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de Remarques, la Vie de sainte Geneviève traduite par le P. Lalemant.

Si l'abbaye devenait un champ ouvert aux investigations de l'érudit, la sainte patronne était pour le religieux. l'objet d'un culte particulier, d'un amour vraiment filial. Aussi trouvons-nous ces brûlantes paroles en tête de ce manuscrit (1) où nous avons fréquemment puisé : « Je « commettrais... la dernière des injustices, si je présentais « à d'autres ce qui vous appartient par tant de justes titres; «< car si le petit ouvrage a quelque chose qui mérite d'être « considéré, c'est votre seul nom, si vénérable à tout le monde, qui se rencontre presque en chacune de ses « pages, qui en fait tout le lustre et l'ornement.

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«... Recevez donc, vierge incomparable et toute miracu«<leuse, ces faibles hommages du moindre de vos domes«tiques. Pardonnez à ma témérité, si j'ai osé faire mon « essai sur un sujet si digne et si relevé. C'est votre dou«ceur, qui a été en ce monde le propre caractère de votre «< âme, qui m'a inspiré cette audace; et ce n'est qu'après «< avoir lu dans votre vie que vous n'avez jamais rebuté « personne, que j'ai pris la confiance de venir offrir à vos « pieds mes vœux, mes travaux et mes services comme le << plus humble de mes sujets. »

On l'a compris, c'est la dédicace, à l'illustre vierge ellemême, de l'Histoire de sainte Geneviève et de son église royale et apostolique, œuvre qui fut le début littéraire du P. du Molinet.

Cette citation, d'ailleurs, donne une idée du style de ce dernier qui, du moins dans l'emploi de la langue française, ne brille pas précisément par l'élégance de la phrase (2).

(1) B. S. G., ms. fr. H. 21, in-fol.

(2) Nous citerons encore parmi ses œuvres inédites :

1o Récit d'un voyage aux Pays-Bas fait par le P. du Molinet en 1682 (B. S. G., ms. fr. G. 2, in-4), description qui est celle d'un vrai touriste ;

20 Histoire des seigneurs de Baugency-sur-Loyre, dédiée par l'auteur à

Un des érudits les plus remarquables du grand siècle, du Molinet, avait tenu à acquérir aussi de respectables notions en histoire naturelle, en physique, en mathématiques et même en astronomie. L'honneur qu'on lui fit lisons-nous dans le Journal des savants « de le choisir pour veiller à l'ouvrage du P. Coronelli touchant le globe céleste, n'est pas une petite marque de l'étendue de sa science »> (1).

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A une intelligence d'élite, à une activité qui ne permettait pas de demeurer un instant oisif, double faculté à laquelle nous devons le vrai savant, à l'humilité et à la piété qui forment le bon religieux, du Molinet joignait l'affabilité du caractère, les agréments de l'esprit, une grande bienveillance, un commerce facile, un certain charme de conversation, et, par-dessus tout, la bonté, qui ne savait pas plus refuser un service qu'une aumône, un conseil qu'une consolation, l'éloge mérité que l'encouragement nécessaire. Aussi sa mort, qui produisit un vide bien senti dans les lettres, laissa-t-elle de sincères regrets au cœur de nombreux amis (2).

Son Altesse Royale Monsieur, frère unique du roy (B. S. G., ms. fr. L. 27, in-4).

Nous lisons dans l'Avertissement du tom. II de l'Histoire ecclésiastique de la chapelle des rois de France, 1704-1711, in-4o, par l'abbé Archon : « On a aussi eu la bonté de me communiquer un manuscrit du P. du Moulinet, chanoine régulier de Sainte-Geneviève, sur quelques-uns des

a

« confesseurs de nos rois depuis saint Louis jusqu'à Louis XIII. » (1) 24 novembre 1687, article consacré à du Molinet.

Ce globe céleste, ainsi que le globe terrestre du même religieux, les deux plus grands qui aient jamais été gravés, se voient à la Bibliothèque nationale.

(2) Le Journal des sçavans commence ainsi l'article précité : « La douleur que les gens de lettres ont soufferte à la mort du P. du Molinet, leur a été trop sensible... >>

V

CHAPONNEL (RAIMOND)

(1636-1700)

Il ne faudrait pas confondre Jean-Baptiste Dantecourt avec Raimond Chaponnel, nom auquel certains auteurs ajoutent d'Antecourt (1). Celui-ci qui eut également l'honneur de tenir une plume, occupait hiérarchiquement un poste inférieur il fut prieur-curé de Saint-Éloi de Roissy, et il ne paraît pas qu'il ait rempli de fonctions plus élevées dans la communauté.

Un peu controversiste, historien davantage, nous remarquons surtout en lui l'écrivain de haute mysticité.

Le livre que nous qualifions d'œuvre de controverse, composé à la demande de l'archevêque de Paris, François de Harlay, lui fut dédié par l'auteur, car n'était-ce pas justice qu'il ne devînt public que sous la protection du nom de l'illustre prélat (2)?

-

Pourquoi l'Église romaine le débat regardait surtout l'Occident pourquoi l'Église romaine tient-elle tant à la langue latine dans ses offices? Pourquoi ne pas faire usage des langues vivantes? Pourquoi ne pas permettre au peuple chrétien de savoir ce qu'il dit en priant et en chantant? Les griefs des protestants sont-ils justes, leurs reproches fondés ? Autant de questions que le P. Chaponnel

(1) Ainsi Bergier, Dictionn. de théol., art. Langue vulgaire; Barbier, Dictionn., no 18590; la Nouvelle Biographie générale. Nous avons rencontré également, à la Bibliothèque même de Sainte-Geneviève, l'addition manuscrite, aux caractères assez anciens, au-dessous du titre d'un exemplaire du premier ouvrage, publié anonymement, du P. Chaponnel. Une circulaire générale annonce aussi à la congrégation ce livre sous le nom de Dantecourt. Mais les deux ouvrages postérieurs que le génové fain a signés, portent simplement: Raymond Chaponnel.

:

(2) Dédicace.

dut examiner, et sous toutes leurs faces, afin de leur donner une solution juste et bien motivée (1).

Dans cette étude, une des plus complètes que nous ayons sur la matière, nous voyons apparaître successivement ou à la fois la sagesse et la justification de l'Église catholique. Sa sagesse; car l'usage de la langue latine favorise et symbolise la communion des fidèles, n'est pas sans influence sur la conservation de la pureté de la foi dont l'expression officielle, pour ainsi parler, n'est pas à la merci d'une foule de versions, convient à la majesté des choses saintes dont autrement, par les modifications successives des idiomes particuliers, on devrait retoucher trop fréquemment les formules liturgiques, sous peine de se voir condamné à l'emploi d'un langage devenu ridicule (2). Sa justification; car il n'est pas un des inconvénients, signalés par les hérétiques des temps modernes, qui ne soit réduit à sa mince valeur, ou plutôt à sa faiblesse, à son inanité. Ainsi de l'inconvénient de la prière inintelligible: est-ce donc que la prière dans un langage non bien compris du suppliant n'est pas en définitive aussi efficace auprès de Dieu? Mais l'objection tirée de saint Paul (Ire aux Corinthiens, ch. xiv)? L'objec tion s'évanouit devant cette explication philologique :

(1) De l'usage de célébrer le service divin dans l'Église en langue non vulgaire et de l'esprit avec lequel il faut lire l'Écriture sainte pour en profiler, Paris, 1687, 1 vol. in-12.

(2) L'auteur, cite, comme exemple, quelques-uns de ces vers que jadis les protestants avaient consacrés à rendre un des plus admirables psaumes, le Miserere:

Lave moy, Sire, et relave bien fort
De ma commise iniquité mauvaise,
Et du peché qui m'a rendu si ord

Me nettoyer d'eau de grâce te plaise.
Car de regret mon cœur vit en esmoy,
Connaissant, las! ma grande faute présente,
Incessamment noir et laid devant moy.

D'hyssope donc par toy purgé seray;
Lors me verray plus net que chose nulle;

Tu laveras ma trop noire macule;

Lors en blancheur la neige passeray.

l'apôtre n'a pas en vue le service divin, les offices publics, seul point en question, mais bien les exhortations des ministres de l'Église, les entretiens des fidèles entre eux et, tout au plus, la prière des particuliers.

Le quiétisme présente trois phases distinctes. Selon Molinos, la perfection chrétienne consiste dans l'acte continuel de contemplation et d'amour, heureux état qui dispense l'âme des autres vertus et de leurs œuvres. Selon Mme Guyon, ces vertus et leurs œuvres ne cessent d'être obligatoires, mais elles se trouvent renfermées dans l'acte continuel de contemplation et d'amour. La différence entre les deux systèmes est dans les mots, car les conséquences demeurent les mêmes. Aussi Fénelon rejeta-t-il cette complète et fatale inaction de l'âme pour placer simplement la perfection chrétienne dans un état habituel de pur amour de Dieu, état où n'entreraient pour rien ni le désir de la récompense ni la crainte du châtiment. Que deviendrait alors la vertu de l'espérance?

C'est contre cette fausse mysticité que l'Examen des voies intérieures fut écrit et publié (1).

Ce livre du P. Chaponnel fut, pour employer l'expression du P. Lalemant, comme le testament spirituel de ce génovéfain, car l'apparition de l'ouvrage ne précéda que de quelques mois la mort de l'auteur (2).

VI

LARGE (ALAIN LE)

(1639-1705)

Brillant professeur de théologie à Sainte-Geneviève, administrateur apprécié dans les postes de prieur à Notre

(1) Paris, 1700, 1 vol. in-12.

(2) Nous avons mentionné, p. 67 du 1er vol., son Histoire des chanoines ou recherches historiques-critiques sur l'ordre canonique, Paris, 1699,

1 vol. in-12.

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