fol., Correspondance.

(2) Elle se lit dans l'opuscule : Histoire de l'appel comme d'abus, lequel a pris place parmi les pièces relatives à l'Histoire des lois...

« s'agirait de l'interprétation des canons, laquelle n'est pas << de la compétence des magistrats. L'interprétation d'une « loi dépend de celui qui a l'autorité de la faire. Mais lors«qu'il est clair que les canons ont été violés, les magis«trats de France prétendent qu'on peut alors appeler <«< comme d'abus, qu'ils peuvent recevoir ces appels sans <<< mettre la main à l'encensoir, parce qu'ils servent l'Église << par leurs arrêts et qu'ils la font triompher des con<< tempteurs de ses lois. »

V

LENET (PHILIBERT-Bernard)

(1677-1748)

Janséniste comme Le Courayer, partisan des doctrines de celui-ci sur la validité des ordinations anglaises, Philibert-Bernard Lenet se garda cependant de le suivre dans l'apostasie.

Il était né à Dijon en 1677. Il appartenait à la famille du même nom qui avait donné deux présidents au parlement de Bourgogne et comptait comme illustration Pierre Lenet, procureur général et ensuite conseiller d'État. Son père était lui-même conseiller à cet antique parlement. Des liens de parenté l'unissaient aussi à Bossuet, évêque de Troyes, première cause, sans doute, des rapports assez intimes qui s'établirent entre eux.

Le P. Lenet occupa successivement les chaires de théologie des maisons de Senlis et de Provins. Il consacrait ses loisirs de professeur à l'étude de l'hébreu dans le dessein de mieux pénétrer le sens de l'Écriture sainte. Mais, à

Provins, une circonstance solennelle le révélait orateur : nous voulons parler de l'Oraison funèbre de messire François d'Aligre, abbé de Saint-Jacques, le monastère même où Lenet professait alors.

Cette oraison fut prononcée par ce génovéfain, dans l'église de l'abbaye, le 19 avril 1712 (1). Certes, le sujet à traiter était beau. François d'Aligre était fils du deuxième chancelier de ce nom. Entré dans la Congrégation de France, placé à la tête de l'abbaye de Provins, qui déjà avait eu plusieurs d'Aligre en qualité d'abbés commendataires, il fut non seulement un parfait religieux, mais un héros de charité. « Une piété éminente l'a rendu le modèle aussi << bien que le chef de ses frères...; une charité surabon<< dante l'a rendu le père et le protecteur du peuple. » Deux pensées que l'orateur, tout en s'égarant parfois dans des détails communs ou inutiles, développe avec talent et même éloquence.

Les ardeurs jansénistes de ce génovéfain devaient le condamner à une vie presque nomade. Envoyé à Reims pour diriger le séminaire qu'on avait confié à la congrégation, il perdait la confiance de l'archevêque et méritait sa révocation. A Saint-Quentin-lez-Beauvais où il fut nommé prieur, il se plaçait à la tête de la communauté pour interjeter appel de la bulle Unigenitus et faisait signifier l'acte capitulaire à l'évêque. Un nouveau changement fut la conséquence du procédé le P. Lenet quitta le priorat de SaintQuentin pour la dignité abbatiale du Val des Écoliers. Certes on ne pouvait pas dire que la congrégation le traitât mal. Mais voici que les décisions du concile d'Embrun (1727) contre l'évêque de Senez excitèrent le courroux du remuant janséniste. Cette fois, l'indulgence n'était plus possible : l'abbé devint simple religieux à Sainte-Catherine de Paris. Mais comment déserter la cause du parti? Pendant

(1) Imprimée la même année, à Paris, in-4,

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