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hôpital : « Nos pères ont voulu, devait dire l'orateur, << que le père des lois fût le père des pauvres, et que celui

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qui préside à la justice présidât à la miséricorde (1) ». Le P. Lalemant, dans ce langage que le grand siècle n'avait pas encore épuré, loua son héros d'avoir « su faire un bon et légitime usage de la gloire et des richesses que Dieu << avait mises dans sa maison » (2).

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A Sainte-Geneviève, la charge de prieur attendait le P. Lalemant. Une nouvelle dignité universitaire lui fut aussi réservée, celle de chancelier en remplacement du P. Fronteau. C'était en 1662. Comme jadis le recteur, le chancelier devait être à la hauteur de la situation.

Cependant les forces physiques qui s'en allaient, les infirmités qui arrivaient, firent comprendre au génovéfain que son existence inclinait vers le terme fatal. Il voulut n'avoir plus d'autres soins que de se préparer chrétiennement, sacerdotalement pour l'heure jamais trop redoutée. En conséquence il fit agréer le P. Tetelet, professeur de théologie, pour son futur successeur et pour son suppléant actuel (3). Quant à lui, il s'isola de plus en plus, pour mieux se placer en présence de l'éternité et nourrir conti

(1) Panegyrique funèbre de Messire Pompone de Bellièvre..., Paris, Cramoisy, 1657, in-4o, p. 28. Il fut aussi un des bienfaiteurs de l'HôtelDieu.

(2) Dans la seconde partie, au sujet de l'hôpital général, l'orateur parle de cet établissement « que l'on avoit prit d'abord pour une idée agréable « de quelques personnes plus pieuses que prudentes, et qu'il (Pompone « de Bellièvre) a laissé dans le plus parfait estat que l'on pouvoit souhaiter « par la vigilance de ses soins, par l'authorité de son nom et par le se« cours de ses charitez particulières. » (Ibid., p. 35.)

M. l'abbé Maynard, S. Vincent de Paul, Paris, in-8°, tom. III, p. 361, réduit à de trop faibles proportions le concours donné par Pompone de Bellièvre à l'établissement de l'hôpital général. Mais aussi pourquoi s'avise-t-il de le faire succéder à Matthieu Molé en 1656, pour le faire mourir deux mois après, c'est-à-dire un an avant la date vraie?

(3) A notre sens, c'est la seule manière d'expliquer le serment, imposé au chancelier, que le P. Tetelet prêta seulement en mars 1673 (Religiosissimi... Petri Lalemanlii, prioris S. Genov. el univers. Parisiens. cancellarii, Memoria, discrtis per amicos virosque clarissimos encomiis celebrata, Paris, 1679, in-4o, p. 25.)

T. II.

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nuellement son âme des salutaires pensées que la mort inspire. C'est au sein de ces graves méditations que se révèle pour nous l'écrivain pieux et austère, l'écrivain à la phrase correcte, au style coulant, aux périodes parfois éloquentes (1).

L'année 1669 vit éclore le Testament spirituel ou prière à Dieu pour se bien disposer à mourir (2), opuscule qui « doit être considéré plutôt comme une effusion de cœur que comme une production d'esprit » (3), et que le public accueillit avec faveur, car l'année ne s'écoula pas sans qu'une seconde édition devint nécessaire et sortit réellement des presses. Commencé pendant une longue et cruelle maladie, le Testament spirituel fut achevé par l'auteur durant sa convalescence. Humilité de l'indigence, ardeur de l'amour divin, grandeur de la gratitude, reproches de conscience, détachement de la terre, aspirations sublimes, élans vers Dieu, tous ces sentiments qui ennoblissent, toutes ces pensées qui élèvent, tout cela se traduit, s'accentue dans une suite de prières qui transportaient le suppliant et ne laissent pas indifférent le lecteur.

A trois ans de là, La mort des justes faisait son apparition (4). C'est un choix judicieux des actions et des paroles qui ont marqué les derniers instants des plus illustres en sainteté.

Joindre aux exemples de ces héros de la religion les maximes des Pères avait paru utile au penseur génovéfain. L'ouvrage terminé était sous presse, lorsque la

(1) Ces quelques mots biographiques sont, en partie, puisés dans Petri Lalemantii... elogium seu vitæ synopsis, par Jacq. Gaudin, docteur de Sorbonne et chanoine de Notre-Dame de Paris, au commencement de l'ouvrage précité. Voir aussi Perrault, Les hommes illustres du xviie siècle, Paris, 1697-1700, tom. II, p.p. 11 et 12.

(2) Paris, in-12.

(3) Avertissement.

(4) La mort des justes ou Recueil des dernières actions et des dernières paroles de quelques personnes illustres en sainteté de l'ancienne et de la nouvelle loy, Paris, 1672, in-12.

mort qui arrivait à grands pas, frappa l'auteur le 18 février 1673 (1).

La dernière œuvre littéraire du P. Lalemant paraît avoir été un suprême hommage rendu à la glorieuse patronne de l'ordre une traduction de la première vie latine de sainte Geneviève (2).

Pendant que l'histoire s'essayait à tracer la noble existence du religieux, du savant, de l'ami des lettres, la poésie s'unissait à l'éloquence pour en célébrer les vertus et la gloire. Ces diverses œuvres, l'admiration affectueuse du successeur dans la chancellerie de l'université devait les réunir, les coordonner, pieux monument érigé à la mémoire du défunt (3).

(1) L'ouvrage parut sous ce titre : Les saints désirs de la mort ou Recueil de quelques pensées des Pères de l'Église pour montrer comment les chrétiens doivent mépriser la vie et souhaiter la mort, Paris, 1673, in-12.

(2) Cette Vie de sainte Geneviève écrite en latin dix-huit ans après sa mort et traduite par le P. Lalemant n'a été publiée qu'en 1683, in-12, avec des Remarques, à la fin, sur la vie de sainte Geneviève et sur sa chasse. Les remarques sont du P. du Molinet. C'est par erreur que le P. Lelong, no 4412, indique 1663 pour l'année de la publication de l'ouvrage. Cette erreur ressort manifestement de l'épitre dédicatoire à Mme de Miramion ainsi que des approbations et du privilège.

Le P. Lelong, no 4450, attribue au P. Lalemant un Éloge ou Abrégé de la vie de sainte Geneviève, ouvrage sur lequel nous n'avons pu mettre la main.

Le P. Lalemant a laissé en manuscrits un certain nombre d'autres œuvres que possède la Bibliothèque Sainte-Geneviève : ce sont des instructions, exhortations, traités spirituels. Il faut y ajouter une Vie du P. Faure, travail qui, comme plusieurs documents dont il fait partie, a été mis à contribution par le P. Chartonnet. Ces mss. sont cotés, les œuvres spirituelles: D. fr., in-fol., 4 à 43, et la biographie: H. fr., in-fol, 29'.

(3) Voir les deux ouvrages précités : Vitæ synopsis, par Gaudin, et Memoria, par Tetelet.

Dans le Memoria, nous trouvons deux pièces de vers composées, l'une par Sanlecque, l'autre par Santeuil. Il se termine par un sonnet de Nicolas Courtin. En voici le premier quatrain :

Sculpteurs ingénieux dont le sçavant cizeau
Promet après la mort de nous faire revivre,
Le fameux Lalemand, par un art bien plus beau,
S'est soustrait à l'oubly dont votre art nous délivre.

IV

GUILLERY (PIERRE)

(1617-1619)

Et son historien BOISSY (GABRIEL DE)

Pierre Guillery, c'est le modèle des curés, c'est l'apòtre. L'appel de la grâce se fit entendre à lui dès la jeunesse. A dix-neuf ans, il quittait Beauvais, la ville où il avait reçu le jour et formé chrétiennement et littérairement son âme, pour venir solliciter son admission à Sainte-Geneviève.

Artiste, il aimait la musique et cultivait la miniature. Destiné aux affaires après l'achèvement de ses études, il sut plier son esprit aux exigences du poste et même y donner des preuves d'une aptitude peu ordinaire. Toutefois le procureur général de la congrégation, pas plus que le procureur de Saint-Lô de Rouen, ne le trouvait dans son élément véritable. Il lui fallait le ministère des âmes : il fut nommé, en 1653, prieur-curé de Saint-Ferréole d'Essomes.

Le calvinisme avait un certain nombre d'adeptes dans ce pays. Raffermir les fidèles et ramener les dissidents prenaient naturellement place en tête des devoirs du pasteur. Après avoir fait prêcher la controverse, il se fit lui-même controversiste. D'un zèle infatigable, il parlait tantôt dans l'église, tantôt sur les places publiques. Parfois même, il pénétrait dans les maisons des religionnaires pour discuter

avec eux.

Verba volant, scripta manent. Combien plus profiteraient fidèles et dissidents, si on mettait entre leurs mains une substantielle explication de la doctrine catholique avec mention spéciale et appréciative des points en controverse. Mais ce livre était à faire. Guillery l'entreprit. Il ne consultait que

son ardeur évangélique. Tous ses instants étant occupés, il prenait chaque jour deux heures sur son sommeil. Six mois suffirent pour composer le catéchisme raisonné, par demandes et par réponses, sous le titre Instructions catholiques des mystères de la foi en faveur de ceux qui sont parmi les religionnaires. Si l'auteur s'en fùt tenu à cet exposé, son but n'eût pas été complètement atteint. Aussi fait-il suivre l'exposé doctrinal, et de la Profession de la foi catholique avec les preuves par passages exprès de la Sainte Écriture, el du Défi fait par les catholiques à Messieurs de la religion prétendue réformée. Ce Défi présente, aux premières lignes, ces paroles fermes et claires : « Mes« sieurs..., je vous soutiens que de toutes vos croyances, ès points controversés, vous n'en saurez faire lire une << seule en l'Écriture sainte, en la même manière, comme << on les lit en votre confession de foi... »

Le pasteur ne put être témoin des heureux fruits que le livre était appelé à produire dans la paroisse. Les Instructions catholiques, sous presse à la fin de 1659, ne devaient voir le jour, au commencement de 1660 (1), qu'après la translation de Guillery à la charge de prieur de l'abbaye de la ville de Saint-Lô, charge qui imposa l'administration de la paroisse annexée au monastère. Mais l'âme de l'apòtre dut éprouver une grande joie, en présence de l'accueil. favorable que la France faisait à l'œuvre. Trois éditions. attestent cet accueil.

Du reste, la nouvelle paroisse ressemblait assez à l'ancienne. Là aussi, l'ivraie doctrinale se trouvait mêlée au bon grain. C'était donc un travail analogue à entreprendre, un zèle semblable à déployer. Ces malheureux disciples. de Calvin, « il les confondit dans des sermons de controverse qu'il faisait faire dans une place publique par laquelle ils étaient obligés de passer allant ou revenant du

(1) Paris, 1 vol, in-12.

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