Quant aux sentiments du clergé, nous sommes heureux. de les rencontrer non moins justement exprimés. Une phrase de l'avertissement pastoral, au dire de Claude, avait jeté la frayeur parmi les protestants : c'était celle où l'on disait qu'en se montrant toujours inflexibles aux remontrances qu'on leur faisait, ils devaient s'attendre à des malheurs incomparablement plus funestes que tous ceux que leur schisme leur avait jusqu'à présent attirés. Notre auteur répondait, après avoir rappelé que la phrase visait simplement la ruine fatale qui attend toute société schismatique : « On peut leur dire qu'ils ont tort de s'en épouvanter si fort, << de s'imaginer qu'on veuille employer contre eux la force « et l'autorité. Ils devraient avoir d'autres sentiments de l'équité, de la prudence et de l'humanité des évêques qui, sachant que les protestants ont obtenu de nos rois << un libre exercice de leur religion dans ce royaume, n'ont garde de rien entreprendre contre la foi politique des « édits qui ont été rendus en leur faveur. On sait aussi que le désir qu'a le roi de voir tous ses sujets réunis à l'Église, ne l'a pas empêché de déclarer qu'il n'entendait point que ses officiers fissent rien contre les édits et dé«clarations, en vertu desquels l'exercice de la religion «protestante est toléré dans son État. Qu'ils sachent donc « que ce n'est point de Sa Majesté dont on a prétendu les « menacer, mais de la juste vengeance de Dieu, dont les << châtiments sont d'autant plus terribles, qu'il peut perdre « dans l'enfer et le corps et l'ame pour une éternité. C'est «< ce que MM. du clergé ont tâché de leur faire comprendre, quand ils ont dit en finissant : « Nous attendons de vous, « nos très chers frères, de meilleurs sentiments et des des« seins plus favorables à votre salut (1). Le réfutateur de Claude rendait-il complètement la pensée de ceux qui avaient rédigé la phrase? Nous ne saurions prononcer. Peut-être y avait-il eu déjà quelques confidences royales. Mais en dehors des confidents, s'il en existait, la pensée générale du clergé était telle qu'on le dépeignait ici. Et, d'ailleurs, l'interprétation donnée aussi publiquement à la phrase n'a été l'objet, que nous sachions, d'aucun démenti, d'aucun correctif. Nous voyons le P. Dantecourt placé, quelques années après, en 1694, à la tête de l'importante paroisse de SaintÉtienne du Mont. L'âge se faisant sentir, les forces déclinant, il résigna sa cure en 1710, comme, trois ans plus tôt, il avait renoncé à la dignité de chancelier. Il se retira dans sa chère abbaye de Sainte-Geneviève pour s'y préparer aux jours éternels. IV MOLINET (CLAUDE OU) (1620-1687) C'est le nom d'un savant peu commun, d'un infatigable érudit que notre plume vient d'inscrire. En cet enfant de famille, qui se rattachait par sa mère aux L'Hopital, l'Abbaye trouva, pour sa bibliothèque, l'organisatenr le plus apte à continuer et développer l'œuvre des Fronteau et des Lalemant. Enrichir de plus en plus, soit d'imprimés, soit de manuscrits, cette bibliothèque, lui donner un local et un aménagement dignes d'elle, y joindre un cabinet d'antiques, voilà avec la confection ou la correction des catalogues (1), le triple but que l'intelligent et (1) Voir, en particulier, B. S. G., ms. fr. ZZ. I, in-fol., Description et explication des principales médailles..., recherchées et mises en ordre par les soins du R. P. du Molinet. Le bibliothécaire publiait même un très curieux ouvrage de cette nature sous ce titre : Tractatus singulares Bibliothecæ S. Genovef. Paris. de rebus sacris, antiquis, physicis, Paris, 1681, in-8°. zélé bibliothécaire ne cessa d'avoir devant les regards; et le succès a largement répondu à ses persistants efforts. Du Molinettant ses connaissances en numismatique étaient appréciées! — fut chargé par Louvois de dresser, de concert avec l'abbé Bizot, autre numismate de renom, le catalogue des médailles du roi (1). Mais son œuvre capitale est le Cabinet de la bibliothèque de Sainte-Geneviève, avec estampes, magnifique publication due aux soins du génovéfain Sarrebourse, après la mort de l'auteur, et où l'art est venu s'allier si à propos à l'érudition (2). Un autre ouvrage, inférieur au point de vue de l'art, mais d'une immense portée au point de vue de la science historique, avait été donné au public par l'auteur lui-même : c'était l'Histoire des Souverains Pontifes, de Martin V à Innocent XI, écrite au moyen des médailles qui les concernaient. Cet ouvrage, rédigé en latin (3) et qui dénote de patientes recherches et une science aussi sûre que variée, a placé l'érudit religieux au nombre de ceux qui, par de solides travaux, ont le mieux montré comment la numismatique devient une source des plus précieuses pour l'histoire (4). (1) Ce catalogue forma six volumes. Les trois premiers furent l'œuvre du P. du Molinet, et les trois autres celle de l'abbé Bizot. (Histoire du cabinet des médailles du roi, dans le Mercure du mois de mai 1719, p.p. 57, 58.) (2) Paris, 1692, in-folio. Ce volume se divise en deux parties : la première a trait aux antiquités, la seconde, à l'histoire naturelle. Au bas du portrait de l'auteur, portrait placé en tête du volume, nous lisons : Vous qui de cet autheur contemplés le visage, (3) Historia... ab anno MCCCCXVII ad annum MDCLXXVIII, Paris, 1679, in-folio. (4) Ce n'est pas la seule étude en ce genre dont on soit redevable à notre génovéfain. Il a donné: 1o une Dissertation historique sur la vision que Constantin eut de la croix de Notre-Seigneur... par des médailles antiques (Journal des sçavans, 14 avril 1681, lequel, p. 121-131, reproduit un Les confrères de du Molinet trouvaient toujours en lui un reviseur empressé. Le P. Louis de Clermont avait composé la Centuria virorum illustrium selectorum ex ordine canonico regulari, ouvrage qui, marqué au coin d'une certaine originalité, comprend l'éloge, en distiques, et la vie, en prose, des illustres chanoines, depuis saint Augustin,canonici ordinis instaurator, jusqu'au P. Lalemant, academiæ Parisiensis cancellarius. De plus, un dessin, précédant chaque article, résume les actes, peint le caractère ou rappelle la gloire des personnages (1). L'auteur, à sa mort, avait confié son manuscrit à du Molinet qui devait, en passant sur lui la lime, le rendre digne de voir le jour; délicate commission dont celui-ci s'acquitta scrupuleusement. Le manuscrit, toutefois, ne quitta pas les rayons de la bibliothèque (2). L'antiquité païenne aussi bien que l'antiquité chrétienne, dans leurs points obscurs ou inexplorés, avaient vraiment des attraits pour cet esprit curieux. Là, il se trouvait, pour ainsi dire, dans son élément, et l'on dirait que plus le extrait de cette Dissertation); 2o l'Apothéose de l'empereur Constantin par une médaille que les trois fils de cet empereur ont fait frapper à la mémoire de leur père (Ibid., 30 juin 1681, où, p. 302-305, les réflexions de du Molinet sur cette médaille sont analysées.) L'on doit citer aussi cet ouvrage revu par notre érudit: La Vie et les principales Actions d'Auguste César justifiées par les médailles, (B. S. G., ms. fr. ZZ. 4, in-fol.) (1) Nous avons, par exemple, pour le P. Lalemant, un cygne qui par ses chants mélodieux annonce sa mort, avec ces vers placés audessous : Exhibet hæc totum Lalemanum objecta figura. Dextera nobilius pingere nulla potest. Objicitur cygnus, vox dulcis nuntia mortis. Dum vultu arrides cunctis jucundus amœno, Par cygno, recreas blandis concentibus aures; Dum te fata premunt, nobiliora canis. (2) Il y est encore avec la cote: ms. lat. H. 23, in-fol. Il avait été dédié par du Molinet à l'assemblée capitulaire de septembre 1873. recoin était ténébreux, le mystère profond, plus il se sentait attiré à pénétrer dans l'un, à sonder l'autre, pour aider la lumière à briller partout. A d'importants travaux sur l'ancienneté des chanoines et leurs différents costumes dans le cours des âges (1) il ajoutait d'intéressantes études sur différents sujets (2). Sans doute des écarts dans la marche peuvent se constater, et l'idéal se prenait parfois pour la réalité. Mais partout s'accuse le chercheur consciencieux qui n'a épargné ni temps, ni soins, ni fatigues. Cependant, qu'on ne le perde pas de vue, les travaux demeurés inédits, du laborieux génovéfain sont de beaucoup plus considérables que ceux dont le public a été mis en possession. Études à rédiger ou à retoucher, documents à revoir ou à mettre en ordre, rien de ce qui intéressait, à un titre quelconque, l'histoire de l'abbaye, ne semblait devoir se dérober, soit à sa plume habile, soit à son regard scrutateur ou à ses soins scrupuleux. Tout cela, fort heureusement, enrichit encore les archives de la bibliothèque à laquelle on a été assez bien inspiré pour maintenir son ancien et glorieux nom. - qu'il Fallait-il même se faire éditeur? Notre génovéfain n'hésitait pas devant l'ingrate besogne. L'on n'a pas oublié car nous avons souvent eu recours à cet ouvrage donna, en 1679, une nouvelle édition, avec des notes et augmentée de soixante missives inédites, des Epistolæ de l'illustre Étienne de Tournay. Nous rappelions aussi, quelques pages plus haut, qu'il publia, en la faisant suivre (1) Figures des différents habits..., Paris, 1666, in-4o; — Douze réflexions sur les Antiquitez..., Paris, 1672, in-4°. (2) Par exemple, sur la mitre des anciens, sur une tête d'Isis découverte à Paris (Journal des sçavans, 24 novembre 1687, p. 23), sur la fortune, au point de vue historique, des lettres romaines, établie et justifiée par plusieurs belles antiquitez, sorte de paléographie, reproduite en partie par le Journal des sçavans du 31 janvier 1684. On a prétendu, cependant, que du Molinet avait pris une tête de Cybèle pour une tête d'Isis. (Hist. de l'Acad. roy, des inscript. et belles-lel., tom. III, Histoire, p. 297-298.) |