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venait encore ajouter à la magnificence de la décoration (1).

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La chasse et le bouquet devaient attirer les regards des commissaires. Il nous a paru nécessaire, écrivirent ces derniers, de voir de près, et, s'il était possible, de dé«crire la châsse de sainte Geneviève que l'on disait surchargée des objets les plus précieux. En conséquence et « pour remplir, autant qu'il était en nous, cette partie de « notre mission, nous sommes montés par l'extérieur de « l'église (sic) au-dessus des colonnes ci-devant énoncées, et

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ne pouvant sans un danger imminent faire le tour de la «< châsse, afin de la voir dans tous ses détails, ne pouvant non « plus la faire descendre sans occasionner une dépense con sidérable, nous nous sommes bornés à prendre ses principales dimensions et à la vérifier sur le devant. Nous avons « reconnu qu'elle pouvait être d'environ deux pieds de haut « sur quatre pieds de long, qu'elle est de vermeil et qu'elle a « été enrichie de pierres plus ou moins précieuses, pro<< venant de la piété et de la libéralité des fidèles... » Les commissaires voulurent dire aussi leur mot sur le bouquet. L'expression de la déclaration capitulaire : bouquet de diamants monté en or, ne leur sembla pas, non plus, suffisante. Ils ajoutèrent : « Nous avons également remar« qué que le bouquet, monté en or et en émail, est sur« monté d'une croix également montée en or et émail, et « que le tout est garni de brillants, de pierres faibles (sic) « et de roses; que dans le milieu du bouquet il y a un «saphir en pendeloque, et que dans le contour dudit a bouquet il y a deux rubis, un saphir et une vermeille. » A très peu de différence près, le domaine de l'abbaye était demeuré tel que nous l'avons fait connaître. Les revenus montaient à la somme de cent quatre-vingt-un

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(1) La déclaration faite par le chapitre mentionne aussi une statue de sainte Geneviève en argent, c'est-à-dire argentée, et trois cœurs, offrande de la piété.

mille cent cinquante-deux livres six sols quatre deniers, tandis que les charges ne dépassaient pas quarante-quatre mille soixante-quatorze livres dix-sept sols neuf deniers; par conséquent il lui restait un revenu net de cent trentesept mille soixante-dix-sept livres huit sols sept deniers (1), sur lequel cependant elle devait prélever pour décimes, taxes publiques, réparations, aumônes, une somme évaluée ailleurs à trente-deux mille huit cent quarante-cinq livres (2).

La richesse de la bibliothèque de même que son heureuse disposition et son admirable aménagement frappèrent les commissaires.

Les bustes qui ornaient les pilastres s'élevaient au nombre de cent six. Plusieurs étaient dus au ciseau de Caffieri, Girardon, Coysevox et Coustou (3). La plupart étaient en plâtre ; il n'y en avait que douze en marbre et un en terre cuite. Les grands hommes de Rome et de la Grèce se trouvaient largement représentés dans la collection (4).

(1) Il est juste de le dire, la pauvreté religieuse régnait dans l'intérieur de l'abbaye. « Nous avons cru, disaient encore les commissaires, devoir « entrer dans les chambres de chacun de MM. les chanoines, à l'effet de «< faire l'inventaire du mobilier. Nous en avons parcouru plusieurs que << nous avons trouvées meublées très simplement. Nous y avons spéciale«ment remarqué un lit ordinaire, quelques chaises, un secrétaire, une « table et différentes armoires. » Complétons notre pensée par une remarque que nous puisons aux mêmes sources. Lorsque, quelques années auparavant, il fallut procéder à une liquidation devenue nécessaire, l'abbaye vendit un certain nombre de couverts, n'en conservant que soixante-dix, ainsi que les carrosses à l'usage de l'abbé et des administrateurs; ce qui produisit dix mille livres.

(2) Dans l'état précédemment rédigé et qui se trouve également aux Arch. nat., série S. cart. 154a.

Voir, Notes et Documents B, pour le détail des revenus et des charges. (3) Inventaire général des richesses d'art de la France, Bibliothèque Sainte-Geneviève, par M. H. Trianon, Paris, 1877.

(4) On peut voir l'indication de ces bustes dans les Anciennes bibliothèques de Paris, par M. A. Franklin, tom. 1. Paris, 1867, p. 93-95. Mais il ne faut pas tenir compte des terres cuites indiquées. L'erreur a été commise, 1 est vrai, d'après la déclaration même des Génovéfains.

On m'a dit que les bustes consacrés aux illustrations de l'antiquité

Dans une des galeries de la bibliothèque - la galerie du sud, pensons-nous, s'offrait un remarquable plan de Rome, exécuté en relief par un nommé Germain, et mesurant quatorze pieds de long sur douze de large. Près de là se conservait le modèle de la corvette l'Aurore, armée, au Havre, en 1767, pour un voyage en Hollande, afin d'éprouver les montres marines de M. Le Roi et le mégamètre de M. de Charnière. Ce modèle était l'œuvre d'un maître d'équipage de la marine royale (1).

Les bibliothécaires déclarèrent cinquante-huit mille cent sept volumes imprimés et deux mille treize manuscrits, en tout soixante mille cent vingt volumes. Il y avait, en outre, vingt-quatre cartons renfermant des pièces généralement intéressantes. Dans l'impossibilité de vaquer à la vérification, les commissaires signèrent et paraphèrent, avec mention expresse de leur qualité et mission, le commencement et la fin de chaque volume du catalogue, tant pour les manuscrits que pour les imprimés.

Le cabinet des antiques ne s'était pas moins enrichi que la bibliothèque. Il renfermait, dit le garde du cabinet aux commissaires, « une des collections les plus précieuses et les plus complètes dans tous les genres ». Les médailles surtout étaient nombreuses et remarquables : on en comptait plus de sept mille romaines dont huit cent quarante-deux en or, mille six cent vingt-cinq en argent, cinq mille cent trente-neuf en grand, moyen et petit bronze; il y en avait encore dix mille de peuples, villes, rois, papes, etc. (2). De la part des commissaires et pour

avaient été, pour la plupart, exécutés à Rome d'après les marbres originaux des grands hommes qui peuplent les salles du Vatican et du Capitole. (1) L'inventaire mentionne aussi deux globes de Coronelli, l'un terrestre, l'autre céleste.

(2) M. Marion du Mersan, Histoire du cabinet des médailles, Paris, 1838, p. 167. Voici, du reste, le relevé du procès-verbal.

Première salle s'ouvrant sur la bibliothèque. Au milieu, un coquillier, renfermant des coquilles ;

les mêmes motifs, la cérémonie de tout à l'heure se répéta à l'endroit du catalogue consacré à tant d'objets rares et curieux.

Au pourtour, dans six armoires, de nombreux minéraux, des mądrépores, coraux, coquilles multivalves, coquilles fossiles, etc;

A la corniche du plafond, les portraits des rois, de saint Louis à Louis XIV, et les cornes de différents animaux ;.

Au plafond, un crocodile, différents serpents, une tortue terrestre emarquable par sa grosseur, des armes de sauvages, objets d'histoire naturelle.

Salle suivante.

En face de la porte, le buffet appelé médaillier du duc d'Orléans, contenant, dans ses divers tiroirs, médaillons d'or et d'argent, médailles consulaires, médailles impériales d'or, médailles de Louis XIV, as romains, pierres gravées, médailles des rois, peuples et villes, etc;

De chaque côté de ce buffet, deux autres médailliers contenant, l'un médailles de France et relatives à la France, médailles des papes et de personnages ecclésiastiques, l'autre médailles impériales de petit bronze, médailles modernes étrangères, sceaux;

De chaque côté de la porte, deux médailliers portant le nom de Noailles et renfermant, l'un médailles impériales en argent, monnaies étrangères et françaises, l'autre médailles impériales de graud bronze, de moyen bronze d'Égypte, padouans, etc.;

Dans les armoires, antiquités ecclésiastiques, bustes et bas-reliefs antiques, copies d'antiques, nombreux vases étrusques, momies d'Égypte, antiquités égyptiennes, divinités grecques, romaines, malabares, antiquités relatives aux sacrifices et aux funérailles, antiquités gauloises, ustensiles, armes et poids romains, antiquités françaises, armes et amphores antiques;

Au milieu de la pièce, une grande table de stuc;

Devant les croisées, deux autres tables de marbre antique noir et blanc;

Dans une des encoignures, le cercueil antique, en deux parties, d'une momie d'Égypte et la momie elle-même ;

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Enfin, au-dessus des Médailliers de Noailles, les coins des Padouans. Relativement à ce dernier point, lisons-nous dans le procès-verbal « M. l'abbé Mongez nous a exposé qu'il ne manquoit à cette collection inté«ressante que deux coins qui sont au cabinet des antiques du roi. Il a « ajouté que ces deux coins isolés dans le cabinet des antiques du roi y « étoient parfaitement inutiles et qu'il seroit avantageux de les réunir à « la collection entière; qu'il seroit également intéressant de solliciter et « d'obtenir, à titre de dépôt, la remise des coins des monnoyes du car« dinal de Bourbon sous le nom de Charles X, qui sont négligemment « déposés au greffe de la Tournelle de Paris avec les couteaux et les poi«gnards des assassins. »>

Nous avons parlé du médaillier du duc d'Orléans. Était-ce celui légué par le duc? On s'accorde à prononcer négativement. Si les médailles pri13

T. II.

Les bibliothécaires avaient nom: Pingré, Viallon, Ventenat, et le garde du cabinet des antiques: Mongez. Les bibliothécaires demandèrent, et acte leur fut donné du vœu exprimé, à demeurer attachés au service de la bibliothèque, prêts à « continuer pour la nation et la municipalité les fonctions paisibles et honorables dont leur maison les avait chargés ». Pingré ajouta que, « quoiqu'il ne puisse ni présumer ni même entrevoir sans un véritable chagrin la possibilité de la dispersion et de la vente d'un monument aussi ancien et aussi utile que la bibliothèque de leur maison, il ne pouvait cependant se dispenser de le prévoir », et que, dans le cas où il se verrait séparé de sa chère bibliothèque, il réclamerait les volumes qui lui appartenaient (1), promettant, pour le cas contraire, de les lui léguer, comme tous ceux qu'il pourrait acquérir encore. Acte fut également donné de ces réserves et de ces promesses. Le garde du cabinet des antiques exprima les mêmes vœux que ses collègues de la bibliothèque, mais dans un langage plus explicite: si, d'un côté, « il espérait que l'assemblée nationale et la municipalité de Paris se réuniraient pour conserver et perpétuer un monument aussi précieux », de l'autre, « son unique vou, dans ce cas, serait d'en conserver la direction et la garde avec tels émoluments que la municipalité jugera à propos d'y attacher, soit qu'il reste dans la maison de Sainte-Geneviève comme chanoine séculier, soit que, la maison n'existant plus, il prenne le parti d'user de la liberté que lui donne le décret de l'assemblée nationale. »

Ces vœux étaient en quelque sorte une réponse anticipée

rent réellement place au cabinet des antiques, elles furent bientôt récla mées par le fils du prince. C'est sans doute en souvenir du legs et du placement que les génovéfains auraient donné à l'un de leurs médailliers le nom du noble personnage.

(1) Dans le nombre de ces volumes figuraient ceux qui avaient été donnés par l'académie des sciences et offerts par les membres de cette académie, car Pingré appartenait à ce corps savant. Un état détaillé de ces volumes fut remis aux commissaires.

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