Page images
PDF
EPUB

développant, celui-ci en maître qui enseigne, celui-là en législateur qui prescrit (1).

Ses idées ne furent pas le seul point de contact entre le grand poète et l'humble religieux. On rapporte que le fameux Desmarest de Saint-Sorlin, qui s'essaya si souvent à l'épigramme contre Boileau- celui-ci, du reste, savait bien payer de retour-faisait un jour imprimer une certaine pièce satirique à même destination. Était-ce celle dont Boileau annonçait si malignement l'éclosion à Racine?

Racine, plains ma destinée,
C'est demain la triste journée,
Où le prophète Des Marais,
Armé de cette même foudre,

Qui mit le Port-Royal en poudre,
Va me percer de mille traits.

Nous ne saurions dire. Mais Le Bossu, qui avait pris connaissance de la pièce avant le tirage, se hâta d'en composer la spirituelle réfutation, qu'il réussit à faire insérer à la suite. Boileau fut sensible au bienveillant et ingénieux procédé, et une amitié s'établit entre eux, qui « ne finit qu'avec la vie de ce Père ».

Le brave génovéfain eut aussi occasion de prendre la défense d'un autre grand homme, et, cette fois, ce fut en essayant de redresser les idées d'un de ses frères en religion. Le fait, pour être demeuré à l'état de correspondance privée ou de communication intime, n'en est pas moins réel des documents inédits l'attestent.

Anselme de Pâris, l'oncle du trop fameux diacre François de Pâris, mais n'ayant absolument de commun avec ce dernier que la parenté et le nom patronymique,

(1) Le Trailé du poème épique comprenait six livres :

Liv. I, De la nature du poème épique et de la fable; liv. II, De la matière du poème épique ou de l'action; liv. III, De la forme du poème épique ou de la narration; liv. IV, Des Maurs; liv. V, Des machines: c'est sous ce nom que l'auteur traite du merveilleux; liv. VI, Des sentiments el de l'expression.

avait cru devoir se poser en adversaire de Descartes au sujet d'une question scientifique. Dans un Discours sur la lumière, lequel n'a pas vu le jour, il s'était efforcé d'établir plusieurs propositions qui, suivant lui, ruinaient le prétendu idéalisme du célèbre philosophe touchant le phénomène visuel (1).

tôt

[ocr errors]

-

Le manuscrit fut envoyé au P. Le Bossu, dont l'auteur demandait l'appréciation. Le sous-prieur de Saint-Jean de Chartres se mit activement à l'étude, et, bien que le travail n'ait pu être complètement terminé la mort frappa trop il atteignit cependant les proportions d'un volume considérable, également inédit, qui fut adressé au P. Anselme. La Préface de l'Examen car tel est le mot inscrit en tête de l'œuvre consciencieuse (2), — Préface qui a pris naturellement la forme épistolaire, nous fait connaître la pensée très juste du P. Le Bossu sur le Discours du réfutateur de Descartes. Nous y lisons, entre autres bonnes choses « J'ai lu votre écrit d'un bout à l'autre... Vous «<ménagez peu M. Descartes. On a jugé à propos de lui « faire perdre cette grande et dangereuse autorité qu'il a << sur les esprits. Permettez-moi de douter que cet air soit «tout à fait de votre caractère. Vous jugerez, par ce que je vous dirai, si j'ai raison de désirer qu'il soit mieux « soutenu par les choses. »>

Écrivain aussi fécond que savant judicieux, le P. Le Bossu a laissé, à l'abbaye de Saint-Jean de Chartres, de nombreux et forts volumes d'ouvrages inédits (3).

Tant de productions font comprendre la vérité de cette assertion de Le Courayer: « Aussi faut-il avouer que le « R. P. Le Bossu étudiait et composait avec une facilité

(1) B. S. G., ms. fr. R. 10, in-8°.

(2) B. S. G., ms. fr. R. 10, in-4o: Examen d'un Discours sur la lumière contre M. Descartes à l'auteur.

(3) 6 vol. in-fol., 3 in-4o, 1 in-8°. C'étaient, pour la plupart, des ouvrages (traités ou lettres) de théologie, de philosophie et même de physique. On peut en voir la liste explicative dans le Mémoire de Le Courayer.

« dont on a peu d'exemples... A mesure que ses lectures ou ses entretiens lui fournissaient une difficulté à éclair« cir ou une opinion à combattre, il mettait la main à la plume et ne cessait d'écrire qu'il ne se vît au bout de « l'entreprise (1). »

II

PARIS (ANSELME DE)

(1631-1683)

Quel contraste entre les deux Paris, le génovéfain Anselme et le diacre François, dont notre plume a déjà écrit les noms! Celui-ci se révolta contre l'Église et mourut hors de son sein; celui-là demeura attaché à tous ses devoirs et laissa la réputation d'un bon religieux. Sur la tombe de l'un le ridicule le disputa au bruit; rien n'est venu voiler la figure de l'autre. Les productions littéraires ne manqueraient même pas de les placer à distance. En effet, que pouvait produire de bien solide un fanatique finissant par s'asseoir devant un métier à bas? Au contraire, n'était-on pas en droit d'attendre une œuvre, digne de ce nom, de la part d'un religieux qui n'interrompait l'étude que pour vaquer à la prière? L'espérance ne fut pas déçue. L'on eut, cette fois, un livre de controverse.

Le public avait été mis en possession du premier volume de l'œuvre capitale de Nicole, La perpétuité de la foi de l'Église catholique touchant l'Eucharistie (2). C'était la refonte, dans des proportions considérables, d'un petit

(1) Mémoire, p. xxxvii.

(2) Le premier volume parut en 1669, le deuxième en 1672 et le troisième en 1674, format in-4°. Cet ouvrage se présentait sous le nom d'Arnaud, qui n'y avait eu qu'une très faible part. Nicole avait dû sacrifier son nom à la gloire du parti ou, ce qui revient au même, de son chef.

traité dù à la même plume et publié avec le même titre (1). De là, la distinction bibliographique de petite et de grande perpétuité. Ces études si magistrales faisaient sensation, réjouissant les catholiques, troublant les réformés. Le bouillant ministre de Charenton, Jean Claude, ne mit pas moins d'empressement à attaquer l'une qu'il avait montré d'ardeur à combattre l'autre (2). A l'exemple de plusieurs athlètes dans l'arène théologique, le P. Anselme de Paris, s'armant pour la lutte, se porta vengeur de la croyance de l'Église grecque au sujet de la transsubstantiation. Pareille entreprise supposait dans le controversiste une logique pressante, une science réelle, une érudition peu commune, une certaine habileté de mise en œuvre, le tout rehaussé d'un style qui put se soutenir à côté de celui de Nicole comme en face de celui de Claude. Ce dernier, pour le cas où il tenterait un nouvel assaut contre les deux autres volumes de la Perpétuité, devait s'attendre-l'engagement était pris - à voir réapparaître le champion catholique toujours aussi bien préparé pour le combat et encore assuré du triomphe. Non, malgré ses ruses et ses efforts, l'agresseur ne réussira pas à entamer le dogme eucharistique : ce dogme demeurera invulnérable dans les six premiers siècles de l'ère chrétienne comme dans les suivants (3). Aux luttes de l'esprit non moins qu'aux autres, l'ardeur

(1) En 1664, in-12, sous le nom de Barthélemy.

(2) La première réponse est de 1665, la seconde 1675.

(3) La créance de l'Église grecque touchant la Transsubstantiation........ Paris, 1672-1675, 2 vol. in-12.

Nicole lui-même disait dans la Préface du IIIe volume de la Perpétuité: « Pour avoir une réfutation exacte des preuves qu'il (Claude) « employe sur le sujet des Grecs et des autres chrestiens orientaux, il « faut joindre à ces trois volumes... l'excellent traité du R. P. Pâris, «chanoine régulier et professeur en théologie de la maison de Sainte« Geneviève, qui a bien voulu se charger de cette partie de la réfutation « de M. Claude, et qui s'en est acquitté avec toute la solidité, la netteté et « la simplicité que l'on pouvoit souhaiter. »>

Le ministre ayant enfin gardé le silence, le P. Anselme se trouva dégagé de sa parole.

peut entraîner trop loin et des blessures inutiles, partant regrettables, être portées. A la fin de son traité, le P. Anselme disait : « Je prie M. Claude de me pardonner « s'il m'est échappé contre mon intention quelque parole << qui puisse raisonnablement lui faire quelque peine. Quant aux autres protestants, spectateurs de la lutte, ces frères égarés, parmi lesquels il n'a jamais douté qu'il n'y oût des « personnes de bon sens et d'un esprit à juger de « nos contestations avec la même équité que s'ils n'y << prenaient aucune part », il les convie à l'examen sérieux, impartial, et des phases de la bataille engagée et du résultat de la bataille terminée, persuadé que le retour à l'Église catholique se trouve au terme (1).

III

DANTECOURT (2) (JEAN-BAPTISTE)

(1643-1718)

Anselme de Pâris ne fut pas le seul adversaire que les attaques sans cesse renouvelées du ministre Claude suscitèrent à Sainte-Geneviève. Jean-Baptiste Dantecourt, par sa science théologique et son talent d'écrivain, prend place à côté de ce controversiste. Ellies du Pin disait, en 1708, qu'il n'était pas « un des moindres ornements de sa con

(1) Nous avons mentionné un ouvrage inédit de ce génovéfain. On en rencontre, à la même Biblioth., un autre, ms. fr. D. 32, in-4o, sous le titre : Jean Gersen de Canoglia, véritable phantome. Il s'agit, on le comprend, du prétendu auteur de l'Imitation.

:

(2) Quelques auteurs écrivent d'Antecourt. Nous avons préféré l'orthographe d'un ms. qui ne porte pas d'apostrophe.

Nous considérons comme appartenant au XVe siècle, non seulement ceux de nos auteurs qui y ont terminé leur existence, mais encore ceux dont le principal ròle littéraire s'y est circonscrit.

« PreviousContinue »