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hardi à l'assemblée même du clergé de 1681, laquelle en avait prescrit une édition corrigée.

Ici donc, Gerbais entendait établir cette thèse nouvelle : les chanoines-curés, étant par le fait affranchis de la règle monastique quant à leur personne et quant à ce qu'ils possèdent, peuvent librement disposer de leurs biens, et, lorsqu'ils ne le font pas, ces biens reviennent de droit à l'Église qu'ils gouvernent au moment de leur mort. Tout au plus, y aurait-il exception en faveur de la famille pour les biens patrimoniaux et autres acquis par industrie distincte, mais jamais, dans aucun cas, en faveur du monastère. Gerbais - et c'était sa principale preuve — alléguait à l'appui de sa thèse la coutume des temps anciens, lorsque les clercs vivaient en communauté. La vie commune et les obligations qu'elle imposait, prenaient alors fin par la charge, donnée à ces clercs, de l'administration d'une paroisse séparée d'une part, le clerc recouvrait sa pleine liberté, et, de l'autre, la paroisse se substituait à la communauté pour le cas de succession.

Cette prétendue preuve n'était qu'un sophisme : tandis que les clercs dont il est ici question, n'avaient émis aucun vou, les chanoines, vrais religieux, demeuraient perpétuellement liés par les engagements sacrés de pauvreté et d'obéissance.

Voilà ce que le P. du Vau entreprit de démontrer au docteur en prenant le public pour juge; et il le fit longuement et victorieusement dans deux volumes (1) qui dénotent autant d'érudition que de logique, autant de modération que de force, autant d'habileté dans la disposition des parties et le groupement des preuves que de

(1) Dissertation sur le pécule des religieux curez, sur leur dépendance du supérieur régulier et sur l'antiquité de leurs cures régulières, Paris, 1697 in-12. Sur ce dernier point, en effet, Gerbais avait aussi élevé des difficultés qui disparurent également devant une solide explication ou des documents incontestables. La Dissertation n'était pas non plus signée.

noblesse dans le langage qui les présente ou les exprime. En vain le docteur voulut-il répliquer par une troisième lettre. Plus faible que les premières, elle attira une foudroyante réponse de la part de l'antagoniste (1). Celui-ci, cependant, avait hésité à la produire, Gerbais étant mort sur ces entrefaites.

Dans cette Réponse qui forme un volume, l'auteur, cette fois, présentait ses observations sous forme de lettres adressées à l'adversaire. C'est dire que, si on y retrouve la même force d'argumentation, le style y acquiert plus de souplesse et de vivacité.

Barbier attribue à Louis du Vau un autre livre sur la même matière et publié cette même année 1699 (2), livre où nous avons puisé un certain nombre de renseignements pour la partie historique.

Nous ne connaissons pas d'autres ouvrages, soit imprimés, soit inédits, de cet écrivain. La charge de chancelier de l'université et ensuite celle d'abbé de NotreDame de Landèves ne lui auraient-elles pas laissé assez de loisir, ou bien lui fallait-il encore des occasions qui ont fait défaut ?

(1) Réponse à la troisième lettre de M. Gerbais, Paris, 1699, in-12. La Réponse portait le nom de l'auteur.

(2) Réflexions sur les ouvrages de M. Gerbais... touchant l'état des curez chanoines réguliers, Paris, 1699, in-12. (Voir Barbier, no 15886.)

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Dans le P. Prévôt il y a beaucoup du P. du Molinet, non seulement sous le rapport de l'érudition, mais aussi sous celui du caractère. Esprit fin et enjoué, cœur large et ouvert, nature sympathique et communicative, le P. Prévôt sut également, après s'être distingué comme professeur de philosophie et de théologie, conquérir un rang honorable dans le monde savant. En lui l'intelligence était secondée et le travail fécondé par une mémoire des plus heureuses, qui lui permettait de tout apprendre, même les langues, sans efforts et de tout retenir fidèlement. Il n'y a pas jusqu'au zèle dans les fonctions de bibliothécaire qui n'offre quelques points de contact entre les deux érudits.

Encore que le P. Prévôt n'ait rien publié, on ne saurait dire que le domaine littéraire n'ait reçu de lui aucun accroissement de richesses: il a colligé de nombreux documents qu'on a utilisés, et fait aux savants des communica

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tions précieuses et présentant déjà le caractère d'une mise

en œuvre.

C'est grâce à des communications de cette nature que les auteurs du nouveau Gallia christiana ont pu rédiger l'historique si substantiel et si exact de l'abbaye de SainteGeneviève (1). Peut-être de semblables communications n'ont-elles pas été, entre les mains des mêmes auteurs, de moindres ressources pour les travaux analogues sur les monastères d'Hérivaux, de Livry, de Saint-Éloi de Lonjumeau (2). L'histoire de l'ancienne et presque royale maison de Melun avait aussi fixé l'attention du chercheur. Ce ne fut pas sans succès une ample provision de pièces devint la récompense des investigations de ce dernier et la source même où l'on puisa pour dresser la généalogie de cette maison. Le travail était destiné à prendre place dans la Nouvelle et dernière édition du Dictionnaire de Moréri (3). Enfin, le savant abbé Lebeuf affirme qu'il devait beaucoup au savant génovéfain pour le catalogue des écrivains auxerrois, catalogue qu'il avait joint à ses Mémoires concernant l'histoire ecclésiastique et civile d'Auxerre (4).

Ces deux érudits étaient compatriotes, nés l'un et l'autre à Auxerre, et amis. Nous savons par le premier que le second, pour la gloire de l'ordre, avait conçu le plan et désirait vivement la publication de ces trois ouvrages considérables, qui auraient demandé le concours aussi actif qu'éclairé de nombreux collaborateurs: 1° une bibliothèque complète et raisonnée des écrivains de la grande famille augustine, à l'exemple de plusieurs autres familles religieuses; 2o la vie des saints chanoines tant réguliers que séculiers, d'après l'époque de leur existence, et non

(1) Gal. Christ., tom. VII, col. 699.

(2) Journal de Verdun, février 1753, p. 124: Lettre de M. l'abbé Lebeuf à l'auteur du journal sur le P. Prévôt.

(3) Cette généalogie se trouve à la fin du dernier volume. D'après le même Dictionnaire, Prévôt avait réuni les matériaux nécessaires pour une histoire de Germain de Brie (Germanus Brixius), son compatriote, (4) Journal de Verdun, ibid.

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