Page images
PDF
EPUB

« Un esprit juste, un cœur généreux ne se laissent pas gagner par les caresses (1).

[ocr errors]

En cette année 1675, le nombre des monastères possédés par la congrégation s'élevait à plus de cent, grâce à l'agrégation des maisons suivantes : Sainte-Catherine de Laval (2), et Saint-Vincent-au-Bois (3), que nous avons déjà nommés,

(1) C'est dans le ms. 30', cité tout à l'heure, que nous avons relevé ces maximes.

Les œuvres, demeurées inédites, du P. Blanchart forment plusieurs volumes que possède la Bibliothèque Sainte-Geneviève. Ces œuvres se composent surtout de sermons, de petits traités, souvent en latin, de lettres, etc.,

Le corps de ce saint abbé reposa à gauche de celui du P. Faure. L'on n'a pas oublié que les restes du P. Boulard occupaient la droite. Le tombeau, comme le ciel, devait consacrer l'union des trois religieux qui dans leurs diverses fonctions, avaient si puissamment contribué à l'établissement et à la prospérité de la congrégation. L'épitaphe composée pour le P. Blanchart a beaucoup de similitude, du reste, avec celle du P. Boulart:

[ocr errors]

Vir corporis dignilale, mentis præstantia, vitæ æqualitate, morum « innocentia et sermonis gratia excellens, in tractandis rebus prudentia, « regendis animis dexteritate, complectendis suis quotquot erant cari« late el divinorum affectu singularis... » (Gall., tom. VII, col. 806.)

(2) C'était encore une fondation de la noble famille de Craon. Hervise ou Avise, veuve de Gui VI, avait fait élever tout près de Laval (Vallis Guidonis) un oratoire en l'honneur de la vierge martyre d'Alexandrie. Cet oratoire fut donné, au xin siècle (1224), à l'abbaye de La Réau et, dans le xve, il devint un couvent de chanoines augustins. Ce couvent porta même quelque temps le nom d'abbaye. Mais il revint à son premier état et à sa première dénomination, simple prieuré.

Dépendant de la cité, s'il n'avait pas fini par être inclus dedans, ce prieuré devait aussi faire partie de la Congrégation de France. 1666 fut l'année marquée pour cela.

(Gall., tom. XIV, col. 444; Expilly et la Martinière, Dictionn.; ms. fr. H. 18, p.p. 508 et suiv.)

(3) Oratoire à l'origine, ermitage en 1066, depuis monastère de chanoines réguliers avec le titre d'abbaye, Saint-Vincent-au-Bois (de Nemore) se trouvait près de la forêt de Thimerais, à quelque distance de Châteaunenf, qui emprunte son surnom à la forêt même. Les seigneurs de ce bourg s'en montrèrent les bienfaiteurs.

nous transcrivons notre

Eu égard à sa situation isolée, cette abbaye manuscrit - « fut exposée au pillage et à la fureur des hérétiques du siècle passé », lesquels « lui firent ressentir les derniers excès de leurs violences >>.

Cruellement éprouvée dans nos guerres civiles, elle fut heureusement

Notre-Dame de Gâtines (1), Mont-aux-Malades à Rouen (2),

préservée de la commende, mais non point du relâchement qui amena la réforme génovéfaine (1667).

(Gall., tom. VIII, col. 1320; même ms., 185, p.p. 595 et suiv.)

(1) Gâtines (Gastineta), à une lieue de Château-Renault, fut d'abord — ses bois épais s'y prêtaient admirablement le séjour d'ermites qui, de libres qu'ils étaient, se réunirent,en 1138, pour mener la vie commune. Ils avaient demandé l'autorisation de l'archevêque de Tours, qui l'avait accordée, à la condition que l'abbé ou le prieur, par eux élu, serait présenté au chapitre métropolitain. On fit venir de Chartres des chanoines pour leur expliquer la vie régulière selon la règle augustinienne. C'est ainsi qu'ils devinrent chanoines réguliers.

L'abbaye ne cessa d'appartenir à l'ordre. Mais elle finit par n'abriter plus la régularité, qui commença à y refleurir par l'établissement des Génovéfains (1668).

(Gall., tom. XIV, col. 317; même ms., p.p. 681 et suiv.)

(2) Avant de porter ce nom, cette montagne, une de celles qui dominent la ville, s'appelait Mont-Saint-Jacques, à cause d'une église placée sous ce vocable. Cette église, apparemment paroissiale, desservie en premier lieu par des chanoines séculiers, fut, vers le milieu du XIe siècle, donnée à des chanoines réguliers.

Dans l'acte d'association, en date de 1160, avec les Frères Palmiers, nous lisons que la communauté se composait de chanoines et de pauvres lépreux. Nous y voyons aussi le monastère désigné sous le nom de SaintJacques du Mont-aux-Malades. On peut donc inférer de là qu'une des règles primitives du chapitre prescrivait la réception et le soin des lépreux à la condition pour ceux-ci de se soumettre à la vie religieuse. C'est la même pensée de charité qui fit naître, en 1182, l'établissement de Quevilly aux environs de Rouen: on voulut faire pour les lépreuses ce qu'on avait fait pour les lépreux; et l'organisation du premier monastère dut servir de modèle à celle du second.

Les malheureux travaillés par cette horrible maladie devinrent si nombreux qu'il fut impossible de les recevoir dans l'enceinte monastique; on les plaça dans des maisons situées au haut et sur le versant de la moutagne; mais le monastère ne cessait de les assister corporellement et spirituellement. Plus tard, une vingtaine de paroisses de Rouen constituèrent un fonds à l'effet de faire soigner leurs lépreux par les zélés chanoines.

En 1175, le repentir de Henri II, roi d'Angleterre, dota le prieuré d'une nouvelle église consacrée à saint Thomas le Martyr. Celle de Saint-Jacques fut réservée pour le service paroissial. Par suite, le prieuré se désigna sous le nom de Saint-Thomas du Mont-aux-Malades.

Vers le milieu du XVIIe siècle, les lieux réguliers qui menaçaient ruine, durent être rasés, et firent place à de nouvelles constructions (1664). Le renouvellement moral date de cinq ans plus tard (1669). (Expilly, Dictionn., art. Rouen, p. 434-435; Gall., tom. VII, col. 804.)

Saint-Léger de Soissons (1), Saint-Jean de Colle (2), Le Parc dans le diocèse d'Evreux (3), Saint-Gilles de Pont-Audemer (4), Saint-Jean l'Évangéliste à Semur-en-Auxois (5), Aigues-Vives (Aquæ Vivæ), dans le diocèse de Tours, Fontenelles, à une lieue de la Roche-sur-Yon (6).

(1) Wyart, chanoine de la Congrégation de France, ayant été nommé par le roi abbé de Saint-Léger de Soissons, devint naturellement le promoteur, que le succès attendait (1670), de la vie nouvelle à introduire dans la vieille abbaye. Mieux partagée que bien d'autres, celle-ci, après la réformation, eut toujours pour abbé un chanoine de la même congrégation.

Saint-Léger était primitivement une église de la banlieue de Soissons, relevant des comtes de la cité et desservie par des clercs séculiers. Un de ces comtes, Renaud, dit le Lépreux, la remit à l'évêque Joslenus de Vierzi. C'était afin que le prélat la confiât à des clercs obéissant à la règle de Saint-Augustin. Les lieux réguliers plus ou moins bien disposés, Joslenus tira de l'abbaye d'Arrouaise les premiers chanoines qu'il y plaça (1139). Son successeur, Ansculphe, fut le fondateur du vrai monastère qu'il plaça dans l'intérieur de la ville. Cette abbaye appartenait donc à l'illustre congrégation d'Arrouaise avant d'appartenir à une plus illustre encore, celle de France.

(Gall., tom. VII, col. 805, et tom. IX, col. 467; Gosse, Histoire de l'abbaye de l'ancienne congrégation d'Arrouaise, Lille, 1786, in-4o, p. 343.)

(2) Lorsque, chargé par le cardinal de La Rochefoucauld de visiter les monastères de l'ordre canonique dans plusieurs diocèses du midi, Alain de Solminihac arriva, le 31 janvier 1631, au prieuré de Saint-Jean de Colle, à six lieues de Périgueux, il y trouva quatre religieux vivant « comme des séculiers, sans supérieur et sans règle », n'ayant même pas la notion de la vie régulière. Comment l'eussent-ils acquise, cette notion, puisque dans ce prieuré — abus déplorable! — l'on recevait, en même temps, à l'habit et à la profession.

La rénovation du prieuré vint aussi de Sainte-Geneviève (1669).

(Même ms., 185 p.p. 742 et suiv.; Gall., tom. VII, col. 804, et tom. II, col. 1487.)

(3) Ce prieuré était une fondation, au XIe siècle, de la pieuse famille d'Harcourt.

(4) Prieuré.

(5) Prieuré qui se rattachait, ne fut-ce que par l'origine - et le camail rouge du prieur ne cessa de l'attester à l'antique abbaye d'Agaune, monument de la piété et plus tard théâtre de la pénitence du roi Sigismond. (Gall., tom. VII, col. 805; Expilly et La Martinière, Dictionn.)

(6) Ces deux abbayes étaient anciennes. L'une devait peut-être son origine à des ermites; l'autre avait abrité des moines avant de recevoir des chanoines de Chancelade. (Gall., tom. VII, col. 806, 807, tom. XIV, col. 320, tom. II, col. 1433; Expilly.)

Le nombre des monastères, tant abbayes que prieurés, s'élevait donc à

Nous terminons ici ce qu'on peut appeler la période de formation. Nous avons pris le nouvel ordre à sa naissance et nous avons assisté à ses développements successifs. C'est bien, pour emprunter les expressions évangéliques, le grain de sénevé qui, jeté en terre, et malgré de nombreuses et puissantes oppositions, a germé, grandi et est devenu un arbre majestueux. Ainsi des œuvres de Dieu, surtout au sein du christianisme. Expression plus ou moins adéquate, selon les temps et les circonstances, de ces lois providentielles : Quæ stulta sunt mundi elegit Deus, ut confundat sapientes; et infirma mundi elegit Deus, ut confundat fortia (1), elles se montrent toujours par quelque côté jaillissant du néant ou de la faiblesse, triomphant par la fragilité, déconcertant les sages comme les forts, les habiles comme les violents.

Les deux principaux agents dont Dieu se sert pour l'accomplissement de ses œuvres, ce sont les caractères et la sainteté, les caractères dans l'ordre naturel, la sainteté dans l'ordre surnaturel, mais ceux-là n'étant pas moins que celle-ci l'effet de la libéralité d'en haut, car c'est Dieu qui trempe les caractères comme c'est lui qui accorde la sainteté. Les caractères agissent par leur noblesse, leur élévation, leur sérénité, leur énergie, leur persévérance; la sainteté par son zèle, son dévouement, par la foi qui transporte les montagnes, la charité qui embrase le monde, par le langage du sacrifice ainsi que par les accents de la prière. Toutes ces forces se réunissent en un puissant faisceau pour seconder l'action divine et même déterminer en elle un accroissement de puissance intrinsèque. Plusieurs de ces grands caractères au sein de la congrégation ont passé devant nos regards: qu'il nous suffise de rappe

cent six en France. A ce nombre on doit ajouter les six maisons belges qui s'affilièrent et dont une, le Val de Liège, voulut, nous le savons, avoir une union plus intime encore avec la congrégation.

(1) I ad Corinth., 1, 27.

ler les noms de La Rochefoucauld, Faure, Boulart, Beaudoin, Branche, Blanchart. Nous savons aussi que la saintelé n'était pas moins admirable en eux. Mais qui pourrait dire le nombre de ces âmes d'élite que renfermaient les différents monastères ?

Les anciens annalistes de Sainte-Geneviève se proposaient d'en révéler plusieurs. Un manuscrit nous a été conservé sous ce titre Les vies des personnes considérables en piété et en doctrine des chanoines réguliers de la Congrégation de France. Nous résistons à la tentation de résumer ici quelques-unes de ces biographies. Nous ne voulons pas interrompre la marche de notre récit que nous continuons dans les conditions et avec le cadre que nous avons indiqué dans l'Avant-Propos.

T. II.

9

« PreviousContinue »