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point suivant la place qu'ils occupent dans le martyrologe; 3o l'histoire des diverses maisons de l'ordre canonique (1).

L'on n'était pas moins unanime pour reconnaître en co génovéfain la rectitude du jugement, que pour rendre. hommage à l'étendue de son savoir. Le Journal de Verdun, toujours par la plume de l'abbé Lebeuf (2), ne nous apprend-t-il pas qu'on « lui apportait des ouvrages de toute espèce» et qu'on « se trouvait bien de ses remarques? »

nous en précontribua bien

Mais une question se pose nécessairement ici. Comment le P. Prévôt, si laborieux et en possession de tant de richesses, n'a-t-il mis au jour aucune œuvre ? Sans doute, les fonctions de bibliothécaire lui prenaient beaucoup de temps; son caractère serviable lui en faisait dépenser, en faveur d'amis ou de savants qui recouraient à son érudition, une autre portion assez considérable. Mais nous ne serions pas éloigné d'estimer, avec Moréri (3), que la chute, après de vives attaques, de son ami Le Courayer senterons le récit dans un instant quelque peu à le rendre circonspect en fait de publications. Lui-même avait adhéré au parti janséniste: il avait pris place, il est vrai, parmi les modérés; mais, enfin, il lui appartenait. Dans ces conditions, le silence dut lui paraître préférable. Il eut même la pensée de se retirer à La Trappe. Et peut-être, sans la prière d'un ami et la publication de la bulle Unigenitus dans l'austère couvent, le projet se fût-il réalisé (4).

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Le P. Prévôt resta et mourut génovéfain, jouissant,

(1) Ibid. L'on avait déjà, il est vrai, relativement à la bibliothèque, le travail de Philippe Elssius, Encomiasticon augustinianum; mais c'était un travail des moins complets et des plus défectueux. Thomas de Herrera avait, dit-on, laissé inédite une étude analogue (Antonio, Biblioth. hispaniensis).

(2) Ibid.

(3) Art. Prévôl.

(4) Voir, B. S. G., dans ms. fr. Z., in-4, la lettre inédite, adressée au génovéfain dégoûté, laquelle nous révèle ces faits. Dans ce même recueil, se trouve un grand nombre d'autres lettres également écrites au P. Prévôt.

durant sa vie, d'une grande autorité, et laissant, après sa mort, d'unanimes regrets au sein de la «< république des lettres » (1).

A cette utile existence d'érudit se rattache un grand souvenir, le souvenir d'un prince admirable en tout, s'il n'avait été janséniste tenace jusque sur son lit de mort. Ardemment pieux, admirablement charitable, ami des lettres et des sciences, protecteur de ceux qui les cultivaient, le fils du régent, Louis, troisième duc d'Orléans, s'était retiré à l'abbaye de Sainte-Geneviève. Il y vécut les dix dernières années de sa vie, les consacrant aux exercices religieux, à l'étude, aux oeuvres de bienfaisance (2). Un journal du temps nous fait connaître qu'il appréciait tout particulièrement le mérite du P. Prévôt, et qu'il s'établit entre eux des rapports assez intimes (3). Le prince se fit même disciple du religieux, pour accroître ses connaissances dans la langue d'Homère et de Platon (4).

II

GILLET (LOUIS-JOACHIM)

(1680-1753)

Si, à Sainte-Geneviève, Claude Prévôt rappelait Claude du Molinet, Louis Gillet faisait revivre la mémoire de Jean

(1) Journal de Verdun, nov. 1752, p. 400.

La Bibl. Sainte-Genev. possède un exemplaire du Projet d'un nouveau cérémonial françois, par Antoine François Jolly, Paris, 1746, in-4, lequel exemplaire est annoté de la main du P. Prévôt. Les notes sont dignes de l'érudit. On doit à ce Jolly, censeur royal, de bonnes éditions des deux Corneille et de Molière. (Note, au commencement de l'exemplaire, de Mercier de Saint-Léger.)

Nous n'avons pu découvrir l'Histoire du P. Guillery que le Gallia, tom. VII, col. 799, mentionne en ces termes : « Ejus vitam publici juris fecit, anno 1722, R. P. Prévôt. »

(2) Il s'y était fait construire une maison qui est le presbytère actuel de Saint-Étienne du Mont.

(3) Journal de Verdun, ibid.

(4) Moréri, art. Prévôt.

Fronteau sans égaler celui-ci par l'étendue du savoir, le P. Gillet le surpassa peut-être dans la connaissance des langues orientales.

Élève des jésuites à leur collège de Rennes, Louis Gillet entra chez les génovéfains après avoir terminé sa rhétorique. Il prit l'habit à Sainte-Catherine du Val des Écoliers et fit profession à Saint-Geneviève. Il était alors âgé de vingt et un ans. Durant son cours de théologie, il donna des preuves éclatantes de ses riches facultés non moins que de sa remarquable doctrine: les thèses publiques qu'il eut à soutenir lui firent presque déjà un nom. En même temps, ses grandes aptitudes pour les langues savantes se révélaient. Successivement professeur de philosophie à NotreDame de Ham, bibliothécaire à Sainte-Geneviève, curé de Mahon au diocèse de Saint-Malo, il sut dans ses diverses fonctions, en province comme à Paris, moins facilement sans doute en province qu'à Paris, se montrer ardent à l'étude, chercheur infatigable, en un mot vrai amant de la science, comme il convenait à un vrai génovéfain. Sa place cependant était plutôt à la bibliothèque de l'abbaye. Aussi y fut-il rappelé pour ne plus s'en éloigner désormais. Il partagea avec le P. Prévôt la charge de bibliothécaire. C'est alors que, en possession de tant de ressources, sans avoir à distraire de l'étude, pour les donner ailleurs, tant d'heures précieuses, il put devenir, sans conteste, un des maîtres dans les langues hébraïque, chaldaïque et syriaque. Si le duc d'Orléans demandait au P. Prévôt des leçons de grec, il s'instruisait auprès du P. Gillet dans les idiomes sémitiques, et n'avait pas moins d'estime ni d'amitié pour celui-ci que pour celui-là (1).

Néanmoins il faut se garder de ne voir dans le P. Gillet que l'orientaliste distingué.

Le public a été mis en possession d'un monument litté

(1) Éloge historique du P. Gillet. Cet Éloge est placé à la fin de la préface de la Nouvelle traduction de Josèphe, que nous allons apprécier

raire qui est dû à la plume, moins facile que fidèle et savante, du génovéfain: nous voulons désigner la Nouvelle traduction de l'historien Josèphe.

Après Arnauld d'Andilly, dont la traduction avait été si goûtée, il pouvait paraître téméraire d'entreprendre une œuvre rivale. Voilà bien ce qui se disait au moment où l'on annonçait ce nouveau travail: on lui prédisait même un insuccès certain (1). D'autres pourtant auguraient mieux de l'entreprise en applaudissant à la pensée qui l'avait conçue (2). Le P. Gillet était le premier à convenir que la traduction d'Arnauld tenait toujours la place d'honneur parmi celles qui avaient paru jusqu'alors. Mais il estimait qu'elle était loin d'être irréprochable. Selon lui, Arnauld visait plus à l'élégance qu'à la fidélité. D'autre part, les défauts s'expliquaient d'autant mieux que, selon toute probabilité, le traducteur s'était borné à la version latine de Gélénius, sans recourir au texte original. Le P. Gillet avait eu, d'abord, la pensée de joindre à une nouvelle édition de l'œuvre d'Arnauld des notes expliquant et les écarts du traducteur et les obscurités de l'auteur. Mais il ne tarda pas à reconnaître que ce serait augmenter démesurément l'ouvrage, et même s'exposer à faire désagréablement disparaître le blanc des pages sous le nombre de ces additions (3). De là, le projet d'un travail auquel le public et la science avaient droit, le projet d'une nouvelle version non seulement faisant mieux revivre l'original, mais l'éclairant encore de la lumière de réflexions historiques et critiques. Au sens du docte religieux, en effet, il y avait des altérations dans le texte tel qu'il se trouvait publié, et il fallait lui rendre sa « pureté » première; il y avait aussi trop d'accusations qui pesaient sur Josèphe, et il était équitable,

(1) Dans une Lettre de M*** à M***, libraire à Paris, au sujet de cette Nouvelle traduction, lettre répandue dans le public, et datée d'Ivry, 20 septembre 1747.

(2) Le Journal des Sçavans, octobre 1747, p. 614-615.

(3) Prospectus, voir Journal des Sçavans, oct. 1747, p.p. 609 et suiv.

soit de les ramener à leur juste valeur, soit d'en réduire le nombre. Pour tout cela faire, le nouveau traducteur se proposait de consulter les règles d'une « sage critique ». Quant à la traduction, il s'appliquerait à donner au style de l'auteur << les ornements que son caractère simple, la fidélité et l'exactitude» lui permettraient; mais il éviterait de l'embellir « de ces traits brillants, de ces tours de phrases qui surprennent par leur nouveauté », de le convertir en ce langage « énigmatique qui ne marche qu'en cadence » (1).

La Nouvelle traduction, annoncée par prospectus dès 1747, réannoncée en 1754, l'année même qui suivit la mort de l'auteur, commença seulement à sortir des presses en 1756, et ne cessa de les occuper qu'en 1767 (2). Elle présentait réellement le caractère désiré et promis. Le style pouvait manquer d'éclat et de fraîcheur, mais la phrase, d'ailleurs assez correcle, était aussi assez précise pour ne point fausser le sens de la pensée originale. Dans les notes où tout ne se montrait pas indiscutable assurément, on découvrait le linguiste doublé de l'érudit (3). A ces titres, la science gagna au nouveau travail. Mais le public, ne pouvant se déshabituer de l'œuvre plus élégante d'Arnauld, ne cessa de lui donner ses préférences.

Si la Providence eût accordé quelques années de plus au laborieux génovéfain, on aurait eu à apprécier en lui l'auteur, non plus éloquent que le traducteur sans doute, mais non moins judicieux, non moins sagace, non moins consciencieux le P. Gillet se disposait à mettre au jour, après sa traduction de Josèphe, un examen critique des histo

(1) Préface de la Nouvel. traduct., p.p. xix, xx, xxv, xxvIII. (2) Paris, 4 vol. in-4.

(3) Ces notes comprenaient des notes proprement dites, au bas des pages, et des Remarques longues et multipliées, après chaque livre des deux grands ouvrages, les Antiquilés juives et la Guerre des Juifs, comme aussi dans les trois autres opuscules de l'historien, sa Vie, sa Réponse à Appion et le Martyre des Macchabées.

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