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de la part d'anciens chanoines qui préféraient le statu quo ou, du moins, ne voulaient pas de mesures aussi radicales, des récriminations vives, des oppositions ardentes, des appels aux tribunaux séculiers. Parfois même, le conseil privé devait intervenir et l'autorité civile menacer ou frapper. Encore un coup, il ne faut pas s'étonner de tout cela. Non, il « ne faut pas s'étonner si la plupart des << établissements ne se sont faits qu'en vertu des arrêts « et que par la force de la justice, qui paraîtra peut-être << n'être pas si conforme à l'esprit de douceur recommandée << dans l'Évangile, et à la charité qui nous est prescrite dans « notre règle. Mais, comme le bien ne s'est pu établir « par d'autres voies et que l'ennemi de tout bien a

toujours suscité quelqu'un pour s'opposer à celui qu'on « voulait faire, on a été obligé d'implorer l'autorité de « ceux à qui Dieu a donné son pouvoir en main, pour <<< vaincre leurs résistances, chasser le vice et la débauche << des lieux saints et établir à leur place la vertu et la «< piété qu'on a tâché de faire reluire dans les maisons où la congrégation a été établie » (1).

(1) B. S. G., ms. fr. H. 185, p. 460.

CHAPITRE DEUXIÈME

GOUVERNEMENT DU P. FAURE

ET DERNIÈRES ANNÉES DU CARDINAL

(1634-1645)

1. PREMIER GÉNÉRALAT DU P. FAURE (1634-1637)

Le P. Gallet et Alain de Solminihac. - Progrés de la congrégation qui prend le nom de Congrégation de France. Deuxième chapitre général

II. SECOND GÉNÉRALAT DU P. FAURE (1637-1640)

Saint-Victor · Chancelade

Nanterre

Troisième chapitre général

Développements de la congrégation

III. GÉNÉRALAT DU P. BOULART (1640-1643)

Nanterre Encore

Chanoines de Latran - L'abbesse de Fontevrault
Chancelade Quatrième chapitre général

IV. DERNIER GÉNÉRALAT DU P. FAURE. SA MORT ET CELLE DU CARDINAL

(1643-1645)

I

PREMIER GENERALAT DU P. FAURE

(1634-1637)

Sans la fermeté du coadjuteur, la congrégation se fût renfermée dans ses limites actuelles ou, du moins, eût renoncé à s'étendre dans une partie de l'ouest et du midi de la France.

Le prieur de Toussaint d'Angers et l'abbé de Chancelade aspiraient à devenir chefs de congrégation. C'eût été « faire un corps à trois têtes », phénomène « monstrueux » et engendrant « la difformité » et « la confusion dans le bel ordre de l'Église qui marche comme une armée bien rangée en bataille » (1).

(1) Ms. fr. H. 21', in-fol., p. 383.

Le prieur de Toussaint avait nom: Gallet. Il dut conquérir juridiquement, avec la dignité prieurale, le pouvoir de rendre cette abbaye à la vie canonique.

Toussaint d'Angers, après avoir été successivement occupé par des chanoines et des moines, était définitivement devenu la pieuse solitude de chanoines réguliers (1108). Sur la demande de l'évêque, l'abbaye d'Airvaux, au diocèse de La Rochelle, avait fourni les premiers de ces reli. gieux (1).

Avant de devenir prieur de Toussaint, le P. Gallet en avait été élève, je dirais presque nourrisson: il avait huit ans, lorsque sa mère, veuve, de condition modeste, et chargée d'une assez nombreuse famille, l'y plaça. C'était au milieu de nos guerres civiles, puisque 1576 avait été l'année de la naissance du futur prieur. L'éducation pieuse fut à peu près nulle, et l'instruction ne s'étendit guère au delà des principes de grammaire, tant, au sein de cette maison religieuse, l'irrégularité avait abaissé, dévoyé les esprits et les cœurs! Heureusement le collège de la cité s'ouvrait avec ses classes d'humanités. Le jeune Gallet y fut envoyé. Il était vraiment travaillé par la passion de l'étude et se sentait un goût prononcé pour la piété.

Pour satisfaire cette noble passion, il demanda avec instance et finit par obtenir l'autorisation d'aller achever son instruction à Paris. Il fit sa philosophie sous Paul Boudot, estimé en même temps comme prédicateur, et plus tard élevé successivement sur les sièges de Saint-Omer et d'Arras. Pendant son cours de théologie, il contracta amitié avec le célèbre Cospéau. Ce fut à Angers qu'il voulut recevoir le bonnet de docteur.

A Paris, il n'avait pas négligé, non plus, de s'instruire des principes de la vie spirituelle. Il s'était même placé sous la conduite d'un pieux ecclésiastique pour mieux traduire dans ses actes les grandes vérités qu'il méditait.

1) Gall., tom. XIV, col. 709.

Il avait été ordonné prêtre à l'âge de 24 ans.

La prédication et les catéchismes, à Angers et dans les environs, furent ses débuts dans le ministère évangélique. Si elles en avaient eu besoin, ses saintes résolutions se fussent retrempées à Rome où il accompagna son intime ami, Éveillon, digne archidiacre qui administra sous trois évêques le diocèse d'Angers. A son retour, il trouva le monastère dans le même état de relâchement. « Chacun demeurait « en son logis séparé, où il avait son ménage et vivait en « son particulier à sa liberté, sans observance régulière, << sans pratique de vœux et sans marque de religion. » La tenue, comme la conduite du P. Gallet, pouvait aiguiser l'épigramme (1). Malgré tout, il s'imposait à l'estime et à la confiance.

Établi maître des novices, il eut, à la fois, l'administration du temporel. Ses visites étaient fréquentes à La Flèche c'est là, que dans des entretiens avec les Jésuites, il aimait à venir puiser un nouveau courage et s'éclairer de nouvelles lumières. Chaque année même, une retraite de dix jours le retenait dans cette maison.

Le prieur étant mort, il suivit l'avis des gens de bien pour se porter prétendant à la dignité vacante. Son titre de docteur lui constituait un véritable droit. Mais l'opposition des chanoines lui suscita un procès qu'il perdit au présidial d'Angers (2). Il en appela au parlement de Paris et eut gain de cause (1620).

La réforme allait s'inaugurer sans retard. Un chanoine de Saint-Vaas, au diocèse du Mans, était venu se joindre au

(1) Les chanoines portaient en ville l'habit court. Le clergé séculier en faisait autant. C'était l'usage alors. Mais le P. Gallet, ayant « remarqué qu'un des archidiacres... portoit toujours la soutane et son manteau long..., en voulut faire de même; ce qui donna sujet de parler aux autres religieux qui par dérision l'appeloient M. l'Archidiacre. >>

(2) Il y eut alors grande joie au monastère et même parmi les servantes qui apréhendoient d'estre chassées par ce nouveau prieur » : elles «< en dansèrent toute la nuit »>.

P. Gallet (1). Deux jeunes religieux de Toussaint entrèrent généreusement dans les vues du prieur. Un de ceux-ci, ayant nom Guérin, devait rendre, dans la suite, de grands services à la Congrégation de France dont il fut le procureur général en cour de Rome. Ces quatre hommes formèrent une petite communauté offrant l'exemple de la vie canonique.

L'opposition ne voulait pas s'avouer vaincue. Un nouveau procès ramena le P. Gallet à Paris (1623). Ce dernier profita de son séjour dans la capitale pour visiter Saint-Vincent de Senlis, dont on disait alors merveille. « J'ai trouvé « des anges dans des corps humains et de vrais chanoines « réguliers », mandait-il de Senlis à ses frères d'Angers. Il transcrivit les constitutions de cette abbaye pour les faire observer à Toussaint (2).

Revenu à Angers, après un nouveau triomphe juridique, il conçut et nourrit longtemps le projet de réunir Tous saint à la congrégation dont Sainte-Geneviève de Paris. était la tête. Sur la requête par lui présentée, le cardinal de La Rochefoucauld prononça mème, en 1629, l'union effective. Il est vrai que ce fut sous certaines conditions auxquelles le P. Gallet trouva trop difficile de se soumettre. Ce dernier subissait déjà les influences séparatistes de l'abbé de Chancelade.

Il vint néanmoins à l'assemblée de 1632. Mais ce fut pour s'en voir presque interdire l'entrée. Le cardinal l'engagea à ne pas quitter Paris aussitôt après la clôture. Il se proposait de faire juger le litige. Des arbitres furent nommés qui ne purent tomber d'accord. Le cardinal dut se réserver le jugement qui fut porté en ce sens : l'union ne pouvait être réelle qu'après l'accomplissement des conditions imposées. Or, les principales étaient :

(1) C'était Nicolas Fournier, qui devint plus tard prieur de N.-D. de Beaulieu-lez-Mans. Le relâchement de Saint-Vaas lui avait fait quitter ce dernier monastère.

(2) L'habit blanc, qui était l'ancien costume, devait reparaître aussi dans le monastère.

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