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mandé à Paris? Aussi fut-il décidé qu'on lui intimerait un veniat au nom du chapitre, et qu'en cas d'un nouveau refus on procéderait par les voies de rigueur contre lui.

Le chapitre d'Uzès se trouvait dans un si déplorable état, que l'évêché allait en poursuivre la sécularisation. Naturellement la congrégation devait se poser en adversaire du projet. Grâce au P. Annat, le brevet qui était déjà prêt, disait-on, ne fut pas signé.

Mais le roi partait pour le Languedoc. De ce côté, de nouvelles influences n'étaient-elles pas à craindre? Le génovéfain Mailhot eut ordre de suivre la cour pour faire face à tout événement. Le supérieur général écrivit au cardinal. Mazarin qui répondit en politique habile à se tirer d'affaire :

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« Mon Révérend Père,

« J'ai trop d'estime et d'affection pour vous et pour « votre communauté, pour favoriser ce qu'on voudrait << entreprendre contre vos intérêts. Mais quand on a proposé au roi d'accorder le brevet de sécularisation de l'église d'Uzès, ç'a été seulement pour renvoyer la con« naissance de cette affaire au pape à qui Sa Majesté en a << voulu remettre la décision. Ainsi cela ne vous préjudicie « point; car, si vous avez d'aussi bonnes raisons que vous << prétendez pour empêcher cette sécularisation, vous « n'aurez qu'à les représenter à Sa Sainteté, qui pourra << ordonner ensuite ce qu'elle estimera plus à propos pour «<le service de Dieu et le bien de cette Église. C'est tout « ce que j'ai à vous dire en réponse de votre lettre et «< que je suis véritablement votre très affectionné à vous faire service (1). »

La mort de l'évêque d'Uzès allait ouvrir les voies à la conciliation. Le successeur, déjà coadjuteur, Adhemar de Monteil de Grignan, se montrait mieux disposé. En prin

(1) Ms. 18, p. 700-701, lettre datée de Toulouse, 20 décembre 1659.

«

cipe, le statu quo était maintenu et la sécularisation repoussée. «< Dieu a disposé des affaires mandait le << P. Annat au supérieur général — qu'il n'y a plus rien << à craindre touchant la sécularisation du chapitre d'Uzès. « Le nouvel évêque a des pensées plus favorables à l'état « régulier... Ainsi vous voilà hors de souci. Le mien sera << d'avoir toujours des occasions de servir votre ordre (1). »

Un nouveau concordat devait tout régler. Mais il fallut préalablement plusieurs années de réflexions, de pourparlers, de discussions. Enfin, le 25 octobre 1664, la paix se signait aux conditions suivantes qui modifiaient les précédents traités :

Le chapitre était uni à la Congrégation de France, et se composait de quatre dignitaires : le prévôt, l'archidiacre, le sacristain, le capiscol, et de seize chanoines;

Le prévôt serait nommé, comme les autres prieurs, par le supérieur général de la congrégation, tandis que les trois autres dignitaires seraient élus par le chapitre d'Uzès;

Comme compensation du droit dont se dessaisissait l'évêque relativement à la collation de ces trois dignités capitulaires, le chapitre d'Uzès lui servirait, avec l'autorisation du pape, douze cents livres de rente qui seraient affectées à la fondation d'un séminaire diocésain;

En dehors du monastère, le chapitre restait sous la juridiction de l'évêque.

Ce n'était pas le compte de Sconin. Pourtant, on lui offrit la belle cure de Sainte-Madeleine de Montargis. Mais il préféra ne pas quitter le pays, en se fixant dans celle, plus modeste, de Saint-Maximin, dont il avait été précédemment gratifié (2).

(1) Ms. 185, p. 75, lettre datée d'Aix, le 4 février 1660.

(2) Il mourut à Uzès en 1689. Il était oncle, par sa sœur, de notre grand poète, Jean Racine, qu'il avait appelé près de lui en Languodoc et dont, par des motifs un peu humains, il avait fait un élève en théologie et probablement un clerc. (Gall., tom. VII, col., 795-796; Lettres de Racine pendant

L'union si laborieusement cimentée ne devait durer que quelques années: en 1671, le chapitre d'Uzès cessait définitivement d'appartenir à la congrégation (1).

III

LES TROIS DERNIERS GÉNÉRALATS DU P. BLANCHART

(1667-1675)

Sur son lit de mort, le P. Boulart avait recommandé tout particulièrement à ses religieux « de conserver le premier esprit qui avait été inspiré par le R. P. Faure » (2). Personne mieux que le P. Blanchart ne pouvait travailler, à la tête de la congrégation, à la réalisation de ce vœu d'un mourant. D'ailleurs, le généralat lui revenait en qualité de premier assistant, dignité que, pour la septième fois, le chapitre général allait lui maintenir en septembre prochain.

Quelques mois avant la tenue de ce chapitre, le corps de Descartes était présenté à l'église Sainte-Geneviève pour y

son séjour à Uzès; Notice biograph. sur Jean Racine, au commencement de ses OEuvres, édit. de M. Paul Mesnard, Paris, 1865, in-8, p. 43.)

Le jeune Racine écrivait le 15 novembre 1661 à Vitart:

« 11 (l'oncle) est fort fâché de ce que je n'ai point apporté d'émis«soire... Il m'auroit déjà mené à Avignon pour y prendre la tonsure; et << la raison de cela est que le premier bénéfice qui viendra à vaquer dans le chapitre est à sa nomination... Il est bien aise que j'apprenne un peu « de théologie dans saint Thomas, et j'en suis tombé d'accord fort volon« tiers. >>

Le 6 juin 1662, il mandait encore au même :

« Il (l'oncle) est résolu de me mener un de ces jours à Nîmes ou à

« Avignon pour me faire tonsurer, afin qu'en tous cas, s'il vient quelque chapelle, il la puisse impétrer. »

"

(1) Gall., tom. VI, col. 646.

Sources générales pour cet article: mss. 18 et 185 passim,

(2) Ms. 185, p. 585.

être inhumé. L'on avait choisi cette église, parce que la célèbre abbaye, dit Baillet, n'était pas moins regardée << comme le sanctuaire des sciences que comme celui de la religion ». Le P. Blanchart s'était empressé d'accueillir la proposition de Pierre d'Alibert et des amis du grand philosophe; et au jour marqué, 25 juin 1667, revêtu de ses ornements pontificaux et à la tête de la communauté, il reçut le corps à l'entrée de l'église. Le lendemain, il y eut service solennel. Le P. Lallemant devait prêcher l'oraison funèbre; mais il garda le silence sur un ordre de la cour ou, comme porte notre manuscrit, sur l'invitation de la Faculté des Arts de Paris, laquelle tenait la doctrine cartésienne pour hétérodoxe en matière de philosophie ». Après le service, le corps fut déposé dans un caveau, au côté méridional de la nef (1).

Au chapitre général de 1667, on décida que la congrégation compterait une province de plus, celle de Champagne avec Saint-Denys de Reims pour siège du chapitre provincial. Dans les dix-sept dernières années, si l'on compte Sainte-Catherine de Laval et Saint-Vincent-auBois, plus de quarante nouveaux monastères en France

(1) Une colonne en marbre blanc, surmontée du médaillon de Descartes, avec emblèmes scientifiques, deux épitaphes, l'une en français et l'autre en latin, se détachant sur cette colonne, devaient consacrer le souvenir et la gloire du philosophe.

Voici la première :

Descartes, dont tu vois ici la sépulture,

A dessillé les yeux des aveugles mortels,
En gardant le respect que l'on doit aux autels,
Leur a du monde entier démontré la structure.
Son nom par mille écrits se rendit glorieux,
Son esprit, mesurant et la terre et les cieux,
En pénétra l'abime, en perça les nuages;
Cependant, comme un autre, il cède aux lois du sort,
Luy qui vivroit autant que ses divins ouvrages,
Si le sage pouvoit s'affranchir de la mort.

(Baillet, Vie de Descartes, Paris, 1691, in-4o, p.p. 433 et suiv.; ms. 185 p. 669; Alex. Lenoir, Musée des monuments français, Paris, 1800-1806, tom. V, p. 74; Alb. Lenoir, Statistique monumentale de Paris, Paris, 1867, tom. I.)

s'étaient réunis à la congrégation qui, dès lors, en comprenait près de cent (1).

(1) Voici la composition des quatre provinces, renfermant quatre-vingtdix-sept abbayes ou prieurés :

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