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Le chapitre fut convoqué pour le 8 octobre. On ne jugea pas à propos d'élire des députés : les prieurs seuls furent chargés de représenter leurs maisons respectives. Le seul prieur de Rillé fit défaut pour cause d'indisposition.

congrégation se fût très probablement annexé le prieuré de SaintLazare.

Depuis le commencement du xvie siècle, les chanoines de Saint-Victor étaient installés dans la fameuse léproserie. Nous savons que cette maison avait été comprise dans le projet de reconstitution, par une sérieuse réforme, de l'illustre congrégation de Saint-Victor. Nous savons aussi que le projet dut être abandonné, mais que le besoin de réforme n'en demeurait pas moins pressant. Or, en 1630, de graves dissentiments s'élevérent entre le prieur, Adrien Le Bon, et ses huit religieux. L'accord ne pouvant s'établir, le prieur songeait à céder son bénéfice. Sur le conseil de son ami et voisin, Lestocq, curé de Saint-Laurent, il en fit la proposition à Vincent de Paul, dont la communauté naissante se trouvait déjà à l'étroit dans le collège des Bons-Enfants. Vincent, qui avait toujours peur d'anticiper sur la Providence, se montra peu empressé, s'il n'opposa pas un refus catégorique. Enfin, après une année de sollicitations, il donna son adhésion.

Le P. Faure, qui eut connaissance de la chose, travailla aussitôt, dans l'intérêt de l'ordre canonique, à empêcher la conclusion du traité. Des « contre-batteries », pour employer l'expression de notre manuscrit, furent dressées. Saint-Lazare devait être transformé, mais rester dans la famille. L'évêque du Mans consentit à intervenir auprès du prieur sur l'esprit duquel il exerçait un certain empire. Ce ne fut pas en vain : Adrien Le Bon promit de retirer, ou du moins laissa espérer qu'il retirerait sa parole.

Si Vincent de Paul n'avait garde de tenter la Providence, il savait, une fois qu'il croyait en découvrir la volonté, s'y soumettre entièrement, prendre un parti en conséquence et en poursuivre énergiquement et habilement le succès.

Donc « le P. Vincent, trouvant ce lieu fort propice et fort commode « pour ses desseins, en fit parler au prieur par des personnes fort puis«< santes qui honoroient sa vertu, qui taschèrent de lui persuader et par « promesses et par raisons de recevoir les Pères de la Mission dans sa «maison de Saint-Lazare. »>

Mais le commissaire apostolique? Mais la congrégation qu'il avait fondée? L'un et l'autre ne se faisaient-ils pas un devoir de ne laisser distraire aucune maison de l'ordre dont ils avaient entrepris la glorieuse restauration?« Le P. Vincent, qui prévoyoit bien la difficulté qu'il y « avoit d'entrer en ce monastère sans le congé et le bon plaisir de « M. le cardinal et des religieux de la congrégation, vint découvrir sim<< plement son dessein à Son Eminence et ensuite au P. Faure, les conju«rant de ne point apporter d'obstacles à l'œuvre de Dieu ni empescher le «< grand bien que leur compagnie projetoit de faire dans le diocèse et par « toute la France. »>

Devant le « zèle de cet homme de Dieu », le cardinal fléchit. Mais il

Sainte-Geneviève se trouvait toujours plus largement représentée. Dans la dernière assemblée, elle l'avait été

n'en fut pas de même du P. Faure, qui obéissait à un mobile non moins louable. Un mémoire fut même rédigé pour le cardinal, à l'effet de lui prouver qu'il était impossible de sacrifier ainsi l'ordre canonique. Pourtant il s'adoucit et, à son tour, il déféra « aux instances que lui faisoit tous les jours le P. Vincent, duquel il connaissoit la vertu et le mérite », et il abandonna « l'affaire à sa discrétion, pour en user comme bon lui sembleroit, avec promesse de ne plus troubler ».

La situation était nette. Le contrat fut passé, le 7 janvier 1632, entre Saint-Lazare et la communauté de la Mission. L'archevêque le ratifia le lendemain et, quelques jours après, des lettres patentes vinrent le con firmer.

Une autre opposition surgit. Ce fut celle de Saint-Victor prétendant à des droits sur le prieuré. L'affaire fut portée au parlement.

L'avocat général, Bignon, toujours bien disposé pour la congrégation des chanoines réformés, manda au supérieur qu'il pouvait se porter partie dans le procès, et que lui-même se faisait fort de faire rendre un arrêt favorable aux demandeurs. C'était bien tentant pour le P. Faure. Mais il avait donné sa parole. Et, d'ailleurs, comment résister aux remontrances et aux prières très pressantes du P. Vincent qui employ a tous ses amis et fit remuer tous les gens de bien de Paris pour empescher le P. supérieur de se joindre à ceux de Saint-Victor, lui promettant de ne plus jamais entrer dans aucun monastère de notre ordre? »>

Saint-Victor plaida seul et fut débouté. Vincent de Paul s'en montra reconnaissant à l'égard de la congrégation et a tenu fidèlement sa parole: non seulement il s'interdisait tout établissement dans les maisons canoniques; mais il n'hésitait pas à désavouer ceux de sa communauté qui obéissaient à d'autres pensées.

Nous avons essayé de concilier notre ms. avec l'attestation de Lestocq, reproduite par Abelly et source unique des historiens de saint Vincent de Paul. Nous lisons dans notre ms. que ce dernier, cherchant pour sa communauté un local plus commode, jeta les yeux sur Saint-Lazare et fit faire les démarches que relate notre récit. Le même ms. porte encore : « Le prieur et les religieux de Sainct-Lazare au faubourg de Paris, qui << s'estoient laissez gaigner aux sollicitations de leurs amis, pour aban« donner leur maison au P. Vincent, supérieur de la Mission, voyant « l'ordre refleurir en l'abbaye de Saincte-Geneviefve et s'estendre dans les << autres monastères de France, furent touchez de repentir de s'estre <«<engaigez avec ce Père et d'encourir un blasme qu'ils ne pourroient « jamais effacer, d'avoir introduit des estrangers en leur maison, au lieu « des enfans légitimes. Le prieur, pressé de ces ressentimens, vint à «<< Sainte-Geneviefve pour tesmoigner ses desplaisirs et assurer qu'il tra<< vailleroit à réparer la faute qu'il avoit faicte, avant que l'affaire fust plus « avancée et qu'il avoit déjà donné charge à M. le curé de Saint-Laurent « de retirer sa parole du P. Vincent. » Mais les attestations de Lestocq ne pouvant être négligées, il nous a semblé que l'auteur du ms. n'avait dû envisager, sans s'exprimer avec toute la clarté désirable, que la seconde

par le P. Faure et trois religieux. Dans ce chapitre, elle l'était par le même P. Faure et cinq religieux auxquels il faut même ajouter trois anciens chanoines, pourvus de par le conseil privé du droit électoral (1). Nous ne saurions préciser la raison de cette différence qui se renouvellera encore. Était-ce un privilège accordé à une abbaye que l'on considérait et voulait honorer comme chef d'ordre? Quelque chose de semblable se pratiquait à Cîteaux et à Prémontré. Le 10, dans une séance préparatoire, on vérifia les pouvoirs qui se trouvèrent en bonne et due forme.

Il était entendu que le supérieur élu serait, à la fois, coadjuteur de l'abbé de Sainte-Geneviève.

Le 17 fut fixé pour l'élection. Le matin, il y eut messe du Saint-Esprit, après laquelle on se rendit au chapitre. Le cardinal était présent. Les quelques paroles qu'il adressa aux capitulants pour les engager à ne se proposer que la gloire de Dieu et le bien de l'Église, produisirent une excellente impression. On nomma d'abord un secrétaire, puis tous les capitulants firent à genoux le serment de ne donner leur voix qu'à celui qu'en conscience ils estimeraient le plus digne (2). Chacun écrivit séparément son bulletin

phase des négociations. Ajoutons que les dates, comme le caractère du grand saint, autorisent cette interprétation.

(Ms. 21, p.p. 20, 108 et suiv.)

(1) Les trois anciens chanoines qui avaient mérité et obtenu cette faveur, avaient nom: Dubut, Citolle, Gaillard.

Parmi les cinq religieux de Sainte-Geneviève, nous devons mentionner Baudoin, Branche, Boulard.

Les dix supérieurs des autres monastères étaient :

Caignet pour Saint-Vincent de Senlis ;

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(2) Ce serment devait entrer dans la règle. Nous lisons dans l'édition des

T. II.

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qu'on déposa dans l'urne placée devant le cardinal. Le dépouillement fait, le P. Faure, ayant obtenu quinze voix sur dix-sept, fut proclamé en chapitre et acclamé au dehors par la communauté supérieur général de la congrégation et coadjuteur de Sainte-Geneviève. Le cardinal était au comble de la joie. Les cloches envoyaient dans les airs leurs joyeuses volées. On se rendit aussitôt à l'église où l'on procéda à l'installation de l'élu. Le Te Deum clôtura la cérémonie dans le lieu saint, et la présentation des religieux dans la salle du chapitre.

Le P. Faure, sachant qu'on est seulement élevé en dignité pour se consacrer au service des autres, voulut, à la grande édification de tous, servir au réfectoire pendant le dîner (1).

La congrégation de Paris, tout à l'heure de France, constitua un corps parfaitement homogène, qui s'accrut empruntons à l'histoire naturelle ces expressions qui rendent bien notre pensée par intussusception et non par juxtaposition. En effet, les monastères ne faisaient partie du nouvel ordre qu'à la condition de recevoir un

Constitutions, en 1676, pars va, cap. XIII, no 6: « Unusquisque eligentium « ante crucem genuflexus, juramentum præstabit: Ego N. voveo et promitto Deo omnipotenti me eum electurum in abbatem Sanctæ Genovefæ <<< Parisiensis et totius congregationis præpositum generalem, quem in «< conscientia ad hæc munia exercenda judico aptiorem,» Ce serment finit même par être imposé pour l'élection des autres dignitaires. Nous le trouvons, en effet, ainsi formulé dans l'édition des Constitutions, en 1772, pars va, cap. VII, n° 7: « Nos ad præsentis capituli generalis celebra«tionem congregati, promittimus juramusque nos officio nobis demandato « juxta congregationis leges perfuncturos, in electionibus definitorum, « præpositi generalis et aliorum superiorum, suffragia iis concessuros quos << digniores judicaverimus... >>

(1) B. S. G., ms. fr. H. 21, in-fol,, p.p. 297, 308; et Vie du P. Faure, Paris, 1698, in-4o, p.p. 349, 355.

Au dehors, parmi ceux qui portaient un sincère intérêt aux choses religieuses, on était loin de demeurer indifférent en présence du résultat. Un sieur de Vertamont, intendant judiciaire en Guyenne, écrivait au P. Faure : « Je ne puis avoir vu par les relations publiques le digne choix qui a esté « fait de vostre personne pour la coadjutorerie de Saincte-Geneviève et la «< généralité de vostre congrégation sans vous témoigner la joye très par

chapitre tiré de son sein, afin d'introduire l'esprit et la pratique d'une règle commune ; et même les membres du chapitre ancien n'étaient admis dans la congrégation qu'après noviciat et renouvellement des vœux. C'est dire que les dignités et offices appartenaient au nouveau chapitre. Il y avait là, si on excepte Toussaint d'Angers, Saint-EloiFontaine, La Couronne, Saint-Gérald de Limoges, une loi qui n'admettait aucun compromis, ne souffrait aucune dérogation.

Quant aux anciens chanoines qui ne jugeaient pas à propos de se soumettre aux nouvelles constitutions ou ne se reconnaissaient pas une vocation suffisante, il y avait des droits acquis à respecter, et on les respectait réellement. De là, des traités qui d'ordinaire intervenaient pour le règlement des pensions; et, dans les cas où l'autorité seule devait statuer, même justice était observée. Cette obligation de droit naturel, le cardinal devait l'inscrire dans son ordonnance du 28 mars 1635 (1).

Est-ce à dire que tout cela s'accomplissait sans difficultés, sans tiraillements, sans conflits? Le penser serait peu connaître la nature humaine. Il se rencontrait çà et là,

« ticulière que j'en ay, estimant que ce sera un grand advancement pour « la gloire de Dieu et manutention et accroissement de la réformation que « vous avez déjà si heureusement commencée et avancée... » La lettre est datée de Bordeaux, 14 novembre 1634. (Même ms., p. 307-308.)

(1) L'article 8 de l'ordonnance était ainsi conçu: « Ledict général aura << pouvoir d'envoyer des religieux de ladicte observance en tous les « monastères de l'ordre en France, lesquels religieux y seront introduits << en la forme et aux conditions cy devant observez en pareil cas : lesquelles « sont que les offices de prieur, sous-prieur et autres seront exercez par « les religieux de ladicte congrégation, que les anciens religieux qui se << trouveront ausdits monastères pourront entrer en ladicte observance, si « bon leur semble, se soumettants aux constitutions de ladicte congré «gation et faisants leur noviciat, si après iceluy ils en sont jugez capables << par les supérieurs d'icelle; et pour ceux qui ne pourront ou ne voudront << entrer en ladicte observance, sera prise sur le revenu et mense conven«<tuelle la pension en espèces ou argent, dont il sera convenu entre eux « et ledict général ou ordonné par les sieurs commissaires de Sa Majesté « pour toutes choses nécessaires à leur entretènement convenable à leur «< condition, tant pour l'habitation qu'autrement. » (Ms. fr. H. 21, p. 396.)

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